Il n’a jamais été aussi dangereux de s’opposer à des entreprises qui s’accaparent des terres et détruisent l’environnement. Notre nouveau rapport, Defenders of the Earth (Les défenseurs de la Terre), révèle qu’en 2016, presque quatre personnes ont été assassinées chaque semaine en protégeant leurs terres et leur milieu naturel des industries minières, forestières et de l’agro-business.
L’assassinat n’est qu’une des tactiques parmi l’éventail utilisé pour faire taire les défenseurs de l’environnement, comme les menaces de mort, les arrestations, les agressions sexuelles et les poursuites judiciaires agressives.
La colombienne Jakeline Romero a été la cible de menaces et d’intimidation pendant des années pour avoir dénoncé les effets dévastateurs d’El Cerrejón, la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine. Il s’agit d’un projet financé par les entreprises Glencore, BHP Billiton et Anglo American, cotées à la Bourse de Londres, et géré par un exploitant local, jugé responsable de pénuries d’eau et de déplacements de population massifs [1].
Ce rapport illustre les difficultés de nombreuses personnes qui, comme Jakeline, font face à la puissance des multinationales, aux forces paramilitaires et même à leur propre gouvernement, et ce dans les pays les plus dangereux du monde pour défendre l’environnement. Il analyse également les raisons pour lesquelles ils sont confrontés à des menaces grandissantes et lance des pistes sur ce qui peut être fait pour préserver la sécurité des militants.
Les assassinats de défenseurs ne cessent d’augmenter mais aussi de se généraliser. En 2016, 200 assassinats ont été recensés dans 24 pays, en comparaison à 185 dans 16 pays en 2015. Dans près de 40 % des cas, les victimes étaient issues de populations autochtones. Par ailleurs, l’absence de poursuites judiciaires empêche d’identifier les coupables, mais il existe des preuves solides que la police et l’armée sont à l’origine d’au moins 43 assassinats, et que 52 décès sont liés à des exécutants privés tels que des agents de sécurité et des tueurs à gages.
Les pays les plus mortels pour les militants
Le Brésil est une fois encore le pays le plus meurtrier du monde avec un nombre impressionnant de morts dû à une impitoyable ruée vers les richesses naturelles de l’Amazonie, bien que le Honduras reste le pays le plus dangereux par habitant au cours des dix dernières années.
Le Nicaragua commence à rivaliser avec ce triste record. La création d’un canal inter-océanique qui coupera le pays en deux est en train de se décider, ce qui entraînera des déplacements de population massifs, des troubles sociaux ainsi que la violente élimination de ceux qui s’y opposent. En Asie, c’est aux Philippines que le nombre de décès s’amplifie à cause de la voracité de l’industrie minière.
En Colombie, les assassinats n’ont jamais été aussi élevés, en dépit – ou peut-être à cause – de l’accord de paix récemment signé entre le gouvernement et la guérilla des FARC. Les zones qui se trouvaient sous le contrôle de la guérilla sont maintenant convoitées par des entreprises extractivistes et les paramilitaires, alors que les communautés déplacées qui retournent sur leurs terres sont attaquées parce qu’elles veulent récupérer les terres qui leur ont été volées pendant un demi-siècle de conflit.
En Inde, les assassinats sont montés en flèche dans un contexte politique lourd marqué par l’augmentation de la répression des manifestations pacifiques et de l’activisme .
Défendre les parcs nationaux est devenu plus risqué que jamais, particulièrement en Afrique où un grand nombre de gardes forestiers sont tués, surtout en République démocratique du Congo.
Il ne s’agit pas d’un phénomène isolé. Les pays développés intensifient leur usage d’autres méthodes pour faire disparaître les militants, notamment aux États-Unis où le gouvernement Trump donne aux défenseurs de l’environnement toutes les raisons de protester.
Il est de plus en plus évident que les gouvernements et les entreprises manquent en général à leur devoir de protéger les militants en danger. Ils rendent possible un niveau d’impunité qui permet à la grande majorité des coupables de vivre en liberté, et encouragent de nouveaux potentiels assassins. Les investisseurs, y compris les banques de développement, alimentent la violence en soutenant des projets qui nuisent à l’environnement et bafouent les droits humains.
Assassinats des défenseurs des terres et de l’environnement en 2016
Ironiquement, ce sont les militants qui sont dépeints comme des criminels et qui doivent faire face à de fausses accusations pénales et à des affaires civiles sans précédent intentées par des gouvernements et des entreprises qui cherchent à les réduire au silence. Cette criminalisation a pour but d’intimider les défenseurs, de ternir leur réputation et de les bloquer dans des combats juridiques coûteux.
Protéger ceux qui sont en première ligne
Le rapport Defenders of the Earth exige que les gouvernements, les entreprises et les investisseurs prennent des mesures pour :
– S’attaquer aux causes profondes des risques – en garantissant aux communautés le droit à la consultation libre, préalable et informée quant à l’utilisation de leurs terres et de leurs ressources.
– Soutenir et protéger les défenseurs - à travers la mise en place de lois, de politiques et de pratiques spécifiques.
– Assurer la responsabilisation en cas d’abus – en allant au-delà des poursuites judiciaires de ceux qui ont ordonné ou mis à exécution une attaque, en veillant à ce que ces acteurs, tout comme les investisseurs internationaux, qui ont manqué de soutenir les défenseurs menacés, subissent les conséquences de leur inaction.