La lutte pour la survie et la justice climatique en Afrique du Nord

Le changement climatique : Toute action n’est pas utile

, par SOLON Pablo

Le 21 septembre 2014, des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées à New York pour l’une des plus grandes marches contre le changement climatique. L’occasion était le Sommet sur le climat, convoqué par le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, et qui a eu comme thème : « Agir et prendre des mesures ». Mais il faut se demander si certaines de ces mesures ne pourraient pas causer plus de dommages à la planète.

La marche des peuples pour le climat à New York, le 21 septembre 2014

Les études scientifiques sur l’environnement ont été toujours claires quant à l’urgence de prendre des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, afin de rester sur la voie d’un réchauffement global qui ne dépasserait pas les 2°C ; des augmentations de températures supérieures à celle-ci entraineraient des conséquences catastrophiques et pourraient même modifier la vie sur terre, telle que nous la connaissons. Le rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, réalisé par le Programme des Nations unies pour l’environnement, estime que si les engagements volontaires et relativement faibles, pris par les pays à Copenhague en 2009, sont mis en œuvre, sans des règles strictes, les émissions atteindraient les 56 gigatonnes de CO2 d’ici 2020. Ce qui pousserait le monde vers une augmentation des températures de 4 à 8°C au cours du siècle actuel. Afin de maintenir l’accroissement de températures autour de 1.5-2°C, les émissions doivent être réduites à des niveaux variant de 37 à 44 gigatonnes de CO2 d’ici 2020. Ceci nécessite des actions concrètes, et non seulement des engagements volontaires, et implique des réductions légalement contraignantes en écartant les marchés de carbone qui ne font que déplacer les émissions d’un endroit à l’autre.

Mais cette manifestation, organisée par Ban Ki-moon à New York, fut plutôt une grande fête, rassemblant les chefs d’États et les chefs des multinationales qui sont responsables de l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre et qui continuent, pour la plupart, à se faire énormément d’argent en échangeant des crédits polluants sur les marchés de carbone. Plus précisément et selon le Climate Accountability Institute au Colorado, deux tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre ne proviennent que de seulement 90 entreprises pétrolières, gazières et charbonnières. Parmi celles-ci, on trouve 50 entreprises pétrolières détenues par des investisseurs comme Chevron, Exxon, BP et Shell, et des producteurs de charbon comme British Coal, Peabody Energy et BHP Billiton.

Ce Sommet pour le climat fut un grand coup médiatique car il ne faisait même pas partie des négociations officielles de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ce fut tout simplement une façon d’offrir une plateforme globale aux dirigeants afin de délivrer de beaux discours sur les mesures à prendre. Le sommet promettait également des mesures basées sur le marché ainsi que des solutions technologiques qui causeraient plus de tort que de bien pour la planète. Celles-ci comprennent la REDD (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts), l’agriculture intelligente face au climat (Climate Smart Agriculture), le carbone bleu et les compensations de la perte en biodiversité. Figurent aussi parmi ces mesures de fausses solutions technologiques, proposées par les multinationales : la géo-ingénierie, les séquestrations et le stockage du carbone, les organes génétiquement modifiés, les agro-combustibles et la bioénergie industrielle, la biologie synthétique et la nanotechnologie, la fracture hydraulique, les projets nucléaires et la génération d’énergie à travers l’incinération de déchets.

Ces fausses solutions ne sont pas conçues pour faire face au changement climatique mais sont plutôt avancées pour garantir des profits continus pour les entreprises et multinationales. Pire encore, elles servent à marchander (transformer en marchandise, commodify en anglais), à privatiser les fonctions de la nature et à détruire les écosystèmes comme les forêts, le sol, les zones humides, les rivières, les mangroves et les océans, desquels dépend la vie sur cette planète. Entre-temps, plus de 330 organisations et mouvements sociaux représentant plus de 200 millions de personnes, ont dénoncé cette prise de contrôle des pourparlers climatiques par les multinationales, et étaient également sur le terrain dans les rues de New York. Ces mouvements incluaient, entre autres, La Via Campesina, Oil Watch International, Migrant Rights International, Global Forest Coalition, Indigenous Environment Network, Grassroots Global Justice Alliance et ATTAC. Leur message était simple : nous ne pouvons pas résoudre la crise climatique sans s’attaquer à ses causes profondes.
Bien qu’il n’existe pas de recette instantanée pour changer le système, ce qui suit est un plan d’action en dix points, promu par les mouvements sociaux et leurs alliés à New York pour nous mettre sur la bonne voie :

  • Prendre immédiatement des engagements contraignants pour maintenir l’augmentation des températures globales au-dessous de 1.5°C au cours de ce siècle, à travers une réduction annuelle globale des émissions de gaz à effet de serre par 38 gigatonnes d’ici 2020.
  • Laisser plus de 80% des combustibles fossiles dans le sous-sol.
  • Interdire les nouvelles explorations de pétrole et de gaz et se détourner de l’extraction des ressources.
  • Accélérer la transition vers les énergies renouvelables et propres et assurer une gestion publique et communautaire.
  • Promouvoir la production et la consommation locales des biens.
  • Passer d’une agriculture tournée vers l’exportation à une production communautaire basée sur les principes de la souveraineté alimentaire.
  • Appliquer des stratégies de "Zero déchets" et améliorer et développer les transports publics.
  • Créer des emplois dans le secteur climatique afin de faire chuter les émissions de CO2
  • Démanteler l’industrie militaire qui engendre des émissions de gaz à effet de serre.
  • Détourner les budgets de défense alloués aux guerres afin de promouvoir une paix véritable.

Si on veut que cette nouvelle dynamique débouche sur des résultats positifs, notre première étape serait d’interrompre la prise de contrôle des négociations climatiques officielles par les entreprises industrielles. Si nous perdons la bataille au cours de cette décennie, on ne pourra plus échapper au chaos climatique. Il est donc largement temps de prendre des mesures réelles et concrètes qui n’occasionneront pas davantage de mal à la planète.