La lutte pour la survie et la justice climatique en Afrique du Nord

Déclaration de Margarita sur le Changement Climatique

Réunion préparatoire à la pré-COP sociale du 15 au 18 juillet 2014, Ile de Magarita, Venezuela.

Traduction de l’espagnol au français par Clémence Tavernier, Jonathan Rock, et Marie-
Joe Martin, traducteurs bénévoles pour Ritimo.

Changeons le système, pas le climat

Nous, femmes et hommes représentants des organisations et mouvements sociaux réunis sur l’île de Margarita du 15 au 18 juillet 2014, engagés en faveur du buen vivir (« bien vivre », en français), du vivre en harmonie avec les écosystèmes de la planète comme voie pour faire face à l’actuelle crise environnementale et au changement climatique (qui en est l’une de ses illustrations les plus flagrantes) ; préoccupé-e-s par la dimension sociale trop longtemps ignorée de cette crise mais remplis d’espoir et de foi quant à la puissance créatrice des peuples, moteur indispensable au changement du système ; nous saluons et souhaitons la bienvenue aux processus sociaux qui se vivent et se construisent au sein de différents pays, communautés et modèles de société.

Des personnes qui retournent à leurs villages, en traversant les eaux des inondations à Bihar en Inde en septembre 2008.

Puisqu’il existe une dimension sociale au changement climatique et un droit inaliénable des peuples à être les protagonistes de la construction de leurs propres destins ;
Puisque chaque pays vit dans un contexte historique particulier au sein d’un monde complexe, composé d’expériences et de visions diverses à partir desquelles naissent des initiatives transformatrices ;
Puisque la crise climatique est le résultat de systèmes de développement insoutenables et incompatibles avec le bonheur des peuples ;
Puisque le thème de l’environnement est un sujet politique et qu’il est du devoir des gouvernements et de la communauté internationale d’écouter les voix des peuples ;
Puisque ce sont les peuples qui subissent les conséquences du changement climatique, qui vivent et comprennent ses dimensions sociales. Puisque ce sont aussi eux qui ont la force morale et la capacité créatrice nécessaire pour changer de cap et aller vers des systèmes justes et soutenables qui rendent possible un bonheur durable respectueux des cycles de la nature ;
Puisque les pays en voie de développement sont confrontés à différents types de problèmes et souffrent davantage des conséquences liées au changement climatique que les pays développés ;

Nous déclarons : Égalité intergénérationnelle et droits des générations futures

« Allons vers l’avenir, ramenons-le à nous et commençons à le semer ici »,
Hugo CHAVEZ

1. « L’homme et la femme se sont transformés en de monstrueux consommateurs, qui sont en train de consommer toutes les ressources que la terre nous a données ». Carmona Genesis, 11 ans, représentante élue des Mouvements écologistes des enfants du Venezuela.

2. Nous devons partager nos expériences à travers le monde pour comprendre et construire de véritables solutions. Etre solidaires avec nos camarades d’autres parties du monde, c’est comprendre leur contexte, leur lutte pour la vie, la souveraineté et l’identité.

3. Le changement dépend de la capacité de notre génération à produire une contreculture, afin de transformer le modèle de consommation en celui du bien vivre, celui de sociétés coopératives globales. Nous devons générer une contre-culture révolutionnaire. Le rôle des jeunes est d’ouvrir le chemin et de créer des brèches dans un système qui n’est pas durable.

4. La jeunesse doit être politisée et participer aux décisions. Le plus important est que la jeunesse ait la volonté et la capacité de transformer les choses. Nous devons changer le système et commencer à mobiliser nos meilleures forces. Il ne s’agit pas uniquement d’un sujet environnemental ; il s’agit d’un sujet profondément social, éthique, politique et culturel.

5. Nous devons changer notre perception du pouvoir et encourager des espaces divers et participatifs, ouverts à la pensée interculturelle. Nous devons passer du discours à l’action transformatrice.

6. Le monde a besoin de corrections avant que les dommages soient irréversibles. Nous dénonçons le manque de volonté politique des pays les plus riches.

7. L’éducation doit ressembler à la société dont nous rêvons. Elle doit être révolutionnaire, elle doit transformer la réalité. Si elle n’est pas capable de la transformer, elle ne sert à rien. La pierre angulaire des transformations est l’éducation et la communication.

8. Le thème de l’environnement doit être un pilier du parcours de l’étudiant. Il faut repenser la manière dont l’environnement et le changement climatique sont enseignés. Nous devons ouvrir de nouveaux espaces où il est possible de discuter des causes profondes de la crise environnementale. Les jeunes doivent encourager ces changements. Le système hégémonique craint d’avoir une population éduquée parce que cela remettrait en question les structures du pouvoir.

9. Le colonialisme continue à opérer. Le changement climatique intervient dans un contexte historique où un groupe de pays a fondé son développement sur des pratiques qui ont généré la crise environnementale actuelle, y compris le changement climatique, alors que d’autres souffrent des pires conséquences de cette crise. Les pays développés, responsables du changement climatique, tentent de faire dévier le débat vers des solutions technologiques ou de marché, se soustrayant à leurs responsabilités historiques.

10. Les luttes du Sud doivent être soutenues par les pays du Nord. Les pays riches doivent s’engager à chercher une solution au changement climatique, la jeunesse du Nord doit faire pression sur ses gouvernements. Il ne reste pas beaucoup de temps, alors le Nord dans son ensemble doit assumer sa responsabilité historique et les jeunes doivent faire pression pour que le changement se produise.

11. Nous avons besoin de revendiquer la notion de solidarité et de comprendre les différences entre les pays, leurs différents contextes historiques, le droit au bien vivre ainsi que les responsabilités qu’implique le développement. La transition ne peut se limiter à la réduction des émissions ; il faut que ce soit une transition équitable qui assure que les peuples du Sud ne seront pas affectés.

12. Nous devons créer nos propres rêves, oublier le rêve pervers du développementalisme, et trouver en nous l’inspiration. Nous devons partager une nouvelle histoire à partir de nos expériences.

BIEN VIVRE Ethique climatique : responsabilités différenciées et capacités respectives

13. Il est nécessaire de mettre en place un modèle alternatif de développement fondé sur les principes du vivre en harmonie avec la nature, et qui prenne en compte les limites absolues et les limites de viabilité écologique, tout comme la capacité de la Terre-Mère. Un modèle qui soit juste, équitable, qui construise des économies durables (nous écartant des modèles énergétiques basés sur les combustibles fossiles et les énergies dangereuses), et où seront garantis et reconnus le respect de la Terre-Mère, les droits des femmes, des enfants, des adolescents ainsi que les différents genres, les pauvres, les groupes minoritaires vulnérables, et les peuples autochtones.
Un modèle qui soit juste, équitable et qui encourage la cohabitation pacifique de nos peuples. De plus, nous voulons une société qui privilégie les droits de la Terre-Mère aux mesures politiques néolibérales, à la mondialisation économique et à la patriarcalisation, car sans la Terre-Mère, la vie n’existe pas.

14. Les principaux responsables de la crise climatique sont les systèmes politiques et économiques qui commercialisent et réifient la nature et la vie, en appauvrissant la spiritualité de l’humanité, en imposant le consumérisme et le développementalisme, en générant des régimes inégaux insoutenables qui exploitent les ressources. Cette crise mondiale est exacerbée par les pratiques d’exploitation et de consommation des pays développés et des élites des pays en développement. Nous exigeons que les leaders du Nord cessent leurs pratiques perverses destructrices de la planète, et que les leaders du Sud ne suivent pas les modèles de développement existants dans le Nord, responsables de cette crise de civilisation. Nous les exhortons à construire une voie alternative afin de construire des sociétés et des économies justes, équitables et viables. Pour cela, il faut que les pays développés remplissent leurs obligations morales et légales, en portant une attention particulière aux pays et communautés vulnérables et marginalisées, en éliminant les barrières qui empêchent d’atteindre l’objectif de préserver la vie sur la Terre et de sauver l’espèce humaine. C’est pourquoi nous les exhortons à remplir leurs obligations en matière de contribution financière et de transfert de technologies sûres et appropriées localement, libres des barrières comme les droits à la propriété intellectuelle ; à renforcer les capacités ; et à suivre les principes inscrits dans la Convention sur le changement climatique et déclarés lors du Sommet de la Terre à Rio, notamment le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, ainsi que les principes de précaution et d’égalité des genres.

15. Conformément aux résultats scientifiques, pour ne pas dépasser une hausse de 1,5 degré de la température, il faudrait laisser dans le sous-sol 80% des réserves connues de combustibles fossiles. Pour cela, il est nécessaire que les pays développés réduisent immédiatement la consommation et l’extraction de combustibles fossiles. Il faut aussi qu’ils reconnaissent les droits des pays en voie de développement qui dépendent de l’extraction de ces combustibles fossiles comme source de revenus. Les pays en développement ont besoin de temps pour mettre en place une transition juste qui réduise leur dépendance vis-à-vis de cette activité, et les pays développés doivent apporter leur soutien, sans condition, aux pays en développement afin de mener à bien cette transition si urgente.

16. Nous demandons le changement des modèles de production et de consommation, en tenant compte des responsabilités historiques des émissions des nations et des multinationales, ainsi que de leur nature cumulative, reconnaissant ainsi que l’espace atmosphérique du carbone est limité et doit être partagé équitablement entre les pays et leurs peuples.

17. L’inégalité historique de la surconsommation du budget des émissions mondiales, géré par les multinationales et les systèmes économiques dominants, a contribué à générer des inégalités en termes de capacité d’action des pays. Certains indicateurs clefs servant à mesurer cette disparité seraient : les émissions nationales de gaz à effet de serre par habitant depuis 1850, la distribution et le montant de la richesse et des revenus nationaux, ou encore les ressources technologiques qu’un pays possède. Ces indicateurs peuvent être utilisés pour déterminer la juste part de l’effort qui correspond à chaque pays (budget des émissions), si les limites de la Terre sont respectées, si les responsabilités historiques sont reconnues, tout comme les besoins de développement durable, les dommages et pertes d’origine climatique, ainsi que le besoin de transfert technologique et de soutien financier.

18. Nous demandons la mise en place d’un Tribunal de Justice, d’Ethique et de Morale du Changement Climatique, où l’humanité dans son ensemble pourrait dénoncer les délits liés à ce sujet.

19. Nous rejetons toute tentative de mise en oeuvre ou de promotion de solutions ou réponses dangereuses et contraires à l’éthique du changement climatique, ainsi que les solutions à travers lesquelles les pays riches industrialisés et les multinationales poursuivent comme objectif final celui d’utiliser le changement climatique comme un moyen de générer des profits. Certaines de ces fausses réponses, comme les marchés carbone, ont causé de graves dommages sur nos forêts et nos terres. La mise en place du programme de Réduction des Emissions de Carbone dues à la Déforestation et à la Dégradation des Forets (REDD) et la production d’agro-carburants sont déjà en train de donner lieu à des processus d’accaparement et de fragmentation des terres.

Impact social du changement climatique

20. La thématique environnementale est un sujet politique lié au pouvoir, c’est pour cela qu’il est nécessaire que les capacités des peuples et des mouvements sociaux soient renforcées et qu’ils participent aux prises de décisions qui les concernent.

21. La gestion des risques doit être ancrée dans le social et le local, et inclure des systèmes nationaux, locaux et communautaires d’alerte, de prévention et de gestion des risques comme partie intégrante des processus d’adaptation.

22. La planification doit être participative, se diriger vers un habitat (urbain ou rural) construit et géré par toutes et tous, et qui réponde aux nécessités des individus qui l’habitent dans leurs contextes spécifiques d’action.

23. Il est nécessaire d’apporter des changements structurels aux modèles dominants de production, de distribution et de consommation afin qu’ils s’opposent à la marchandisation de la nature comme solution au changement climatique.

24. Nous exigeons la réparation des dettes historiques et rejetons les propositions de financement qui ne génèrent aucune transformation effective vers une solution durable.

25. Il faut promouvoir la pratique du bien vivre : se sentir bien, vivre pleinement, être en équilibre et en harmonie avec les autres et respecter les cycles de la vie et de la Terre-Mère.

26. Nous devons favoriser la gestion participative du territoire, en promouvant le dialogue social, en assurant la participation des femmes aux prises de décisions et la mise en oeuvre de mécanismes d’atténuation et d’adaptation face au changement climatique.

27. Il est nécessaire de préserver les technologies ancestrales et de promouvoir la formation et le soutien aux technologues populaires capables de créer de nouvelles technologies contribuant à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique.

28. Les communautés doivent avoir accès à l’information sur les négociations relatives au changement climatique à travers des stratégies élaborées dans ce but.

29. Nous devons inclure la thématique du changement climatique dans les parcours éducatifs de tous niveaux et pour toutes les disciplines, en centrant l’éducation sur les causes structurelles du changement climatique.

30. Il est nécessaire de concevoir des stratégies qui garantissent la sécurité sociale des travailleurs et leur dialogue avec les gouvernements en ce qui concerne la transition vers un nouveau modèle économique qui réponde à la problématique du changement climatique.

31. Il faut générer des formes de pénalisation et des mécanismes de sanction et de réparation face aux délits à l’encontre de la nature. Il est nécessaire de comprendre les atteintes aux droits de l’Homme non seulement comme un problème d’utilisation d’armes, mais également comme une conséquence d’autres formes d’agression comme la contamination de la terre par l’usage d’agro-toxiques et la restriction de l’accès à l’eau.

32. Il est nécessaire de promouvoir l’agriculture familiale de petite échelle, sans agrotoxiques, comme modèle économique alternatif garantissant une alimentation
saine aux peuples.

Participation sociale à la prise de décision

33. Nous devons nous organiser afin d’assurer le maintien de la vie sur la planète à travers un grand mouvement social mondial. Un changement d’attitude allant vers la prise de conscience du pouvoir que détient le peuple lorsqu’il est uni est nécessaire. En tant que peuples organisés, nous pouvons stimuler la transformation du système.

34. Nous devons assurer le respect de la Convention, principalement en ce qui concerne la participation des organisations et mouvements sociaux.

35. Les espaces existants doivent s’élargir et de nouveaux espaces de participation amples et permanents doivent être créés afin que les organisations et mouvements sociaux contribuent, via leurs propositions, à l’orientation des décisions au sein des processus de négociation de la Convention.

36. Il est nécessaire d’établir des mécanismes d’information et de pleine participation citoyenne, à échelle nationale, qui permettent de connaître et d’inclure la vision qu’ont les peuples de la problématique climatique, et qui promeuvent la transparence dans la diffusion d’information sur l’état des négociations au sein de la Convention.

37. Les mécanismes d’accréditation et de financement pour la participation doivent être revus et améliorés afin qu’ils ne se convertissent pas en barrières qui empêchement la participation effective des organisations et mouvements sociaux aux processus de négociation de la Convention.

38. La transparence et l’accès à une information pertinente et adéquate lors de ces processus, associés à la participation des organisations et mouvements sociaux à la Convention doivent être garantis.

39. Il est important de considérer la diversité des formes d’organisations sociales comme base pour l’élargissement de leur participation à la Convention.

40. Nous devons proposer la création d’un comité de haut niveau pour la restructuration des mécanismes de participation à la Convention. Celui-ci doit inclure des mouvements sociaux et organisations non gouvernementales et compter sur la participation de pays disposant d’une expérience significative dans le domaine.

41. Nous rejetons l’ingérence des multinationales dans les décisions de l’organisation des Nations unies (ONU) au détriment des droits des peuples et de la souveraineté des États.

42. Des processus de consultation citoyenne qui orientent les prises de décisions de chaque gouvernement dans le cadre de la Convention, tels que des référendums consultatifs nationaux, doivent être mis en place afin de peser directement sur l’accord climatique.

43. Nous exigeons de la part de l’ONU la diffusion publique et l’accès aux sessions, réunions et négociations, avec traduction dans les langues et dialectes des peuples.

44. Doivent être garanties les conditions matérielles telles que le temps, l’espace et les ressources nécessaires à la mobilisation et à la participation d’organisations et de mouvements sociaux aux processus de négociations sur le changement climatique, et autres sujets liés au sein de l’ONU.

45. Il est nécessaire de promouvoir la valorisation des connaissances ancestrales des peuples, avec le même niveau d’importance que celui accordé aux connaissances scientifiques, comme base de la prise de décision et d’action face au changement climatique au sein de l’ONU et des gouvernements.

46. Nous exigeons que l’usage du langage spécialisé et la profusion d’acronymes au sein des forums de l’ONU ne constituent pas un mécanisme d’exclusion qui empêche la compréhension du processus des négociations climatiques par les peuples du monde.

47. Des synergies doivent être créées entre les gouvernements et les mouvements sociaux et organisations non gouvernementales afin de promouvoir la présence de ces dernières aux sessions de travail, ainsi que l’incidence coordonnée de la prise de décisions sur le processus de négociation.

Lutter contre le changement climatique : action directe pour la transformation

48. Les causes structurelles du changement climatique sont liées au système hégémonique capitaliste actuel. Pour combattre le changement climatique il est nécessaire de changer le système.

49. Le changement de ce système passe par une transformation de nos systèmes économiques, politiques, sociaux et culturels, à une échelle locale, nationale, régionale et mondiale.

50. L’éducation est un droit pour les peuples, un processus continu de formation intégrale, juste, gratuite et transversale est nécessaire. C’est un des moteurs fondamentaux pour la transformation et la construction, dans la diversité, d’hommes et de femmes nouveaux, ainsi que pour le bien vivre, le respect de la vie et celui de la Terre-Mère.

51. L’éducation doit mettre l’accent sur la réflexion, la valorisation, la création, la sensibilisation, la conscientisation, le vivre ensemble, la participation et l’action. Quand nous parlons d‘éducation pour affronter le changement climatique, nous évoquons ses causes principales et les responsabilités historiques et actuelles. Nous faisons aussi référence à la pauvreté, à l’inégalité et à la vulnérabilité des peuples, notamment celle des peuples autochtones et d’autres groupes historiquement exclus et discriminés.

52. La participation sociale est un moteur fondamental du changement. Il est nécessaire de favoriser l’intégration des mouvements sociaux et d’inclure les peuples et leurs organisations dans la prise de décision à tous les niveaux.

53. N’importe quel mécanisme de transformation doit inclure les principes de respect de la vie, des droits de l’Homme, de souveraineté des peuples, de solidarité, de transition juste, tout comme la reconnaissance des limites écologiques et des droits de la Terre-Mère. Ce mécanisme doit aussi considérer le principe de responsabilités communes mais différentiées, l’ancestralité des peuples autochtones, les différentes formes et niveaux de vulnérabilité des pays et des peuples, tout particulièrement celle des peuples autochtones et d’autres groupes d’individus historiquement exclus et discriminés.

54. Nous rejetons la mise en oeuvre de fausses solutions au changement climatique telles que : les marchés carbone et d’autres formes de privatisation et de marchandisation de la vie, la géo-ingénierie et la production d’agro-combustibles. Nous nous opposons également aux mesures qui promeuvent l’agro-business et nuisent à la production d’aliments agroécologiques (comme l’utilisation de graines génétiquement modifiées, d’agro-toxiques, d’engrais chimiques), ainsi qu’à toute autre mesure qui mettrait en danger la priorité du droit au bien vivre, à la santé et à l’éradication de la pauvreté, consacrés dans la Convention. Nous rejetons aussi l’économie verte, les droits de propriété intellectuelle, les grands barrages, les monocultures ainsi que l’énergie nucléaire.

55. Il est nécessaire de connaître et de prendre en compte les effets extraterritoriaux des solutions pour lutter contre le changement climatique.

56. Nous proposons les actions suivantes pour changer le système :
 Transformer les relations de pouvoir et les processus de prise de décision pour la construction d’un pouvoir populaire anti-patriarcal.
 Transformer les systèmes de production alimentaire en systèmes de production agroécologiques qui garantissent la souveraineté et la sécurité alimentaire, tout en valorisant les connaissances, les innovations et les pratiques ancestrales et traditionnelles.
 Transformer les systèmes de production d’énergie, en éradiquant les énergies sales, en respectant le droit des peuples à lutter contre la pauvreté et en ayant comme principe celui d’une transition juste.
 Transformer les modèles de consommation d’énergie à travers des processus de formation et de réglementation pour les grands consommateurs, ainsi que le renforcement des capacités des peuples, afin de s’orienter vers des systèmes de production d’énergies renouvelables gérés par les communautés.
 Mettre en oeuvre des systèmes de gouvernance et de planification participative des territoires et des villes qui assurent un accès durable et équitable à la terre et aux services urbains, ainsi qu’à d’autres moyens pour faire face aux impacts du changement climatique.
 Passer d’un système linéaire gaspilleur d’énergie et de matériel à un système cyclique avec comme principal objectif celui de mettre fin à l’exploitation insoutenable de la nature, ainsi que la promotion de la réduction, la réutilisation et le recyclage des déchets.
 Assurer le financement des pays développés aux pays en voie de développement pour mettre en place ces transformations, ainsi que pour compenser et réhabiliter les impacts du changement climatique. Le financement ne doit pas être conditionné et la gestion des ressources fournies doit être confiée aux peuples.
 Créer des mécanismes accessibles aux peuples pour la protection des populations déplacées et des défenseurs des droits environnementaux.

Responsabilité Nord-Sud : Engagements du Nord pour renforcer les actions dans le Sud

57. Le financement des actions d’atténuation et d’adaptation de la part des pays développés dans les pays en voie de développement est une obligation morale et juridique de la Convention, et ce au nom de leurs responsabilités historiques. Le financement doit être fiable, prévisible, suffisant et approprié.

58. Toutes les obligations des pays du Nord en lien avec la provision de financements, le transfert de technologie et l’appui pour la compensation des pertes et dommages doivent être juridiquement contraignantes.

59. Les mécanismes de financement ne doivent pas répondre à la logique de l’offre et de la demande des marchés, mais au respect des responsabilités. Il est nécessaire de garantir le fait qu’ils encouragent le développement et arrivent aux communautés les plus vulnérables.

60. Le transfert de technologie des pays du Nord vers le Sud doit encourager des processus d’appropriation, d’innovation et de développement technologique endogènes. Dans ce sens, il est essentiel de considérer certains mécanismes spécifiques afin d’éliminer les barrières générés par les droits de propriété intellectuelle. Il est également nécessaire de promouvoir le transfert de technologie et la coopération Sud-Sud, tout autant que la valorisation des savoirs des peuples ancestraux, des anciens et anciennes.

61. L’adaptation va au-delà de la construction de l’infrastructure. L’injustice, la marginalisation et l’exclusion sociale ont une incidence sur la vulnérabilité et la possibilité de s’adapter. Ces aspects doivent être considérés dans les programmes d’adaptation au changement climatique et dans les mécanismes de financement.

62. Les dommages et pertes occasionnés par le changement climatique doivent être considérés à partir d’une perspective de justice et de droits humains. Les gouvernements du Sud doivent recevoir du Nord les fonds nécessaires pour compenser ces dommages et pertes. Les schémas de solidarité Sud-Sud, comme l’expérience du Vénézuela en ce qui concerne l’aide aux pays des Caraïbes et aux programmes de grande ampleur de construction de logements, sont un exemple de solidarité face aux dommages et pertes générés par le changement climatique.

63. Le secteur militaire est un des principaux consommateurs de combustibles fossiles et un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la planète. Cela doit être inclus dans les débats globaux sur le changement climatique. Le secteur militaire doit être responsable et rendre des comptes.

64. En tant que société civile, notre tâche est de travailler pour faire en sorte de transformer nos sociétés et les systèmes de production et de consommation actuels qui sont les causes du changement climatique. Pour cela, il faut générer de nouveaux paradigmes de développement déterminés par les peuples. Une partie de ce travail doit avoir une incidence sur les gouvernements nationaux et les accords internationaux comme la Convention Cadre des Nations unies sur le changement climatique.

Vendredi, 18 Juillet 2014