Au-delà de l’État-nation : le confédéralisme démocratique, une alternative politique pour les Kurdes au Moyen-Orient

L’écologie, un enjeu de survie pour les Kurdes

, par COLOMBANI Anouk, Loez

L’écologie est un champ de lutte important pour les mouvements kurdes, et constitue l’un des piliers du confédéralisme démocratique. Cette écologie est liée à la ruralité qui a longtemps défini les Kurdes. Au début des années 1980, il s’agit encore majoritairement d’une population rurale qui vit principalement d’une agriculture de subsistance et qui est géographiquement et politiquement excentrée à l’intérieur des pays dans lesquels ils et elles vivent. En premier lieu parce que cette population se trouve le long des frontières mais que ces frontières sont des montagnes, peu utiles à ces États. Par ailleurs, cette ruralité équivaut à des régions au développement très faible : routes, services publics... y sont souvent absents. On peut dire que les Kurdes sont à la périphérie des États dans lesquels ils et elles vivent. Cette situation a permis une gestion coloniale de ces territoires qui a aggravé la situation des Kurdes. Les États se sont accaparés les richesses tout en détruisant les modes de vie des humain·es, sans pour autant offrir des existences de meilleures qualités.

Cet accaparement des richesses est passé par de multiples biais : maîtrise de l’eau, destruction des écosystèmes, des forêts ou encore imposition de systèmes de monoculture. Ainsi, l’écologie mise en place dans le cadre du confédéralisme démocratique essaye de répondre à ces problèmes, tout en proposant de nouveaux cadres de maîtrise de la Nature et de liens humain·es / nature.

La maîtrise des ressources naturelles au cœur d’enjeux géopolitiques

L’eau : une arme de contrôle

L’eau est la première des richesses, et celle qui pose le plus de problèmes dans la région. Deux fleuves sont au cœur de tensions géopolitiques entre plusieurs pays : la Turquie, la Syrie et l’Irak. Le Tigre et l’Euphrate prennent naissance à l’est de la Turquie, sur les terres kurdes, puis s’écoulent en Syrie et en Irak avant de se rejoindre au sud de ce dernier pays. La Turquie a donc un avantage stratégique sur ses deux voisins en aval pour le contrôle de l’eau.

La petite foule qui a fait 3 heures de route n’en revient pas. Il faut dire que le plongeur a fait durer le suspense. Sautera, sautera pas dans la source du Munzur ? Mars 2015, cette manifestation partie de Dersim en car est venue dénoncer le projet de constructions de plusieurs barrages sur la rivière du Munzur, qui historiquement se jetait dans la rivière Péri, mais termine aujourd’hui dans le barrage du Keban. Il faut dire que nous sommes à 3000 mètres d’altitude et qu’il fait froid. La neige recouvre encore le sol. Notre activiste finira par patauger dans cette eau, pour l’instant encore prolifique, dernières images peut-être avant que l’État ne prenne la main définitivement sur son débit et ne la vole aux habitant·es. 

Ce qui arrive à la rivière Munzur, les Kurdes y sont aujourd’hui habitué·es, même si personne ne baissent les bras. La région kurde située sur le territoire de la Turquie est touchée par une politique d’ampleur de construction de barrages et de centrales hydrauliques, qui a commencé dans les années 60 et se poursuit actuellement. A partir de la fin des années 70, c’est la mise en œuvre de deux projets de grande envergure : le projet d’Anatolie du Sud Est (GAP) et le Projet de l’Anatolie Orientale (DAP). Le premier touche le sud de la région, quand le deuxième s’étend plus au nord, jusqu’à la frontière iranienne. Il touche ainsi la région de Dersim et les alentours du lac de Van, deux hauts lieux de vie et de culture des Kurdes et des Alévis. 

Barrage Atatürk sur l’Euphrate, projet GAP. © Loez (tous droits réservés)

Avec 32 milliards d’investissement essentiellement de l’État turc, le GAP, officialisé en 1977, c’est 22 barrages. Il vise plusieurs objectifs : stocker l’eau pour irriguer des cultures spécialisées (type coton), produire de l’électricité, électrifier les villes et les industries, désenclaver la région et la rattacher au reste du pays.

La majorité des barrages n’ont pas d’utilité pour les habitant·es de la région. Sous prétexte de production d’électricité, de lutte contre les inondations et de combler le retard de développement de ces régions, ils sont surtout un moyen pour l’État turc de contrôler les populations kurdes en les regroupant dans des centres urbains, et de bloquer le déplacement des combattant·es. Il s’agit aussi de faire disparaître toute possibilité d’autonomie pour la région. Ce faisant, c’est la revendication d’indépendance qui devient plus compliquée. Tout cela vise aussi à fondre la région dans le territoire national turc en l’intégrant à la nation « une et indivisible ».

Comme exemple, on peut citer Dersim, région montagneuse où des vallées entières ont été inondées. Or elle a été le lieu de grandes révoltes dans les années 1920 et 1930. Inonder les vallées, c’est détruire des villages, des réseaux de solidarité, faire déplacer les populations et rendre le déplacement entre les villages plus difficiles. Concernant la destruction de la nature et du patrimoine culturel, on peut aussi mentionner le site d’Hasankeyf. C’est le nom d’un patrimoine qui daterait de 12 000 ans, où l’on apercevait les restes de villages troglodytes. Malgré une lutte de plusieurs années et un classement au patrimoine mondial de l’UNESCO, le village a fini par être englouti pour permettre la construction du barrage d’Illisiu, effaçant les traces de l’histoire kurde.

Halfeti. Le village a été noyé suite à la construction du barrage de Birecik sur l’Euphrate. Aujourd’hui, les touristes turcs viennent faire des selfies devant le minaret qui émerge. © Loez (tous droits réservés)

Ces projets ont aussi perturbé le débit pour la Syrie et Irak. La maîtrise autoritaire de l’eau par la Turquie a de terribles conséquences sur les habitant·es du AANES1 en matière d’électricité, d’agriculture et par ricochet sur le travail disponible et l’alimentation. Responsable de trois barrages sur l’Euphrate contrôlés par les Forces Démocratiques Syriennes, Mohammed Tarboush explique les raisons de la pénurie d’eau. « D’après les lois internationales le débit du fleuve devrait être de 500m3 /sec. Mais maintenant, la Turquie laisse passer 200m3seulement, parfois même 100m3 ». Un accord a été signé en 1987 entre la Turquie et la Syrie, garantissant pourtant que la première laisse couler 500m3/s, sauf en cas de « nécessité ». Mais déjà à cette époque, la Turquie menaçait d’agir sur le débit du fleuve si la Syrie maintenait son soutien au PKK. Aujourd’hui, elle met ses menaces à exécution afin de peser sur l’AANES.

Barrage de Tishrin, Syrie. © Loez (tous droits réservés)

Le faible débit du fleuve ne permet pas d’alimenter la région 24h/24 en électricité, alors que les barrages en auraient le potentiel. Dans les villes, le vacarme et les fumées âcres des générateurs qui pallient le manque d’électricité polluent l’atmosphère. Autre dommage collatéral, les pompes d’irrigation ne peuvent plus fonctionner autant que nécessaire, et l’eau potable manque. En 2020, la Turquie coupait l’eau à de nombreuses reprises, causant en plein été, alors que la propagation du coronavirus reprenait de plus belle, d’importantes pénuries d’eau pour la population de la région de Hasaké, aggravant la situation sanitaire.

Salle de contrôle du barrage de Tishrin. © Loez (tous droits réservés)
Terres agricoles en voie de désertification faute d’eau. © Loez (tous droits réservés)

Barrages au Rojhelat et pollution de l’eau

Côté iranien, les Kurdes connaissent aussi de graves problèmes liés à l’eau, notamment de pollution à l’arsenic dans la région de Sanandaj. Ici, les habitant·es ne peuvent parfois plus utiliser l’eau courante et doivent trouver des sources de montagne, où de longues files de personnes viennent faire la queue pour remplir des jerrycans.

Les barrages et la surexploitation de l’eau au service de cultures imposées par le régime ont conduit à sa raréfaction, comme l’explique Ciwan, activiste écologiste de la région de Mariwan : "En Iran il y 600 plaines dont 270 sont complètement sèches et incultivables. C’est le résultat de l’utilisation abusive des eaux souterraines. (...) Dans tous les pays du monde les réserves aquifères doivent être utilisés à 20% au maximum, c’est-à-dire dans les situations les plus tendues. (...) l’Iran a utilisé près de 80% de ses sources d’eaux. (...) . La question de l’eau sera un problème crucial pour l’avenir. Pour le gouvernement l’environnement n’est sans doute pas une priorité quand il planifie un projet. Ceux concernant la fabrication des barrages sont seulement politiques et pas environnementaux. L’utilisation de l’eau et des forêts est politique et ne sert pas la population.”

L’accaparement des ressources agricoles par les États centraux

La gestion des régions kurdes, quel que soit l’État dont elles dépendent, a été marquée par une logique coloniale d’appropriation des ressources, à la fois au profit des États centraux, mais aussi pour faire perdre leur autonomie alimentaire aux Kurdes. Si les zones montagneuses sont plus propices à une activité d’élevage, les plaines du Kurdistan ont fait l’objet de la convoitise des États-nations. Ainsi, le régime baathiste a imposé aux régions kurdes du nord de la Syrie la monoculture du blé ou du coton, qui consomme énormément d’eau dans des zones désertiques. Elles étaient donc entièrement dépendantes des moyens d’irrigation, pour lesquels le régime a construit des barrages sur l’Euphrate, qui permettaient également l’alimentation en électricité du nord du pays. L’utilisation d’engrais chimiques était endémique, épuisant les sols davantage encore. La population était donc également dépendante des importations de légume.

Une situation de dépendance qu’on retrouve aujourd’hui au Bashur, où le KRG dépend presque complètement de ses voisins turcs et iraniens pour importer des légumes. Une situation qui n’incite pas à leur tenir tête. La rente pétrolière, distribuée aux habitant·es, a en effet poussée ceux-ci à abandonner le travail agricole, souvent difficile dans ces zones montagneuses, au profit d’emplois de fonctionnaires ou dans les forces de sécurité.

Au Rojhelat, comme en témoigne Ciwan, "quand le régime a pris le pouvoir en Iran, il a mis en place une division agricole pour les différentes régions. Par exemple les agrumes pour le nord de l’Iran, du blé et du grain pour le centre et le Kurdistan. Maintenant les agriculteurs sont plus libres pour cultiver ce qu’ils veulent. Mais le gouvernement accorde certaines aides à ceux qui cultivent ce qu’il leur demande pour les encourager. Mais elles ne sont pas basées sur des recherches et elles ne sont pas écologiques, elles sont basées seulement sur la demande. Par exemple Khamenei dit qu’on veut être autosuffisant pour le blé. Donc une grande quantité des eaux souterraines sont extraites dans ce but, seulement pour dire qu’on est autosuffisant dans la fabrication du blé. Un dernier problème c’est l’industrie. (...) Le gouvernement fait entrer des industries très polluantes dans la région".

Au Bakur, la question agricole est extrêmement sensible. Longtemps terre agricole et d’auto-subsistance, les Kurdes tiennent aujourd’hui sur un fil en matière alimentaire. Cela est le résultat des politiques d’État mises en œuvre depuis les années 60. Avec la sale guerre des années 1990 [1] tout s’est accéléré. 3000 villages sont détruits dans le cadre de la guerre, de nouveaux projets de barrages sont décidés. Un exode rural massif a alors lieu. Les villes, encore peu peuplées, ont vu leur population tripler voire décupler, la population paysanne s’est effondrée et les liens sociaux des communautés rurales se sont brisés. Les nouveaux quartiers sont souvent des immeubles bon marchés, austères (les TOKI), ou des bidonvilles insalubres et bondés. Cette situation de misère est liée au fait que ce changement démographique ne s’est pas accompagné pas d’une planification en termes alimentaires. Ainsi Diyarbakir était nourri jusqu’aux années 1980 essentiellement grâce aux Jardins d’Hevsel, l’une des zones urbaines fertiles les plus donneuse au monde. Ces jardins, vieux de 7000 ans, s’étendent des murs de la ville jusqu’au Tigre. Leur production est devenue insuffisante. Plus grave encore, au début des années 2010, ils ont été menacés de destruction par l’État qui envisageait d’y bâtir des logements. Ces projets ont été en partie mis à l’arrêt grâce au classement au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015, mais la menace pèse toujours. 

On voit bien comment sur les quatre pays, les Kurdes ont progressivement perdu leur indépendance alimentaire, compliquant la possibilité de vivre correctement. Nombre d’entre eux et elles sont aujourd’hui pris·es dans des logiques de survie, ce qui permet par ailleurs aux États de faire pression au niveau politique. 

Les Incendies

Les forêts sont aussi la cible des États. Sous prétexte d’en faire sortir les combattant·es, les États turc et iranien ont brûlés des milliers d’hectares de surface boisée.

Au Rojhelat, les activistes écologistes se mobilisent contre les feux, en formant les villageois·es à les éteindre. Ils et elles accusent le gouvernement de laisser aller dans ce domaine. En effet, en détruisant les forêts, les feux facilitent le travail de contre-insurrection mené contre les groupes armés kurdes.

La même politique est utilisée au Bakur, où l’armée turque brûle ou laisse brûler régulièrement de vastes étendues boisées, dans l’espoir d’en chasser les combattant·es. Comme pour l’eau, la région de Dersim, connue pour abriter plusieurs forces de guérilla, est très touchée. Si celles-ci étaient proches des villes au début de la guerre, plus les années passent, plus elles sont obligées de s’éloigner à cause de cette politique de terre brûlée. Traverser la région, c’est voir des paysages désolés et désolant. Ces terres brûlées sont, de surcroît, quadrillées par des bases militaires souvent signalées par la présence de lettres blanches massives formant des phrases du type « Je suis fier d’être turc ». Une humiliation parmi d’autres de l’État. © Loez (tous droits réservés)

La même politique est utilisée au Bakur, où l’armée turque brûle ou laisse brûler régulièrement de vastes étendues boisées, dans l’espoir d’en chasser les combattant·es. Comme pour l’eau, la région de Dersim, connue pour abriter plusieurs forces de guérilla, est très touchée. Si celles-ci étaient proches des villes au début de la guerre, plus les années passent, plus elles sont obligées de s’éloigner à cause de cette politique de terre brûlée. Traverser la région, c’est voir des paysages désolés et désolant. Ces terres brûlées sont, de surcroît, quadrillées par des bases militaires souvent signalées par la présence de lettres blanches massives formant des phrases du type « Je suis fier d’être turc ». Une humiliation parmi d’autres de l’État.

Berges du lac de Van. © Loez (tous droits réservés)

Les incendies servent également à détruire les cultures, comme au Rojava lors des étés 2019 et 2020 qui ont suivi la défaite de l’état islamique. De nombreux incendies, allumés par des groupes cherchant à déstabiliser la zone, ont ravagé les récoltes.

L’écologie comme espace de lutte

L’écologie fait désormais partie des points cruciaux de la résistance des Kurdes. Celle-ci ne vient pas, au départ, de théories ex-nihilo, elle part de leurs réalités et besoins. Elle s’appuie aussi sur leur rapport à la nature et à l’environnement. Cette pratique quotidienne a été renforcée par une théorisation écologique d’importance. Celle-ci s’est avérée nécessaire face à la puissance des États et leur capacité de destruction. Comme nous l’avons souligné, la destruction des espaces naturels équivaut souvent à la destruction des espaces de vie humaine. À ce titre, les destructions à la fois de la nature et des sites antiques, archéologiques, etc. sont significatives. 

Nourrie de sa correspondance avec Murray Bookchin au sujet de l’écologie sociale, la théorie de la modernité démocratique d’Öcalan prend en compte la dimension écologique que devrait avoir une société démocratique et en fait un des piliers. Il écrit ainsi qu’"il serait illusoire de croire en la préservation de la nature dans un système capitaliste, car ces systèmes participent largement à la dévastation écologique. Il faut réserver une place importante à la protection de la nature dans le processus de changement sociétal." [2]

C’est toutefois cette partie que le mouvement kurde a eu le plus de difficulté à implémenter de manière concrète. L’écologie recouvre très clairement les questions économiques et sociales. À la fois parce qu’il s’agit d’être attentif à ne pas développer des industries polluantes et destructrices de la nature, mais aussi parce que l’écologie ouvre la voie à une indépendance économique qui peut rendre possible le projet politique kurde. L’exemple du Rojava, indépendant structurellement mais dépendant concernant l’énergie et la possibilité d’exploiter les ressources, le montre bien. C’est déjà ce qu’annonçait Öcalan en écrivant sur la nation démocratique : "Les barrages construits sur les fleuves du Kurdistan ont conduit à un génocide historique et à un désastre écologique. Aucun barrage ne saurait être construit en contradiction avec l’écologie, les terres fertiles ou l’histoire ; quant à ceux qui ont déjà été construits, ils ne seront pas renouvelés. Si possible, il faudra les détruire à la première opportunité. L’opposition à la déforestation et à l’érosion, plus grands ennemis de la société et de la vie, résonne en écho avec un esprit de mobilisation totale, considérant la protection de la terre et la reforestation comme les formes de travail les plus précieuses qui soient. (...) Une société ne peut subsister sans moyens d’autodéfense, et l’alimentation et la subsistance de la société ne sont possibles qu’avec l’autonomie économique, dépendante de la conservation des sols, de la reforestation, de l’écologie et de la commune."

Les projets écologiques sont de deux ordres. Des micro-projets qui, sans modifier radicalement la société, ont l’avantage d’améliorer des vies individuelles voire parfois collectives à l’échelle d’un immeuble, d’un village ou d’un quartier ; et des projets d’ampleur sociétale, qui ont commencé au Bakur, mais sont à présent surtout en développement au Rojava.

L’écologie est aussi un outil pour sortir de la misère. Avant la reprise de la guerre en 2015, l’association écologique de Diyarbakir entreprenait des plans de retour au village pour les personnes qui vivaient dans les bidonvilles, qui n’avaient ni travail, ni ressource. Ces plans étaient difficiles à mettre en œuvre notamment pour les jeunes, qui même si né·es en campagne, avaient grandi en ville et ne se voyaient pas aller vivre dans des espaces qu’ils et elles ne comprenaient pas. La même association a aussi développé des politiques de compost, permettant ainsi de réfléchir au problème des ordures, mal prises en charge par l’État.

Le mouvement kurde a également réfléchi à la mise en œuvre d’une “économie libérée des monopoles, une écologie en harmonie avec l’environnement et une technologie compatible avec la nature et l’humanité”. Celle-ci se fait à travers le modèle coopératif, dont une conférence organisée à Van en 2014 a posé les bases. [3] La question économique est essentielle dans le processus d’autonomisation, les États ayant volontairement mené une politique de sous-développement des régions kurdes, où il existe peu d’industries et où ce sont surtout les villages pro-gouvernement qui bénéficient de la construction d’infrastructures. Les coopératives agricoles réfléchissent à une agriculture qui permette l’auto-subsistance tout en étant respectueuse de l’environnement. De nombreuses initiatives au Bakur ont toutefois été fauchées par la répression ayant suivi la guerre des villes de 2015. Elles ont par contre fleuri au Rojava, où l’Administration Autonome a appuyé la mise en place de coopératives, notamment dans le domaine agricole, afin de contribuer à la diversification de la production alimentaire nécessaire à l’autonomie, avec des méthodes agricoles durables et respectueuses de l’environnement. [4]

Malgré les politiques d’appropriation et de contrôle de la Nature et de ses ressources, les régimes centralisés n’arrivent pas à asseoir leur contrôle partout. Les régions montagneuses, difficiles d’accès, sont longtemps restées inaccessibles aux troupes venues mater les rébellions, offrant un abri aux révolutionnaires kurdes. Face aux politiques destructrices de l’environnement des États-nations et de la modernité capitaliste, le mouvement kurde propose une alternative qui ne reproduise pas les mêmes erreurs et associe le développement économique au respect de l’environnement.