Au-delà de l’État-nation : le confédéralisme démocratique, une alternative politique pour les Kurdes au Moyen-Orient

La Jineolojî, une science révolutionnaire pensée par les femmes

, par FIRAT Gülan

Le mouvement des femmes kurdes a été mondialement médiatisé pendant la guerre menée au Rojava contre daech, où les femmes ont souvent été décrites comme des « amazones » luttant contre les djihadistes. L’accent mis sur le volet militaire, de manière souvent exotisante, occulte cependant leur longue lutte, vieille de plus de 40 ans, qui combine la nécessité de la lutte armée et d’une implication sur tous les fronts sociaux et politiques. Le mouvement des femmes se penche depuis les années 2000 sur la production et la diffusion des savoirs en insistant sur la nécessité des savoirs féministes, anticolonialistes et anticapitalistes. La jineolojî (du mot « jin  [1] » femme en kurde et de « lojî » en référence au suffixe logos en grec « parole, discours » utilisé dans la construction de substantifs féminins savants) pourrait tout simplement se traduire par la science des femmes. La jineolojî est une élaboration théorique récente conçue par le mouvement des femmes kurdes au cours des dix dernières années et doit être pensée comme l’aboutissement d’un long processus de maturation au sein du mouvement kurde, dans un jeu d’échos et de dialogues entre les montagnes, la prison d’Imralı [2] et la sphère civile kurde.

Aux origines de la jineolojî : la longue histoire des femmes en lutte

La période s’étirant du congrès de fondation du PKK en 1978 jusqu’aux années 1990 est caractérisée par une faible participation des femmes, et s’organise autour de personnalités comme Sakine Cansız [3]. Le coup d’état militaire du 12 septembre 1980 en Turquie s’accompagne d’une répression massive ne laissant guère d’échappatoire entre l’incarcération souvent longue, l’exécution des militant·es et groupes révolutionnaires, ou l’exil en Europe. Öcalan, puis d’autres militant·es du PKK décident de rejoindre la plaine de la Bekaa en 1979 afin d’organiser la résistance et de se former militairement et politiquement. Sa première opération de guérilla est lancée en 1984. Un nouveau cycle s’ouvre au début des années 1990, avec la montée en puissance du PKK et son ancrage dans la société civile, visible par les manifestations de soutien et de solidarité avec la lutte armée.

La guerre menée par l’État turc au Kurdistan de Turquie dans ces années-là entraîne dès 1991 une participation toujours plus importante des femmes [4]. L’incarcération et la résistance de militantes comme Sakine Cansız ou Gültan Kışanak dans les prisons turques, les affrontements avec le PKK et les actions de femmes combattantes comme Beritan ou Zilan [5] ont fortement influencé la participation des femmes à la guérilla et marqué la mémoire collective. Le nombre de femmes combattates, alors faible, augmente jusqu’à l’institutionnalisation progressive de la présence féminine avec le premier congrès de 1993 où est officiellement discutée l’implication des femmes, ce qui aboutit à la création des premières unités armées exclusivement composées de femmes et, en 1995, à la création de la première organisation autonome sous le nom de YAJK (Yekitiya Azadiya Jinên Kurdistan, l’Union des femmes libres du Kurdistan). Après la détention d’Öcalan, en 1999, les femmes du YAJK décident de se constituer en parti des femmes, qui prendra à l’époque le nom de PJKK (Partiya Jinên Kerkaran Kurdistan, le Parti des Travailleuses du Kurdistan), connu aujourd’hui sous le nom de PAJK (Partiya Azadiya Jinên Kurdistanê, le Parti de la liberté des femmes du Kurdistan). Depuis 2005, le parti des femmes fait partie du système confédéral, appelé KJK (Komalên Jinên Kurdistan, Communautés des femmes du Kurdistan), qui inclut toutes les organisations sociales, politiques et d’autodéfense du mouvement des femmes du Kurdistan et de la diaspora kurde. À partir de la fin des années 1990, le mouvement des femmes produit alors de nombreux textes en s’appuyant, entre autres, sur les textes d’Öcalan, pour mettre en avant les théories de la rupture, du divorce éternel, de tuer « le mâle dominant », de transformer les hommes et de la nécessité des femmes à s’auto-organiser en non-mixité dans le cadre de l’idéologie de la Libération des Femmes. D’aucuns considéraient la participation des femmes dans la lutte armée comme un danger du fait de la mixité au quotidien et de l’impossibilité supposée des femmes à mener une lutte armée ; et c’est au prix d’une lutte difficile et acharnée qu’elles ont pu établir définitivement leur présence. Animé dans ses premières années par un projet d’indépendance du Kurdistan d’inspiration marxiste-léniniste, le PKK dont est issu le mouvement des femmes se dirige progressivement vers un projet de démocratisation du pays avec une reconnaissance et une institutionnalisation des droits des minorités en Turquie et plus largement au Moyen-Orient. Aujourd’hui le mouvement a adopté le confédéralisme démocratique fondé sur la libération des femmes, l’écologie et la démocratie.

Portrait de Sakine Cansiz
A gauche, Sakine Cansiz, au milieu Abdullah Öcalan, à droite, l’ex-femme d’Abdullah Öcalan.

Ainsi, dès les années 1980, le mouvement réfléchit au même titre que nombre de mouvements révolutionnaires sur la place des femmes dans la lutte et la société avec la différence notable que les relations de genre et la libération des femmes deviennent le paradigme structurant à partir des années 1990 [6]. Si les textes d’Öcalan dans les années 1980 décrivent les femmes comme « tentatrices » pouvant éloigner les hommes de la lutte, ceux des années 1990 opèrent un renversement et présentent successivement les femmes comme opprimées au sein de l’espace familial et comme combattantes et libératrices. Au moment où s’opère le changement de paradigme accompagnant la féminisation de l’organisation, l’histoire des civilisations est décrite comme la longue histoire de l’asservissement des femmes opérée par le système patriarcal et la libération devra passer par les femmes et la rupture avec l’ordre masculin. [7] Les années 1990 sont donc décisives pour comprendre la lutte des femmes, leur rencontre avec le féminisme et les bouleversements que leur présence suscite au sein du mouvement. Le changement de paradigme au sein de l’organisation a mené le leader, notamment après son incarcération en 1999, et l’ensemble du mouvement poussé par les femmes, à redéfinir le projet politique dans le sens d’une plus large intégration des questions de genre.

Séance d’éducation autour de la lecture des textes d’Öcalan dans les monts Qandil, avril 2014. © Loez (tous droits réservés)

La jineolojî, entre Kurdistan et diaspora : une construction transnationale

La jineolojî est définie par Öcalan dans le livre « Sociologie de la liberté », en 2008, qui constitue le troisième volume du Manifeste pour une civilisation démocratique écrit en cinq parties entre 2005 et 2010. Très vite, les écrits de prison du leader sont lus, discutés et enrichis par le mouvement au Kurdistan et en Europe, et la jineolojî est peu à peu développée afin de consolider le mouvement des femmes et d’inscrire les avancées politiques dans le domaine social et scientifique.

En 2011, le premier comité de jineolojî est formé dans les montagnes afin de discuter des implications théoriques et pratiques d’une sociologie de la liberté et d’une science des femmes lors du 8e congrès du PAJK. Des comités de jineolojî naissent dans les quatre parties du Kurdistan et en Europe. La première conférence de jineolojî a lieu à Cologne en Allemagne en 2014 (en 2015, ce sera à Stockholm, et en 2016 à Paris). Elle est suivie d’une conférence en 2015 dans les montagnes où est discuté le contenu du livre Introduction à la jineolojî [8] et qui appelle à une science des femmes établie sur un dialogue explicite entre sciences et société. La même année, le livre Jineoloji Tartışmaları (Débats sur la jineolojî) rassemble plusieurs articles entièrement rédigés par les prisonnières politiques du mouvement en Turquie et scelle ainsi le lien entre l’Europe, les montagnes du Kurdistan et les prisons, révélant ainsi les dynamiques transnationales du mouvement kurde. Cette phase de discussions et de production prend également forme par la création de la revue Jineoloijî sortie le 8 mars 2016. [9]

Enfin, en 2017, un centre de jineolojî est fondé à Bruxelles, et des académies de jineolojî apparaissent dans plusieurs villes. Depuis 2017, des centres de jineolojî ont été construits à Afrin [10], Derik, Manbij, Kobane et Heseke et une faculté de jineolojî à l’université du Rojava. Du fait de la lourde répression contre le mouvement des femmes kurdes de la part du gouvernement de l’AKP au Bakur (Turquie), du PDK au Bashur (Irak) et du régime iranien au Rojhilat (Iran), depuis 2016, le travail de jineolojî a pu être plus amplement développé au Rojava et en Europe.

Déconstruire les sciences, libérer les femmes 

La jineolojî se fonde sur une critique des savoirs andro-centrés, positivistes et euro-centrés et appelle à un décentrement des sciences. [11] Les savoirs sont enchevêtrés dans les structures politiques et sociales et sont le reflet du pouvoir hégémonique qui opprime les femmes. Les écrits du mouvement des femmes kurdes mettent en avant l’invisibilisation systématisée des femmes dans la production scientifique alors même qu’elles ont été des éléments clés dans la construction des civilisations. L’anatomie et la médecine se sont développées en se basant quasi exclusivement sur le corps masculin et ont présenté le corps féminin comme passif ou faible. L’archéologie a longtemps attribué aux seuls hommes la production artistique et artisanale, la psychologie freudienne a réduit les femmes à des états physiologiques et intellectuels supposés inférieurs. Mais la critique majeure concerne le positivisme tel qu’il s’est construit en Europe à partir du XIXe siècle, avec la mise en place d’une méthodologie fondée sur l’observation des faits séparés de la réalité sociale et s’appuyant sur une prétendue objectivité qui néglige les interactions entre « l’observateur (sujet) et l’observé (objet) ». Les sciences positivistes sont mécanistes, déterministes et invoquent l’idée de progrès. Ce paradigme scientifique, centré sur la création de la catégorie « autre », a conduit à la domination du vivant, de la nature, des femmes et appuyé les projets colonisateurs.

Il est donc nécessaire d’imposer un nouveau paradigme afin de permettre aux femmes de se (re)connaître, de mettre à jour leurs histoires oubliées et tues. Le système patriarcal infériorise, rabaisse et désubstantialise le vécu et le corps des femmes ; il est impossible de se limiter à des projets réformateurs, et la révolution ne peut se faire sans un bouleversement épistémologique. La jineolojî est donc pensée comme un outil de lutte et d’analyse, la parole et l’acte sont liés et « l’objectif n’est pas de connaître pour savoir mais de savoir pour vivre libre ». Autrement dit, la véracité d’une connaissance ne peut être évaluée qu’à l’aune de sa capacité libératrice. La jineolojî, comme toute théorie issue du mouvement kurde, vise donc à développer une praxis révolutionnaire ancrée dans la réalité sociale.

Dans la pratique, la production des savoirs doit accompagner et être mise au profit de la libération des femmes, qui ont toujours été marginalisées et dominées dans l’histoire et les sciences produites par les dominants. Il faut alors mettre en avant l’histoire des femmes afin de visibiliser leurs histoires individuelles et collectives à travers les récits des combattantes, des femmes politiques, des mères, les poèmes et toute production provenant des femmes. La visibilisation va de pair avec la transformation des hommes dont il faut tuer la masculinité [12] oppressive avant de retrouver l’authentique soi, être soi, le xwebûn. La jineolojî est donc aussi la quête d’une identité. La mise à mort du mâle a des implications concrètes, puisque les interactions au quotidien entre les hommes et les femmes sont redéfinies à l’aune du bouleversement des relations de genre. Plusieurs champs d’investigation sont mis en avant afin de mener une recherche « jineologique » : l’éthique et l’esthétique d’un point de vue philosophique, la démographie afin d’étudier les liens entre sexualité procréative et corps des femmes, la santé afin de remettre, entre autres, en avant le savoir-faire des guérisseuses et la médecine naturelle méprisés dans l’histoire, l’économie pour élaborer des projets alternatifs centrés sur l’autosuffisance et la reconnaissance de la participation des femmes dans la production, l’éducation révolutionnaire, l’écologie avec un retour à la nature au sens fort, la politique avec des sciences politiques alternatives et une participation de toutes et de tous au sein des institutions collectives, l’auto-défense physique et politique, et enfin l’histoire dans la perspective « her-story » visant à raconter l’histoire des femmes.

Coopérative du réseau ekojin au Kurdistan Nord (Turquie). ekojin a pour but de permettre aux femmes l’émancipation économique, tout en étant un lieu social où les femmes peuvent se former, échanger... Le réseau a été fortement touchée par la répression post-2016 en Turquie. © Loez (tous droits réservés)

La jineolojî et le féminisme ?

La jineolojî puise ses fondements dans l’expérience du mouvement des femmes kurdes et l’histoire de la lutte des femmes dans le monde, attribuant une place particulière aux apports théoriques et militants des différents mouvements féministes. Dans la lignée d’autres mouvements anticoloniaux, la jineolojî émet aussi des réflexions et analyses critiques à l’égard du féminisme en Occident mais se réapproprie amplement les figures féministes, les écrits et les concepts élaborés par les féministes occidentales. Le féminisme est reconnu comme le mouvement le plus radical défiant le système capitaliste et patriarcal, mais son héritage est, selon les tenantes de la jineolojî, problématique et contradictoire, dans la mesure où le système a réussi à incorporer les revendications féministes pour en faire un mouvement libéral et non révolutionnaire. De même que le féminisme tel que produit en Occident est un mouvement éclaté et peu réceptif aux expériences issues d’autres espaces.

La jineolojî, bien plus qu’une réplique ou une appropriation du féminisme, peut être pensée comme une élaboration autonome et translocale d’un féminisme pouvant concerner les femmes du Kurdistan, du Moyen-Orient et du monde. La jineolojî en tant que nouvelle épistémologie, portée par le mouvement des femmes kurdes et rejointes par de nombreuses féministes internationalistes, ne doit être pas être comprise comme une production radicalement neuve et révolutionnaire d’un point de vue théorique et politique, car les féminismes radicaux et anticolonialistes, ainsi que le féminisme du positionnement, ont élaboré depuis des décennies les mêmes critiques proposées par la jineolojî. C’est une pensée révolutionnaire au croisement de pensées et de pratiques portées par des décennies de luttes féministes dans le monde. Elle est pensée comme la science paradigmatique de la modernité démocratique défendue par le mouvement et se définit comme la sociologie de la liberté. Elle s’inscrit dans la longue histoire de la lutte au Kurdistan, permet une réactualisation systématisée de la lutte des femmes dans le mouvement qui légitime et renforce leur présence et illustre les possibilités créatrices et émancipatrices produites par des mouvements révolutionnaires depuis les marges.

S’il est aujourd’hui difficile de ne pas reconnaître le mouvement des femmes kurdes comme un des mouvements de femmes les plus radicaux et révolutionnaires au monde, se repose la question des liens et solidarités entre les différents mouvements féministes dans le monde. La jineolojî, en définitive, peut être pensée comme une tentative de subjectiver la lutte par les femmes en lutte, elle permet de mettre en mots le monde et la lutte en imposant une épistémologie alternative issue des marges, des Suds. La jineolojî reste à ce jour une élaboration en cours.

Notes

[1Le mot jin partage une racine commune avec le mot jîn et jiyan ("vie" en kurde).

[2Le Qandil correspond au massif montagneux entre l’Irak et l’Iran et représente un des bastions de la lutte armée menée au Kurdistan par le PKK. Imralı est la petite île située dans la mer de Marmara où est emprisonné depuis 1999 Abdullah Ocalan.

[3Sakine Cansız est née en 1958 à Dersim (Tunceli) et s’intéresse très tôt au problème kurde. Elle est l’une des deux femmes présentes lors du congrès de fondation du PKK en 1978. Elle est emprisonnée de 1979 à 1990 dans les geôles turques, s’illustrant par sa résistance face à la torture. Elle rejoint à nouveau la guérilla une fois libérée et participe activement à l’organisation des troupes féminines. Elle est assassinée le 9 janvier 2013 à Paris avec deux autres femmes du mouvement, Fidan Doğan et Leyla Saylemez.

[4Les années 1990 ouvre un nouveau cycle de violence et de répression massive en Turquie. Des centaines de milliers de personnes sont emprisonnées et torturées, des centaines de villages détruits au Kurdistan et entraînent l’exode de millions de Kurdes. Plus de 6000 personnes sont encore aujourd’hui portées disparues.

[5Beritan, (Gülnaz Karataş) rejoint le PKK en 1991 et devient rapidement commandante d’une unité. Elle se jette dans un ravin lors d’un affrontement avec les peshmergas en 1992 pour ne pas être capturée, préférant la mort à la reddition. Zilan, (Zeynep Kınacı) rejoint le PKK en 1995 et commet une opération suicide, le premier de l’histoire du PKK, en 1996 lors d’une cérémonie militaire à Dersim (Tunceli). Serdilan (Sema Yüce) rejoint le PKK en 1991 et s’immole par le feu en 1998 lors de sa détention en prison pour dénoncer l’oppression de l’État turc contre le peuple kurde et protester contre le sexisme au sein du parti, notamment contre la personnalité de Şemdin Sakık, ancien commandant du PKK, qui quitta plus tard le parti. Il est notamment connu pour avoir ardemment remis en question la présence des femmes au sein du PKK. Ces trois femmes figurent, parmi d’autres, parmi les icônes du mouvement et ont rejoint le panthéon des martyrs du mouvement.

[6Öcalan pose par exemple dans un texte de 1987 la question de la place des femmes dans la société kurde et la lutte armée et critique la structure familiale. Il reprendra ces analyses dans « La question des femmes et de la famille » en 1992 où la famille est présentée comme le frein majeur à la libération du peuple kurde. Les femmes sont doublement opprimées par le pouvoir étatique et les hommes dans l’espace privé.

[7Öcalan oppose dans ses écrits une ère pré-étatique de socialisme primitif, caractérisée par un matriarcat, et l’ère de l’asservissement des femmes, qui est apparue à la fin du Néolithique et s’est développée avec les civilisations. L’asservissement des femmes est allé de pair avec la création des premiers États, la naissance des religions et du noyau familial sédentaire. Ces trois instances se sont développées par le renforcement de la figure masculine au détriment des femmes.

[8Jineolojiye giris, ouvrage collectif de l’académie de jineolojî

[9Le premier numéro de la revue Jineoloijî porte sur la crise des sciences sociales, le deuxième sur le problème des méthodes, le troisième 3e sur la révolution des femmes, le quatrième sur l’auto-défense des femmes. La revue compte aujourd’hui 18 numéros et le dernier porte sur la famille.

[10Ville occupée par l’armée turque depuis 2018.

[11Précisons que la critique des sciences s’insère dans une élaboration théorique plus large où Öcalan oppose dans ses écrits la Modernité capitaliste fondée sur l’État-nation, le capitalisme et le patriarcat à la Modernité démocratique fondée sur la nation démocratique. Si l’État-nation repose sur les quatre piliers que sont le nationalisme, le positivisme scientifique, le patriarcat et la religion, la nation démocratique qui s’organise à travers le confédéralisme démocratique est fondée sur la solidarité entre les peuples, la démocratie la plus directe, l’écologie et l’égalité de genre.

[12La critique de la masculinité n’est pas née avec la jineolojî. En 1996, le leader Öcalan parle de « tuer l’homme » afin de redéfinir les relations entre les femmes et les hommes et de retrouver un soi authentique. Cette démarche doit passer par la méthode de la critique et de l’autocritique des guérillas et des militants politiques. C’est encore aujourd’hui une des bases d’organisation du mouvement.