Quand l’espoir cède à la colère : la rue gronde en Iran

L’environnement, autre mécontentement des Iranien·nes

, par AFPICL-BU HDL

La pollution atmosphérique atteint des records à Téhéran et dans d’autres grandes villes. « L’exposition aux particules fines tue chaque année en Iran près de 40 000 personnes, soit 10 % du nombre total des décès » [1]. Les maladies respiratoires sont la 3e cause de décès en Iran. Le mazout, dont la consommation est plus élevée depuis l’application des sanctions, expliquerait en partie les taux records de particules fines dans l’atmosphère des grandes villes. Mais les autorités iraniennes ne font rien pour obliger les producteur·rices à améliorer la qualité de ce combustible, comme celle de l’essence et du diesel pour les voitures, de la même façon qu’elles ne font rien de manière générale pour protéger l’environnement, notamment pour diminuer les pollutions pétrolière et chimique ou pour traiter les rejets industriels.

Pont Khâdjou sur la rivière Zayandeh rud dont le lit est sec en novembre 2017 en raison du détournement de l’eau pour l’agriculture. Photo : IB (DR)

Les effets du changement climatique sont très rapides en Iran. En 2015, lors de la COP21 au Bourget, Masoumeh Ebtekar, première femme vice-présidente de la République islamique, décrivait la situation de son pays : déclin de la pluviométrie, accroissement continu des températures dans le sud et l’est du pays, tempêtes de sable et de poussière, altération de manière significative de la qualité de l’air dans les grandes villes, aggravation des pénuries d’eau et amplification de l’assèchement des zones de marais [2]. Le lac salé d’Ourmieh au nord-ouest de l’Iran est emblématique de ce qui se passe pour les cours d’eau, les nappes phréatiques ou les fleuves : initialement sa superficie était de 5 200 km², elle n’était plus que de 1 844 km² en décembre 2018 ; en dix ans, son niveau a perdu huit mètres. Cette pénurie d’eau est une immense menace pour le pays tout entier. Toutefois, le réchauffement climatique n’est pas le seul responsable de l’assèchement des lacs ou des rivières. Pour garantir l’autosuffisance alimentaire, les politiques agricoles successives ont favorisé la construction de barrages afin de développer l’agriculture et augmenter les superficies cultivées, d’où une irrigation indispensable. Les chantiers se sont multipliés sans étude d’impact préliminaire. La mort programmée du lac d’Ourmieh est l’une des conséquences de ces décisions prises sans analyser leurs impacts environnementaux et sociaux.

Face à la catastrophe environnementale qui s’annonce, des militant·es écologistes tentent de faire entendre leurs voix par la création d’associations et d’ONG. La répression exercée contre tout mouvement de protestation depuis plusieurs années a également affaibli les revendications des écologistes iranien·nes qui n’ont pas encore réussi à devenir un mouvement de grande ampleur. En 2018, neuf militant·es ont été arrêté·es, emprisonné·es et condamné·es récemment à dix ans de prison pour espionnage [3]. Un des leurs se serait suicidé en prison selon la version officielle. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Au premier rang de cette répression se trouvent les Gardiens de la révolution, à la fois oppresseurs des écologistes et responsables de catastrophes écologiques dues à des constructions de digues, d’adductions d’eau et de ponts, sans contrôle, qu’ils ont entreprises dès les années 1990. Au printemps 2019, toutes ces constructions ont multiplié les effets dévastateurs des inondations causées par des pluies diluviennes en raison du réchauffement climatique en Iran : près de 80 mort·es, 500 000 personnes déplacées, plus de 10 millions touchées dans tout le pays et le montant des dégâts estimé à 2 milliards d’euros.