Quand l’espoir cède à la colère : la rue gronde en Iran

Covid-19 : enrichissement des un·es, appauvrissement des autres

, par AFPICL-BU HDL

L’épidémie de coronavirus a été fulgurante en Iran. Au mois de mars 2020, il était le troisième pays le plus touché au monde après la Chine et l’Italie, et le premier au Moyen-Orient. Le gouvernement iranien a demandé une aide d’urgence de 5 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI). Théoriquement, les médicaments et le matériel médical ne sont pas concernés par les sanctions économiques mais, dans les faits, de peur des mesures de rétorsion américaines, les banques internationales refusent toute transaction avec l’Iran [1]. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont exporté du matériel médical vers l’Iran dans le cadre de l’Instex [2] créé en janvier 2019 par ces trois pays. Cette société commune permet aux entreprises européennes de commercer légitimement avec l’Iran sans utiliser le dollar [3] et risquer des sanctions. Mais c’est la Chine qui a apporté l’essentiel de l’assistance et des équipements médicaux. Les hôpitaux publics iraniens ayant souffert des sanctions, ils disposent de peu de lits de réanimation, les infrastructures ont vieilli sans être renouvelées, le matériel de réanimation et les équipements de base (gants, masques, etc.) manquent. Les malades ont même parfois peur de s’y faire soigner car des rumeurs circulent selon lesquelles on meurt plus vite à l’hôpital. Des soignant·es ont payé de leur vie cette pénurie de matériel de protection. Et, dans le privé, les soins médicaux coûtent extrêmement cher. Depuis des années, la population doit faire face à une pénurie de tout au profit du système D pour trouver les médicaments, comme pour le reste, mais à des prix très élevés. Les trafics de matériel médical se sont multipliés, ainsi que la vente de médicaments au marché noir.

Fin décembre 2020, les cas de Covid-19 confirmés atteignaient plus d’un million et le nombre de décès s’élevait à près de 54 700 selon les statistiques officielles [4] qui restent cependant sujettes à caution. La troisième vague débutée en novembre, après celles de mars et de l’été 2020, concerne cette fois-ci toutes les provinces. Le port du masque est obligatoire dans l’espace public et le couvre-feu est établi dans les grandes villes. Certaines, telle la capitale, ont mis en place des mesures plus drastiques : fermeture des écoles, clubs sportifs, cafés, restaurants, cinémas, centres culturels, mosquées, etc. Des restrictions sont imposées par zone, région ou ville, ou par type d’activités. Mais c’est insuffisant selon les autorités médicales : il faudrait un confinement plus strict. Le gouvernement n’a jamais imposé de confinement long et généralisé dans tout le pays car cela ne ferait qu’aggraver la situation économique et la population est déjà éprouvée par les sanctions. L’arrêt des activités économiques prive de ressources d’innombrables familles et augmente le chômage. L’État a mis en place un système de prêt et des bons de soutien pour les plus démuni·es et a injecté 1 milliard d’euros dans le système de santé et dans l’assurance-chômage. Toutefois, cette aide est insuffisante au regard de la situation qui était déjà très difficile avant la crise sanitaire. De nombreux·ses travailleur·ses indépendant·es n’y ont pas droit car ils et elles ne sont pas enregistré·es auprès du gouvernement. Reprendre leur activité est donc vital. Les plus précaires continuent ainsi à travailler et ne respectent pas les mesures de prévention par manque de moyens. Les dépenses liées aux gestes barrières (masques, gants, gels hydroalcooliques et autres produits désinfectants) s’ajoutent désormais à celles des produits essentiels pour chaque Iranien·ne. Des scientifiques ont prévenu que le nombre de mort·es pourrait doubler si la population continuait à ne pas respecter les consignes et si d’autres mesures gouvernementales n’étaient pas prises.
Les autorités iraniennes refusent d’acheter les vaccins fabriqués au Royaume-Uni et aux États-Unis qui, selon elles, sont utilisés pour contaminer les populations. Par ailleurs, l’Iran tente de fabriquer son propre vaccin. Mais tou·tes les Iranien·nes ne sont pas d’accord avec cette propagande qui ne fait que retarder la vaccination. Certain·es ont le sentiment d’être sacrifié·es aux intérêts nationaux. Cependant, des négociations sont en cours avec Cuba, la Chine et la Russie. L’Iran a annoncé avoir préacheté environ 16,8 millions de doses de vaccins étrangers par l’intermédiaire du programme de distribution Covax, mis en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [5].