Éthiopie, entre pauvreté et développement

Transport, infrastructures et énergie

, par CRISLA

La géographie de ce pays, sans accès à la mer et très accidenté est un vrai problème pour les transports et les infrastructures. Il n’y a pratiquement pas de voitures individuelles en dehors de la capitale (l’importation étant fortement taxée). Mais les bus et des minibus de toutes tailles permettent à la population de circuler. En ville et en périphérie des villes, l’offre de transport est assurée par des triporteurs, d’un modèle indien « bajaj » qui simplifie l’approvisionnement en pièces détachées.

La construction et l’entretien des routes est en rapide progression, soutenue par l’aide internationale (Japon, Chine, Union Européenne…). Les gros chantiers sont menés par des entreprises chinoises. Il y a aussi des chantiers avec la main d’œuvre locale (« nourriture contre travail »), menés avec des moyens rudimentaires. En plus des routes goudronnées, il y a un gros programme de pistes pour désenclaver les zones rurales reculées.

Travaux routiers (travail contre nourriture). Photo : Odile Schmitt.

Le chemin de fer
La voie Djibouti-Addis-Abeba (784 km) a été construite par la France, terminée et inaugurée en 1917. Elle a constitué un « cordon ombilical » raccordant la capitale au port de Djibouti, d’autant plus indispensable que, depuis 1998, le passage par l’Érythrée est impossible.
Elle nécessite alors de gros travaux et, peu à peu, le trafic de fret passe par la route (100 000 poids lourds par an). En 2002, l’AFD et l’Union Européenne conditionnent leur financement des travaux par une mise en concession. Cette solution n’aboutit pas et le trafic cesse complètement en 2011.
En même temps, le pays adopte un plan très ambitieux de développement du ferroviaire :
5 000 km d’ici 2020. En 2011, il confie la création d’une nouvelle voie Djibouti-Addis-Abeba à des entreprises chinoises grâce à des emprunts chinois. Les travaux débutent en 2013. Un « barreau nord » est prévu vers Mékelé.
Par ailleurs, les Chinois construisent aussi 34 km de tramway à Addis-Abbeba.

L’avion
La géographie difficile participe au développement des vols domestiques : le pays compte 17 aéroports. Ainsi, la compagnie « Ethiopian Air Line », fondée dès 1946, est un fleuron de l’économie éthiopienne et transporte 4,6 millions de passagers par an.

L’électricité
Seulement 17 % des habitants ont accès à l’électricité. La stratégie du pays, basée sur l’hydroélectricité grâce à sa géographie montagneuse, y consacre un tiers de son PNB. Il vise à devenir la centrale électrique de l’Afrique de l’Est, en vendant de l’électricité au Soudan, au Kenya et à Djibouti.
En 2013, la Société d’énergie électrique d’Éthiopie (EEPCO) gère 2 000 MW à partir de 6 barrages hydroélectriques et vise 15 000 MW en 2018 grâce aux nouveaux barrages en cours :

  • Le barrage de la renaissance, sur le Nil Bleu, près de la frontière avec le Soudan. Travaux 2013-2017 (entreprise italienne) vise 6 000 MW. C’est le plus grand projet énergétique d’Afrique. Il a été contesté par le Soudan et surtout l’Égypte qui craint une diminution du débit du Nil, en particulier lors de la mise en eau de la retenue. Mohamed Morsi avait émis de graves menaces . Ces problèmes avaient engendré le blocage des financements de la Banque Mondiale. Mais, depuis le 23 mars 2015, le premier ministre de l’Éthiopie et les présidents du Soudan (Omar el Bechir) et de l’Égypte (Abdel-fattah Al Sissi) ont signé un accord qui, selon M. Sissi "sera bénéfique à l’Éthiopie, sans nuire aux intérêts de l’Égypte et du Soudan" .Le cabinet d’études français BRL Ingénierie a été choisi pour mesurer l’impact de la construction du barrage Grande Renaissance sur les ressources en eau du Nil.
  • Les barrages sur l’Omo, projet Gilgel Gibe, au sud, sont en cours de réalisation et critiqués par l’association Les Amis de la Terre dès 2012. Le barrage Gibe III, actuellement en construction, doit produire 1 800 MW et l’exporter vers le Kenya. Il est particulièrement contesté par les ONG pour ses impacts négatifs sur les populations tribales locales.

L’interconnexion avec les pays voisins est bien avancée, en particulier avec Djibouti. Pour ce qui est des lignes à haute tension reliant les barrages à Addis-Abeba, c’est encore une entreprise chinoise, China Electric Power Equipement and Technology Company (CET) qui a obtenu ce contrat de 1 milliard d’euros...

Les autorités développent également des projets faisant la part belle à d’autres énergies renouvelables :

  • Vent : Faisant appel aux sociétés internationales, comme le français Vergnet ou les entreprises chinoises, l’Éthiopie a engagé un ambitieux programme de fermes éoliennes . .
  • Géothermie : L’Éthiopie veut se doter de la plus grande centrale géothermique du continent, en faisant appel à une entreprise islandaise.
  • Solaire photovoltaïque : Le gouvernement éthiopien a finalisé les négociations avec deux entreprises américaines pour le lancement de projets d’énergie solaire capables de générer 300 mégawatts d’électricité . La coopération allemande GTZ prévoit d’installer 15000 systèmes solaires par mois en Éthiopie, où seulement moins d’un pour cent de la population rurale utilise l’énergie solaire, en raison de la faiblesse des investissements dans le secteur.

Combustibles
La majorité des éthiopiens utilise le bois et les résidus de récolte (tiges de sorgho…) ainsi que le charbon de bois et la bouse de vache séchée. Cela contribue au déboisement et à la fragilité des sols. Il n’y a pas de réseau de distribution de bouteilles de gaz.

Stockage de la bouse. Photo : Odile Schmitt.

L’Éthiopie, consomme 50.000 barils de pétrole par jour, selon le département américain de l’Energie. Elle ne produit, pour le moment, ni de pétrole ni de gaz. Elle a signé jusqu’à présent 15 accords d’exploration et de partage de pétrole avec neuf entreprises étrangères. Elle importe son pétrole du Sud-Soudan par camions citerne ; il existe un projet de pipeline pétrolier entre Djibouti, l’Éthiopie et le Sud-Soudan.

En conclusion, il apparaît que l’Éthiopie déploie une politique ambitieuse d’autonomie énergétique mais que le défi de fournir cette énergie aux masses rurales est loin d’être gagné.
Sa contribution pour la COP 21 a été saluée comme l’une des plus ambitieuses. Elle prévoit de maintenir son niveau d’émission de gaz à effet de serre en 2030 au niveau de 2010, à 145 millions de tonnes équivalent CO2. Un pari énorme pour ce pays, parmi les moins avancés, dont la croissance tourne autour de 10%. Des programmes de reforestation et de préservation seront donc lancés sur une zone de 7 millions d’hectares. En parallèle, les pratiques agricoles seront améliorées afin d’assurer un meilleur rendement, ainsi qu’une hausse des revenus pour les agriculteurs.