Maroc, sous la plage… les pavés

Politique au Maroc

, par CIIP

La plageLes pavés
- La constitution est un acquis de l’indépendance.
 Apparence d’un Etat moderne (parlementaire, pluripartisme)
- Monarchie "constitutionnelle" de droit divin (le roi commandeur des croyants) mais pouvoir absolu souvent exercé de façon arbitraire.
 Aucune séparation des pouvoirs.

Le système politique peut être défini comme une « monarchie constitutionnelle de droit divin » (État du Monde).

Établir une monarchie constitutionnelle était une revendication essentielle du mouvement nationaliste (UNFP) dans le cadre de la lutte pour l’indépendance et le sultan, le futur Mohammed V s’était engagé à y apporter une réponse. Celui-ci meurt en 1961, son fils Hassan II reprend le projet en l’adaptant aux circonstances nouvelles de la rivalité entre le pouvoir royal et le mouvement nationaliste. La 1ère constitution (1962) rédigée avec le concours de juristes français, présente formellement les critères d’un régime démocratique de type occidental : un parlement, des élections (législatives, régionales et municipales), le pluripartisme, un droit inspiré du droit occidental à l’exception du code de la famille.
Quatre constitutions apporteront par la suite des modifications sur certains points mais sans changer l’essence du pouvoir. Il en est de même pour la dernière réforme constitutionnelle issue d’un referendum en juillet 2011.

Sous les apparences constitutionnelles le pouvoir est, en fait, absolu. La monarchie reste, comme dans le passé, de droit divin. Le roi est « amir el mouminine », commandeur des croyants, il détient donc le pouvoir religieux, l’islam étant religion d’État.
Il détient également l’essentiel du pouvoir politique et est le chef des armées : la séparation des pouvoirs n’apparaît pas dans le texte des diverses réformes de la constitution. L’absence de réels contre-pouvoirs, l’interdiction de toute remise en cause des fondements religieux, institutionnels et politiques de l’État ainsi que de toute critique de la personne du roi laissent place aux abus et à l’arbitraire de l’exercice de ce pouvoir.
D’autre part, la monarchie marocaine s’appuie traditionnellement sur le « Makhzen » [1], système de gouvernement et d’administration constitué d’un réseau de fonctionnaires et de « clients », formant une caste privilégiée qui quadrille la société et contrôle ainsi toute initiative susceptible d’atteindre le pouvoir établi.

Ce pouvoir est néanmoins vulnérable. Il a été menacé dans les décades précédentes et ces menaces n’ont pas disparu :

 l’armée : deux coups d’État en 1971 et 1972
 des révoltes populaires (Casablanca, Fès, Tanger…1965, 1981, 1991)
 la concurrence de puissants groupes économiques alliés aux compagnies étrangères
 conflits au sujet du Sahara avec l’Espagne et l’Algérie
 la montée de l’islamisme politique radical.
 les conséquences du "printemps arabe".

Au Maroc, les mobilisations populaires arabes se sont manifestées par le "Mouvement du 20 février" (date de sa création en 2011), forme d’expression radicalement nouvelle, sans leader, présent dans toutes les localités du pays par de puissantes manifestations organisées lors d’assemblées de coordination, et porteur de revendications précises : dissolution du gouvernement et dissolution du Parlement, Constitution démocratique émanant du peuple lui-même, véritable séparation des pouvoirs (justice indépendante, monarchie qui règne mais ne gouverne pas), lutte contre la corruption et récupération des richesses volées au peuple, libération de tous les prisonniers politiques.
Devant l’ampleur de ces manifestations, le régime a manœuvré sur le plan institutionnel en procédant à une pseudo révision constitutionnelle qui ne change en rien les structures des pouvoirs de la monarchie absolue, à de nouvelles élections marquées par une forte abstention et une reconduction des partis "maghzéniens" au gouvernement. Ces manœuvres sont toutefois destinées à rejeter toute mise en cause profonde du despotisme monarchique, de ses privilèges et de sa politique de soumission complète au système du néolibéralisme financier international. C’est pourquoi elles s’accompagnent d’un renforcement des violences policières et judiciaires contre les militants du Mouvement du 20 février, notamment dans toute ville où la population exprime vigoureusement son désir de démocratie, de justice sociale et de créations d’emplois, comme à Taza, Al Hoceima, Bou Arfa, sidi Ifni, etc..

Notes

[1Makhzen : Ce terme désignait à l’origine le lieu où était cachées les victuailles communes d’un village ou d’une tribu (il a donné le terme magasin en français). Ensuite à partir du XVIIe siècle, le développement de l’administration aidant, il a commencé à désigner le Trésor, puis ceux qui en régissaient l’emploi. Avec le temps, il finit par s’appliquer à l’ensemble du personnel gouvernemental et de l’administration centrale qui secondait le souverain. Il représente pour les Marocains, le véritable principe d’autorité.