Maroc, sous la plage… les pavés

Chronologie, repères historiques

, par CIIP

Le territoire du Maroc actuel s’inscrit dans l’histoire de puis l’antiquité. Dans ce carrefour d’immigrations et d’invasions, les populations autochtones (Imazighen) ont été en contact avec les Phéniciens, les Romains (païens puis chrétiens), les Vandales ariens, les Arabes, les Portugais, les Espagnols, les Africains du Sénégal et du Niger, et plus près de nous les Français. La fondation de l’Etat marocain actuel remonte à la première dynastie des Idrissides, avec la fondation de Fès en 789. Sous les dynasties Almoravides et Almohades, cet Etat est devenu un empire qui englobait tout le Maghreb et l’Espagne musulmane.

La période coloniale et les premières années d’indépendance

1906  : Conférence d’Algésiras où douze puissances reconnaissent à la France des "droits spéciaux" sur le Maroc.
1912-1934 : Traité de Protectorat signé par le sultan Abdelhafid qui partage le Maroc entre la France et l’Espagne. Conquête militaire du territoire par les armées françaises après une longue résistance. Lyautey Résident général administre le Maroc avec quelques centaines de fonctionnaires français en s’appuyant sur les notables marocains.
1921-1926 : Soulèvement du Rif et création d’une République par Abdelkrim Khettabi, écrasée militairement par l’armée française dirigée par Pétain. Passage à l’administration directe du Maroc qui devient en fait une véritable colonie.
1934  : Fondation du premier parti politique national, le Comité d’action marocaine, dirigé par Allal el-Fassi, Mohammed Hassan Ouazzani et Ahmed Balafrej. À la suite de manifestations, en 1936, A. el-Fassi est déporté au Gabon (jusqu’en 1946)
1943  : Création du Parti de l’Istiqlal qui publie en janvier 1944 un "manifeste du droit à l’Indépendance".
1952  : Des émeutes à Casablanca, du 6 au 12 décembre, sont réprimées dans le sang.
1953  : Avec le soutien des "féodaux" autour du pacha de Marrakech, Thami el Glaoui (mort en 1955), Mohammed V est destitué. Le 20 août 1953, il est déporté avec sa famille, d’abord en Corse, puis à Madagascar. Le Maroc compte 35000 fonctionnaires français. Deux ans plus tard, Mohamed Ben Arafa (mort en 1973), dit le "sultan des Français", est contraint d’abdiquer.
1954  : Développement de la résistance, implantation d’une armée de libération dans le nord et le sud du pays. Le mouvement nationaliste répond à la répression par l’action armée, la guérilla urbaine.
1955  : Le 16 novembre, Mohammed V rentre triomphalement d’exil. Après la défaite française de DienBien Phu en Indochine et le début de l’insurrection algérienne, respectivement en mai et en novembre 1954, Paris se résigne à une solution négociée.
1956  : Proclamation de l’indépendance.
1958  : Répression d’une nouvelle révolte du Rif par le prince héritier Hassan et le général Oufkir.
1959  : Scission du Parti de l’Istiqlal (parti de l’indépendance). Sous l’égide de Mehdi Ben Barka, constitution de l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP) qui deviendra à la suite d’une scission l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP).
1961  : Mort de Mohamed V et avènement de Hassan II.
1963  : Guerre des frontières avec l’Algérie.

Le "système Hassan II" : les "années de plomb"

1965  : Soulèvement de Casablanca, la répression fait plus de 1000 morts.
Enlèvement et assassinat de Mehdi Ben Barka à Paris (novembre).
1965-1970 : État d’exception.
1971 et 1972 : Deux tentatives de coup d’État militaire. Épuration de l’armée et lourdes condamnations. "Suicide" du général Oufkir, "disparition" de sa famille et du syndicaliste Hocine El Manouzi.
1973  : Soulèvement armé du Moyen Atlas (à Khenifra et Goulmima) suivi d’une terrible répression. Récupération des terres de colonisation.
1973-1990 : Nombreux assassinats, disparitions. Répression contre les syndicats, les étudiants…
1974  : Lancement par le roi de la "Marche verte" pour récupérer le Sahara occidental évacué par les Espagnols.
1979  : Occupation par le Maroc de la zone sud du Sahara occidental après le retrait de la Mauritanie.
Guerre avec le Polisario (Front populaire de libération du Sahara occidental).
1981  : Suite à une grève générale décrétée par la CDT, "émeutes de la faim" à Casablanca (en juin) : 600 à 1000 morts dont de nombreux enfants. Interdiction de la CDT et de la presse d’opposition. Procès des dirigeants de l’USFP.
1984  : Émeutes dans plusieurs villes (sauf Casablanca) : des centaines de morts, des milliers d’arrestations, 80 procès et 1600 condamnations.
Grèves de la faim des prisonniers politiques : 3 d’entre eux meurent à Marrakech.
Procès de 72 islamistes : 5 condamnations à mort, 21 à perpétuité.
1986  : Candidature du Maroc à la CEE.
1988  : Construction de la Grande Mosquée de Casablanca, après une souscription obligatoire dans tout le pays.
1989  : Grèves de la faim dans plusieurs prisons : 1 mort. 60 prisonniers sont graciés.
1990  : Suite à la publication de "Notre ami le Roi" de Gilles Perrault, annulation des "temps du Maroc", manifestation culturelle qui devait se dérouler dans toute la France à l’initiative du Maroc.
Création du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme.
En décembre, grève générale lancée par la CDT et la CGT : émeutes populaires à Fès et à Tanger.

Démocratisation" apparente sous la pression internationale

1991 : Libération des 22 militaires survivants (sur les 61) illégalement enlevés et mis au secret dans le du bagne de Tazmamart après leur jugement. Libération et expulsion vers la France d’Abraham Serfaty après 18 ans d’emprisonnement.
Constitution d’un front commun des principaux partis pour la révision de la Constitution.
1992  : Arrestation (26 mars) et condamnation à 20 ans de prison ferme (26 mai) de Noubir Amaoui, secrétaire général de la CDT. Il sera libéré en juillet 1993.
Le 17 mai, constitution du "bloc démocratique" (Istiqlal, USFP, UNFP, PPS, OADP).
1993  : Janvier à mars : troubles dans les universités, grève dans plusieurs secteurs, nombreuses arrestations.
Libération de 1000 détenus.
En juin, réforme partielle de la "Moudawana" (code de la famille et de la femme).
En novembre : nouveau gouvernement, le bloc démocratique dénonce la manipulation des élections et refuse de participer.
1994  : Amnistie "générale" : libération de 424 prisonniers d’opinion (8 juillet).
1996  : Référendum approuvant par près de 100% des votants ( !) de la réforme de la Constitution présentée par le roi (20 août).
1997 : Élections communales (juin) et législatives (novembre) toujours manipulées par le Pouvoir.

Période d’ouverture

1998  : Constitution du gouvernement d’Abderrahmane Youssefi, Secrétaire général de l’USFP.
1999  : Mort de Hassan II (23 juillet) et intronisation de son fils Mohamed VI (30 juillet).
Août : commission royale chargée de l’indemnisation des anciens prisonniers politiques et des familles de "disparus".
Septembre : retour d’Abraham Serfaty.
9 novembre limogeage du ministre de l’Intérieur Driss Basri (surnommé le "grand vizir" de Hassan II).
2000  : Levée de l’assignation à résidence (depuis 1989) du cheik Abdelassam Yassine ("guide" de la principale organisation islamiste Al-Adl wa Al-Ihssane – Justice et bienfaisance), le 16 mai.
Autorisation du "pèlerinage" d’anciens détenus à Tazmamart (7 octobre).
Dispersion violente de manifestations réunissant des défenseurs des droits de l’Homme et des islamistes (9 et 10 décembre).
2001  : La FIDH (Fédération internationale des Droits de l’Homme) qui tient son 1er congrès en terre arabe (à Rabat, du 10 au 14 janvier) relève des "signes inquiétants de régression".
2002  : Mise en demeure par Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, de débloquer la situation au Sahara Occidental (19 février).
Près d’un million de manifestants à Rabat pour la Marche de solidarité avec le peuple palestinien (7 avril).
Mariage de Mohamed VI, "le roi des pauvres", avec une " fille du peuple" Salma Bennani (12 juillet).
Élections législatives (27 septembre) : percée de la seule formation islamiste légalisée, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) qui devient la 3e force politique derrière le Parti de l’Istiqlal (PI, national-conservateur) et l’USFP.

Essor de l’islamisme et renforcement de la politique sécuritaire

2003  : Attentats islamistes de Casablanca : 43 tués des centaines de blessés (16 mai).
Adoption d’une législation antiterroriste (22 mai) par la Chambre des représentants qui va vers un durcissement du régime.
Élections communales (12 septembre) : le PJD devient la 2e force devant l’USFP.
2004  : Réforme du code de la famille (16 janvier).
Création de l’Instance équité et réconciliation (IER) (janvier).
Attentats islamistes de Madrid (11 mars) : 191 morts, la plupart des auteurs étaient marocains.
Amnesty International (juin) s’inquiète de la "multiplication des cas de torture" et des détentions au secret pendant des mois dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Depuis 2004 : Répression de la presse : interdiction d’exercer et emprisonnement de journalistes, interdiction de titres.
Collaboration entre le Maroc, l’Espagne et la France, avec des finances de l’UE, pour lutter contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine.
2005  : Affrontements mortels entre les forces de l’ordre hispano-marocaines et des candidats à l’émigration clandestine à la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. En octobre, expulsion de plusieurs centaines de ces immigrés qui sont abandonnés dans le désert du Sud marocain et algérien.
2006  : Nombreuses manifestations de Sahraouis (brutalités, arrestations, procès de militants). Arrestation et inculpation de 200 militants islamistes, interrogatoire de 3000 membres de l’association islamiste Al Adl wal Ihsan.
Expulsions illégales de demandeurs d’asile.
2007  : Poursuite de la répression contre les militants syndicaux et de défense des droits de l’Homme, les journalistes, etc.
Élections législatives en septembre 2007 : taux d’abstention record (63%) et victoire surprise de l’Istiqlal (PI) devant le Parti de la Justice et du Développement (PJD).
2008  : Manifestation d’étudiants à Marrakech, violemment réprimée par la police : un mort et de nombreux blessés.
En juin, grèves et manifestations avec blocage du port de Sidi Ifni, ancienne colonie espagnole au sud d’Agadir. L’ensemble de la population exige un plan de développement local et le création d’emplois. Violente répression par les forces armées (bouclage de la ville, saccage de domiciles privés, brutalités et passages à tabac, arrestations etc.). Manifestations de solidarité dans tout le Maroc et à l’étranger. Nombreux prisonniers en attente de procès.
Poursuite de la contestation sociale : grève générale lancée par la CDT le 28 mai
Création du Parti de l’Authenticité et du Mouvement (PAM)
Lancement par le gouvernement du plan « Maroc Vert » principalement orienté vers l’appel aux investissements étrangers pour développer les entreprises de l’agrobusiness produisant pour les exportations vers l’Union Européenne
2009  : Poursuite des attaques contre la presse (saisie de Tel Quel et de Nichane, lourdes amendes contre Akhbar Al Youm et Economie Entreprises)
2010  : Liquidation judiciaire du « Journal Hebdomadaire ».
Création du camp d’Agdim Izik à 10km de Laâyoune pour protester contre les gros problèmes économiques de la population sahraouie et la corruption des agents du pouvoir marocain. En novembre, démantèlement du camp par les forces de l’ordre et violents affrontements : 13 morts. Résultats : 13 morts et tensions avec l’Espagne.
En septembre le Maroc lance un emprunt obligataire de 1 milliard d’euros sur les marchés financiers, qui est couvert au taux de 4,5% sur dix ans.
2011  : Éclatement du printemps arabe en Tunisie et en Égypte. Au Maroc, il se manifeste par l’organisation d’une manifestation nationale dans plusieurs dizaines de localités qui marque le lancement du "Mouvement du 20 février", au sein duquel se rassemblent plusieurs courants de contestation du régime (chômeurs diplômés, grévistes et luttes sociales de toutes sortes...). Le mouvement anime des cycles de manifestations dans tout le pays pour soutenir ses revendications en faveur d’une véritable démocratisation, la lutte contre la corruption, et la création d’emplois. Il est soutenu par diverses organisations parmi lesquelles le PSU (Parti du Socialisme Unifié), l’AMDH, ATTAC Maroc, etc. et la mouvance islamique Al Adel Wahl Isane, qui a cependant décidé de s’en écarter.
Le roi réagit par un discours le 9 mars, en annonçant une réforme constitutionnelle, qui sera approuvée par un referendum le 1er juillet. La nouvelle constitution ne change rien au pouvoir absolu du monarque. Les élections législatives organisées en octobre aboutissent à la victoire du PJD dont le chef devient Premier Ministre d’un gouvernement de coalition regroupant le PJD, l’Istiklal, le Mouvement Populaire et le Parti du Progrès et du Socialisme.