Maroc, sous la plage… les pavés

Introduction

, par CIIP

Aux yeux des touristes, le Maroc présente une image flatteuse : des plages magnifiques, de splendides paysages de montagnes, un patrimoine architectural et une culture riches, des aéroports dans toutes les villes importantes… Image de rêve corroborée par le discours officiel. Mais derrière le discours se cache une dure réalité : pour la grande majorité, des problèmes à tous les niveaux (analphabétisme, manque d’infrastructures, chômage massif, pas d’accès aisé à l’eau, aux soins, corruption, bidonvilles…).
Par tous ses aspects, le Maroc présente une double face. D’un côté la plage, de l’autre les pavés…

Le pouvoir politique

Le Maroc, depuis la fin des Protectorats français et espagnol, se présente comme une monarchie constitutionnelle, parlementaire, multipartite, s’apparentant donc à une démocratie moderne.
Mais c’est une « monarchie constitutionnelle de droit divin » où le souverain détient, en fait, un pouvoir absolu sans réels contre-pouvoirs, qui s’appuie, comme dans le passé, sur un réseau de fonctionnaires, de « clients » et d’obligés, le « Makhzen », contrôlant ainsi toute la société. La dernière réforme constitutionnelle approuvée par referendum en juillet 2011, ne change pas fondamentalement cette structure du pouvoir.

L’islam

L’islam est religion d’État, le roi est le « Commandeur des Croyants », toute la vie du peuple marocain est marquée par l’empreinte religieuse, de manière généralement ouverte et tolérante.
Mais un islam plus radical monte en puissance, touchant à la fois les cadres et les milieux populaires. Son expansion, favorisée par les erreurs de la politique d’arabisation, l’est plus encore par la situation sociale où se creusent les inégalités et se multiplient les laissés-pour-compte, en particulier les jeunes des milieux populaires sans espoir d’avenir autre que l’émigration.

La réalité sociale

Si le Maroc est une destination rêvée pour le tourisme, de luxe ou de masse, cette façade masque une réalité moins brillante. A côté d’une minorité privilégiée faisant étalage de sa richesse, la majorité de la population, dans les quartiers urbains comme dans les campagnes, peine à vivre. L’équipement ne répond pas aux besoins croissants dans les domaines de la santé, des écoles, du logement et de l’accès à l’eau. Des enfants de plus en plus nombreux sont contraints de vivre dans la rue ou de travailler dans des conditions inacceptables. La corruption sévit à tous les échelons.
Mais la société civile s’organise petit à petit et la vie associative incite à la prise en charge de certains problèmes par les intéressés eux-mêmes.

Une culture florissante malgré des moyens limités

La vie économique

Le Maroc apparaît comme un pays « émergent », doté d’infrastructures modernes, de cadres bien formés, de bonnes potentialités agricoles et industrielles, d’une main d’œuvre de qualité.
Mais on y trouve également les caractéristiques du sous-développement : l’importance du secteur informel, le manque d’investissements créateurs d’emploi, un chômage urbain massif, des salaires maintenus très bas, de fortes disparités entre les classes sociales et entre les régions, un exode rural mal contrôlé et les tentatives désespérées d’émigration. Le pouvoir encourage l’essor d’un capitalisme ultralibéral dont il est partie prenante, laissant libre cours aux grands groupes financiers et industriels. Son intégration dans des zones de libre-échange avec les Etats-Unis et l’Union Européenne ne laisse pas espérer un véritable développement répondant aux besoins sociaux de la population.

Les droits

Depuis la fin du Protectorat français, les marocains aspirent à vivre dans un Etat de droit. Après les « années de plomb » marquées par la répression, les disparitions, les tortures et les assassinats du règne de Hassan II, des institutions ont été créées pour faire justice aux victimes, des associations de défense des droits de l’Homme dénoncent les abus, les femmes ont obtenu une amélioration de leur statut par la modification du Code de la famille, la presse a osé élever la voix. Mais l’appareil répressif n’a pas cessé de fonctionner, les limites de cette transition vers un véritable Etat de droit sont vite apparues aussi bien pour faire la lumière sur le passé que par les restrictions à la liberté de la presse et au droit du travail, sans compter le retour aux pratiques de torture et les mesures « sécuritaires » pour lutter contre le terrorisme. La forte mobilisation populaire suscitée par le "printemps arabe" pour une véritable démocratie et le démantèlement de la corruption se heurte au maintien du pouvoir absolu de la monarchie réaffirmé par la dernière réforme constitutionnelle.

La géopolitique

Le Maroc, par sa situation géographique et son histoire, semblait avoir vocation à jouer un rôle de pont entre l’Europe, le monde arabe et l’Afrique subsaharienne. Mais l’Union Européenne cherche à instrumentaliser le régime marocain pour lutter contre "l’émigration clandestine" et devenir un gendarme aux frontières de l’Europe. D’autre part, son régime politique pro-occidental et son ouverture économique néolibérale le mettent en première ligne des projets stratégiques « anti-terroristes » des États-unis dans le « Grand Moyen-Orient » et en Afrique. De plus, la question du Sahara occidental qui empoisonne les relations avec l’Algérie et contribue à bloquer la création d’un Maghreb uni, n’est toujours pas réglée depuis plus d’un quart de siècle.