ECSI, plus que jamais rester ouvert·e au monde

Un petit tour du monde des approches pédagogiques de nos partenaires

Du côté de l’ECSI N° 34 – mai 2021

, par ritimo

Pour construire cette Lettre, les membres de la commission « démarches éducatives de solidarité internationale » de ritimo ont questionné leurs partenaires internationaux sur leurs pratiques, la manière dont ils les nomment, la reconnaissance qui existe...

En Haïti, d’après l’organisation Capdel, l’ECSI est peu connue et développée.

« J’ai connu le terme d’ECSI et son approche dans le cadre de la coopération entre le Département de la Savoie et la Commune de Dessalines. J’ai participé et animé une formation sur le thème « Développer la démarche de sensibilisation à l’hygiène avec une approche ECSI » pour des enseignant·es et animateur·rices jeunesse. À ma connaissance, cette approche est peu connue et utilisée en Haïti. On parle d’éducation populaire. Elle repose sur une approche pédagogique participative. Cette approche est intéressante et remet en cause nos pratiques d’éducation plus formelle. Certaines personnes comme des professeur·es ou animateur·rices jeunesse utilisent l’approche pédagogique de l’ECSI, mais sans forcément mettre ce nom dessus. »
« Nous avons l’habitude de faire participer les gens dans nos animations et de leur donner la place d’acteur·rice : « on fait jaillir… à la place de remplir une jarre ».
« Avec l’ECSI, on peut aborder la dimension « politique » mais ce n’est pas encore le cas en Haïti. Nous travaillons sur des problématiques locales telles que l’accès à l’eau, la protection de la forêt, la gestion des déchets sur le territoire de la commune et développons l’éducation à la citoyenneté locale. La dimension de la solidarité internationale est présente dans le cadre des échanges interculturels avec la Savoie. »

C’est également le cas en Tunisie, où, selon le Tunisian Forum for Youth Empowerment (TFYE), l’accent est plutôt mis sur la citoyenneté et la solidarité locale :

« Au niveau local, la thématique principale est la participation citoyenne des jeunes. Le TFYE travaille sur la participation active des enfants au sein de la commune avec la création de conseils municipaux des enfants qui sont des espaces au sein desquels les enfants apprennent les valeurs, principes de la citoyenneté. »
La dimension internationale n’apparaît que dans le cadre d’échanges de jeunes Erasmus+ et autres échanges internationaux :
« la société civile et toutes les associations qui travaillent sur la thématique des droits humains, travaillent sur l’éducation à la citoyenneté via des clubs de jeunes. Cependant l’ECSI n’a pas trouvé ses assises. On parle plutôt d’éducation civique. C’est une matière obligatoire au primaire mais qui reste très théorique et axée locale ». « Il y a trois ans, L’Institut Arabe des droits humains a travaillé sur un programme pour officialiser l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale et les droits humains dans les programmes universitaires mais cela ne s’est pas concrétisé. En tous les cas pour l’instant ce n’est ni officiel ni dans la démarche pédagogique ».
Quant à l’approche pédagogique de TFYE, « dans le travail avec les jeunes, il y a une pratique d’apprentissage verticale dans les débuts, afin d’initier les jeunes aux concepts de citoyenneté, aux droits humains. Mais une fois ces bases de compréhension établies, l’association fait usage d’outils d’éducation populaire : des jeux de rôles, des activités de simulation, beaucoup d’outils tirés du guide d’animation Tajine, co-écrit avec Engagé·es et Déterminé·es et le Carrefour associatif du Maroc). Les jeunes y prennent une part active car ce sont ces dernier·ières qui vont concevoir leurs activités ».

En Argentine, pour la Fundacion SES,

« Le terme ECSI n’est pas utilisé, on parle vraiment largement d’éducation populaire (« Educación Popular », telle que définie par Paulo Freire). L’objectif de renforcer le pouvoir d’agir du public dans la société est le même. Le terme beaucoup employé est aussi "éducation interculturelle" ».
« L’éducation populaire est très reconnue dans les milieux engagés, de la société civile. Les métiers associés seront ceux de « éducateur·rice spécialisé·e », « chargé·e de programme éducatif », plutôt qu’ « animateur·rice » ou « formateur·rice ». Peu de moyens sont alloués, ce sont des postes très précaires, majoritairement à mi-temps (de très nombreux.ses argentin.es cumulent 2 à 3 postes à mi-temps dans diverses structures, dans ce domaine). »
« Les thématiques, larges, sont systématiquement réfléchies dans le cadre d’activités de terrain : environnement (potagers, jardins partagés), accès à l’éducation (écoles), droits humains, (associations), interculturalité (forums), alimentation durable (cantines scolaires, cantines « sociales » de quartiers défavorisés), intégration (structures d’accompagnement juvénile), engagement (campus universitaires) médias (radios), etc. »
« La démarche consiste à éveiller l’esprit critique, présenter des problématiques sociétales pour que le public les connecte et cherche des solutions pour une société plus juste et équitable. La posture bienveillante, laissant le public s’exprimer en premier, des éducateur·rices permet au public de se forger sa propre opinion. En Argentine, tout est politique ! Cela imprègne beaucoup la démarche pédagogique des associations d’éducation populaire. Cela se concrétise par des activités de découverte des énergies « ondas » politiques : participation à des manifestations, visite d’institutions et musées mémoriaux, rencontres d’acteurs et actrices engagé·es. C’est assez particulier au programme de volontariat international tourné vers l’éducation interculturelle, s’illustrant notamment par une présentation du contexte politique du pays d’accueil ».
Si « les outils restent très comparables à ceux utilisés en France : jeux de plateau, jeux sportifs en extérieur et intérieur, théâtre, nappes tournantes, débats mouvants, etc. », votre façon de faire de l’ECSI est-elle représentative de la culture argentine ? « probablement ! Il y a une orientation politique, une culture du goût du débat, de la discussion de la chose publique, de la connexion entre des communautés défavorisées avec d’autres privilégiées. Dans la capitale, Buenos Aires, il y a des « marchas », manifestations dans l’espace public, tous les jours. »

En Belgique, pour l’ONG Eclosio,

« Il existe deux courants assez similaires sur la démarche pédagogique de l’ECSI : l’éducation permanente et l’ECMS (Éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire). L’éducation permanente consiste à travailler avec des publics vulnérables, des publics qui ont moins accès à l’information. L’ECMS concerne, par contre, tout type de public. L’ECMS a une reconnaissance institutionnelle. »
Eclosio intervient auprès d’un public étudiant et ne travaille pas sur une thématique précise : « elle souhaite également répondre aux questions d’actualités, parler des rapports mondiaux dans leur globalité, de la systémie des enjeux mondiaux, de l’interculturalité et du rapport à l’autre ».
Ses pratiques pédagogiques sont basées sur « la sensibilisation, la mobilisation et le plaidoyer ».
L’association a-t-elle confronté ses pratiques à un contexte international ?
« Dans le cadre du projet "La FABRIC", on était en plein mouvement #Metoo et dans certains pays partenaires comme le Maroc ce n’était pas forcément un sujet aussi prégnant qu’en Belgique. Ça a été comme une claque pour les étudiant·e·s qui pensaient que #Metoo était un mouvement mondial. Comprendre que la réalité n’était pas la même ailleurs a conduit à déconstruire l’idée que tout le monde avance de la même manière et à se rendre compte que les changements s’opèrent différemment. Les partenaires marocains, de leur côté, ils·elles étaient plutôt curieux·ses de savoir comment ça se passait, se déclinait. ».