La démocratie, au coeur de l’ECSI

Introduction

Du côté de l’ECSI N° 35 – juillet 2021

, par ritimo

« Parce qu’elles ont pour objectif de politiser le plus grand nombre, les démarches d’éducation populaire constituent une pédagogie de la démocratie. »

Adeline de Lépinay, animatrice du site éducation populaire

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Depuis quelques années, quand on aborde le sujet de la démocratie, les répliques désabusées ou inquiètes fusent : « le système actuel ne me satisfait pas : ce n’est pas une démocratie suffisante », « quand tu fais une manif, tu as maintenant l’impression de faire quelque chose d’illégal »…. Le sentiment de ne pas être ou d’être de moins en moins « en démocratie » se diffuse, y compris en France où l’on a pu penser la démocratie définitivement installée et inébranlable.

Mais de quoi parle-t-on exactement en évoquant ce terme ?
Du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ?
Selon Platon, la démocratie est un régime dangereux qui donne un pouvoir et une liberté excessifs au peuple, dont « les désirs irrationnels et impulsifs risquent de faire se dissoudre l’ordre social dans la violence ». Pendant la révolution française, l’abbé Sieyès estimait quant à lui que « Le peuple dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. ». John Adams, l’un des « pères fondateurs » des États-Unis d’Amérique, affirmait pour sa part : « j’ai toujours été pour une république libre, pas une démocratie, qui est un gouvernement arbitraire, tyrannique, sanglant, cruel et intolérable. ».
En réalité, les républiques nées des révolutions ont placé l’élection (de représentant⋅es, souvent professionnalisé⋅es) au centre de leur fonctionnement, actant ainsi qu’il existerait une élite bien plus capable de s’occuper de la chose politique que le peuple lui-même.

Par ailleurs, même avec un système électoral fondé sur le principe « un·e citoyen·e, un vote », la citoyenneté a été organisée pour en exclure beaucoup de monde : les femmes et les peuples des territoires colonisés pendant très longtemps, les afro-américain·es aux États-Unis jusqu’en 1965... Les étranger⋅es encore aujourd’hui en France où des combats continuent à être menés pour revendiquer l’accès au vote des étranger·es aux élections locales. Sans compter tou·tes celleux qui ne parviennent pas à exercer leur droit de vote (nomades, sans domicile fixe, prisonnier·es...).

« Le suffrage universel ». Dessin de Félix Vallotton, 1902. Domaine public.

« Le suffrage universel ». Dessin de Félix Vallotton, 1902. Domaine public.

Aux limites du régime tel qu’il a été pensé et construit, s’ajoutent aujourd’hui des restrictions de plus en plus nombreuses, qui menacent la vie démocratique partout dans le monde. Militant·es et organisations mobilisées pour la justice sociale font face à un contexte toujours plus répressif et sécuritaire, ainsi qu’à des attaques sans précédent quant à leur légitimité.

Dans ce bouillonnement de questions et d’incertitudes, l’éducation populaire joue un rôle capital. Fondée sur des dynamiques collectives qui permettent de développer une compréhension critique de la société, elle se nourrit de l’expression libre, de l’écoute, de la compréhension des désaccords, et part de là où en sont les gens. Elle permet de dépasser des opinions particulières pour mieux comprendre et s’approprier les enjeux globaux et les interdépendances. Sa pratique est un exercice politique, essentiel à la démocratie.
En France, de nombreux·ses acteur·rices, maisons des jeunes et de la culture, centres sociaux et socioculturels, associations pour la défense des droits, d’ECSI ou d’éducation à l’environnement participent ainsi à favoriser les conditions pour construire une démocratie vivante et fondée sur le pouvoir d’agir des personnes qui constituent notre société dans sa diversité et sa richesse.

L’ECSI, née et se revendiquant de l’éducation populaire, vise à faire entendre la voix des dominé·es du monde entier, en relayant leurs luttes, en montrant que des alternatives sont possibles. Que peut apporter l’éducation à la solidarité internationale aux réflexions sur la démocratie ?