Le Kosovo, un État sans État

Introduction

Territoire emblématique des conflits identitaires et historiques

, par Forum Réfugiés

Le 17 février 2008, le Kosovo déclare son indépendance après une décennie sous mandat international. Les réactions internationales sont diverses. Certains·es félicitent la fin du processus de désintégration de l’ex-Yougoslavie et la reconstruction du nouvel espace. D’autres y voient une provocation et un nouveau facteur de déstabilisation de la région.

Monument Newborn à Pristina, symbole de la liberté du Kosovo. Photo : Marco Fieber, le 24 septembre 2013

En 2023, le Kosovo n’est pas reconnu comme un État indépendant par la Chine, la Russie, ainsi que cinq pays de l’Union européenne (Chypre, Espagne, Grèce, Slovaquie et Roumanie). Pour ces derniers, l’indépendance du Kosovo est illégale au regard de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies qui assurait l’intégrité territoriale de la République fédérale de la Yougoslavie dont la Serbie est héritière. Ces États sont aussi inquiets du précédent que pourrait représenter cette indépendance : le Kosovo n’était pas une république fédérée au sein de l’ex-Yougoslavie, contrairement aux régions qui sont maintenant des États indépendants. Il ne s’agissait que d’une « simple » région autonome ; de ce fait, de nombreuses autres régions autonomes à travers le monde pourraient prétendre à l’indépendance.

Quinze ans après son indépendance, le Kosovo est en proie à des défis immenses. Face aux difficultés économiques, au manque de perspectives et au désespoir du fait d’une classe politique corrompue et incompétente, des dizaines de milliers de Kosovar·es partent chaque année pour rejoindre l’Europe occidentale y compris en demandant l’asile.

Officiellement, au moins 50 000 personnes ont encore quitté le Kosovo en 2022, près de 3 % de la population recensée voilà plus d’une décennie [1].
Une situation dramatique pour le pays, alors même que la communauté internationale est présente depuis la fin de la guerre pour accompagner la construction de l’État avec la mise en place de plusieurs dispositifs :

  • La mission EULEX, mission légale de l’Union européenne, a pour mandat de promouvoir l’État de droit au Kosovo et d’accompagner les autorités kosovares dans leurs missions de justice, de police et de douanes.
  • La KFOR, Force pour le Kosovo, est une force multinationale de l’OTAN chargée de la sécurité, elle agit sur mandat du Conseil de sécurité depuis 1999. Elle a pour mission d’assurer un environnement sûr et sécurisé et de garantir la liberté de mouvement.
  • La MINUK, mission d’administration intérimaire des Nations unies, est chargée, depuis 1999, de la promotion de la sécurité, de la stabilité et du respect des droits humains.

À ces difficultés s’ajoutent des relations tendues avec la Serbie car les Serbes considèrent toujours que le Kosovo leur revient. Le Kosovo est, en effet, « un cas typique de confrontation de légitimité historique entre deux peuples » : peuple albanais d’un côté, peuple serbe de l’autre. Chacun campe sur ses positions : en se considérant comme les descendant·es des Illyrien·es, les Albanais·es se revendiquent comme le peuple autochtone de la région, héritier de l’actuelle Albanie et des territoires du Kosovo. Les Serbes estiment que le Kosovo est le berceau de la religion serbe orthodoxe.
Les affrontements entre les populations serbes et albanaises dans les régions du Nord en mai 2023 rappellent la persistance du conflit historique avec la Serbie.

Aujourd’hui, ces dissensions historiques pèsent sur le petit et jeune État, qui fait face à de nombreux obstacles, défis économiques et sociaux, et qui échoue à endiguer la corruption et la criminalité organisée.