La Bolivie : de la misère à l’espoir ?

Introduction

, par CDTM 34

Pays le plus haut et le plus isolé d’Amérique du Sud, la Bolivie est un pays contrasté, qui possède d’importantes ressources, naturelles et culturelles, mais où les richesses sont très inégalement réparties, en particulier inaccessibles aux communautés amérindiennes.

Une société composite et aux grandes inégalités

Selon le recensement national de 2001, la moitié de la population (9,4 millions) se considère autochtone, répartie entre une trentaine de groupes ethniques dont les principaux sont les Quechuas, les Aymaras et les Guaranis. Du fait de cette diversité ethnique, le pays est multilingue avec une quarantaine de langues, presque toutes amérindiennes, parmi lesquelles 2 langues importantes (en nombre de locuteurs) : le quechua (34,4 %) et l’aymara (21,1 %). L’espagnol est la langue maternelle de 45% des Boliviens.

La Bolivie est l’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine, malgré de grandes potentialités. L’industrie extractive (gaz naturel, zinc, argent, plomb, étain, or) se taille la part du lion dans l’économie. Cependant 36 % de la population vit en milieu rural et la part de l’agriculture dans l’économie est de 16 % (2004) : soja, tournesol, café, sucre, fruits, quinoa, coton, fleurs, bois.
On peut remarquer que le commerce équitable commence à apparaître dans les exportations, en particulier en ce qui concerne le café, le quinoa et un peu l’alpaga. Mais, sur ce sujet, on s’illusionne peut-être en raison des documents produits en France par les associations parties prenantes. Les produits manufacturés rapportent aussi au pays (textiles, produits chimiques, cuir, menuiserie). Enfin, nouveau venu dans cette activité économique : le tourisme, qu’on souhaiterait équitable.
Ces richesses sont très inégalement réparties : les réformes sociales n’ont pas encore eu de résultats tangibles et se heurtent à une forte hostilité de la part des nantis.

Il existe un clivage culturel et économique flagrant entre l’Ouest (région andine et vallées d’altitude) et l’Est du pays (plaines du Chaco, bassin amazonien). L’Ouest est plus autochtone et traditionnel et si les ressources minières y ont eu une place essentielle, elles ne représentent aujourd’hui qu’une faible part de l’économie. Les régions de l’Est ont été colonisées plus tardivement : plus modernes, plus ouvertes sur l’extérieur, elles ont parfaitement intégré le modèle néolibéral. Elles abritent l’essentiel des réserves en gaz naturel et sont utilisées pour des cultures d’exportation, le soja en particulier, liées aux industries agro-alimentaires.

La révolution national-populiste de 1952 signifia de nombreuses avancées sociales telles que la nationalisation des mines et la fin des oligarchies de l’étain, le suffrage universel, le développement de l’éducation et la réforme agraire. Promulguée en 1953, cette réforme agraire mit en partie fin au système latifundiaire dans lequel quelques grands propriétaires créoles employaient des milliers d’autochtones en situation de quasi-esclavage. Si le travail obligatoire disparut, le démantèlement des grandes propriétés n’eut le succès escompté que dans les régions andines (de l’altiplano et des vallées). Les « prises » d’haciendas ne touchèrent que peu les plaines orientales de la région de Santa Cruz où se développe, depuis quelques années, un Mouvement des paysans sans terre (MST), inspiré de son homologue brésilien.

En 1985, le gouvernement du MNR (Mouvement National Révolutionnaire) de Paz Estenssoro lança les réformes dites « de première génération », qui mirent fin à « l’Etat national ». Dictées par le FMI et la Banque mondiale, ces réformes aboutirent à un désengagement économique quasi total de l’Etat, symbolisé par le décret 21060 : réduction du déficit fiscal, blocage des salaires, libéralisation du marché et des prix, taux de change flexible, rationalisation du secteur public et donc privatisation des entreprises nationales déficitaires, etc. En 1986, la corporation minière, COMIBOL, qui avait été nationalisée en 1952, fut privatisée et 23 000 travailleurs furent licenciés. Cette catastrophe sociale se traduisit notamment par une forte émigration depuis l’Altiplano jusqu’aux zones de colonisation des vallées tropicales andines et de l’Orient bolivien. La libéralisation économique se poursuivit tout au long des années 1990 alors que les mouvements sociaux, souvent à caractère indianiste, se multipliaient.

Le 18 décembre 2005, Evo Morales, président du Mouvement vers le socialisme (MAS), est élu président de la Bolivie au premier tour de l’élection avec 53,74 % des voix. Il est le premier président amérindien. Le 25 janvier 2009, une nouvelle Constitution est adoptée (par référendum) par 58,7 % des voix. Le processus d’élaboration de cette constitution a été le théâtre d’affrontements violents entre les opposants de Morales et ceux qui défendent le projet de refondation de la Bolivie. Cette constitution représente une avancée significative en termes de droits économiques, sociaux et culturels, notamment les droits concernant la santé, l’éducation, l’environnement et l’accès universel aux services de base tels que, entre autres, l’eau, l’électricité, le gaz et les télécommunications.

L’équilibre du pays reste très fragile, en raison des nombreux clivages culturels et historiques. Mais l’espoir se maintient, surtout chez les habitants de l’Ouest et dans la population autochtone : l’espoir de voir se bâtir une nouvelle Bolivie, libre, juste et digne.