La Bolivie : de la misère à l’espoir ?

En finir avec 500 ans d’injustice : une situation tendue

, par CDTM 34

Lors des élections générales du 18 décembre 2005 (Président de la République, vice-président, députés, sénateurs et préfets), le MAS (Mouvement vers le Socialisme) l’a nettement emporté. Evo Morales a recueilli, dès le premier tour, 53,74 % des voix ; ont également été élus 72 députés de son parti (sur 130 sièges) et 12 sénateurs (sur 27) ; parmi ces élus, 45 autochtones et 6 femmes. Evo Morales a pris ses fonctions le 22 janvier 2006.

Conformément à ses engagements, le nouveau président a organisé à la fois les élections à la Constituante et un référendum d’autonomie départementale. Ces consultations ont eu lieu le 2 juillet 2006. Le MAS a obtenu 135 élus à l’Assemblée constituante (sur 255) ce qui ne lui donne pas la majorité des deux tiers requise pour l’adoption de la nouvelle Constitution. Le NON à l’autonomie a remporté 56,7 % des voix. Mais ce rejet cache une réalité régionale très diverse : les basses terres de l’est bolivien ont voté très largement pour l’autonomie ; le département de Santa Cruz, par exemple, est le plus riche du pays (pétrole, gaz, agriculture, élevage), le plus peuplé (à population majoritairement blanche) et assure 30% du Produit Intérieur Brut de la nation.

Les travaux de la Constituante ont dû être prolongés en raison de l’attitude des partis de l’opposition qui ont tout fait pour nuire au fonctionnement de cette assemblée. Le texte issu de ces travaux a finalement été approuvé le 9 décembre 2007 en présence de 164 votants sur 255 élus. Un référendum national sur cette nouvelle Constitution a été convoqué par le président Morales, pour mai 2008, mais a dû être repoussé au 25 janvier 2009, où la Constitution a été adoptée par 58,7 % des voix.

La décentralisation ou les autonomies

la Constitution de janvier 2009 met en place un "Etat unitaire social de droit plurinational communautaire" et introduit différents échelons d’autonomie : territoires autochtones, départements, municipalités, régions. La prééminence de l’Etat sur l’économie reste totale. Ce système ne répond pas du tout aux aspirations des départements de l’Orient bolivien, qui ne tardent pas à organiser la résistance au gouvernement central. Cette opposition se double d’une résurgence violente du racisme anti-indien, en particulier lors de manifestations à Sucre, la capitale.

Les réformes

Le 1er mai 2006, Evo Morales a annoncé la nationalisation des hydrocarbures, la compagnie nationale YPFB devenant la seule instance autorisée à les commercialiser. En fait, il s’agit d’une renégociation des contrats des multinationales. Grâce à l’argent ainsi récupéré, les programmes sociaux les plus urgents ont pu être mis en place : Le "revenu de dignité" (la renta dignidad) apporte un minimum à tous les Boliviens de plus de 60 ans. Le salaire minimum est considérablement augmenté et une allocation d’aide à la scolarisation est versée aux familles. La réforme agraire prévoit de réduire significativement la superficie maximum autorisée pour les propriétés foncières ; la distribution de terres aux paysans commence. Une Banque du développement doit permettre l’accès au crédit des petits entrepreneurs. L’alphabétisation de centaines de milliers d’adultes s’organise grâce à la méthode cubaine Yo se puedo (Oui, je peux). De nombreux projets (routes, postes de santé, électrification) sont menés à bien, en bonne partie grâce à la coopération vénézuélienne.

La coca, un problème complexe

La coca est une plante stimulante traditionnellement mastiquée par la population andine, puis, de plus en plus, par de nombreux Boliviens. Le marché interne de la feuille de coca s’est beaucoup développé depuis quelques années et il est très difficile à réglementer. La production de coca dans le Chaparé et dans les Yungas a considérablement augmenté et il est patent qu’elle n’est plus réservée à l’usage traditionnel mais aussi à la production de cocaïne. La lutte contre le trafic de drogue s’est donc développée en conséquence : arrachage, destruction des ateliers de fabrication, saisies. L’Etat s’efforce de défendre la coca en tant que tradition autochtone, mais a du mal à lutter contre son dévoiement.
Dans la nouvelle constitution, la feuille de coca est protégée en qualité de "patrimoine culturel" et de "facteur de cohésion sociale" dans un article constitutionnel qui rappelle qu’elle "n’est pas un stupéfiant dans son état naturel".