Villes contre multinationales

Comment Airbnb utilise Bruxelles pour brider les villes « d’en haut »

, par HAAR Kenneth

Il y a cinq ans, Airbnb était dans une situation à la fois très bonne et difficile. D’un côté, les années précédentes avaient été marquées par une explosion du nombre d’utilisateurs de son site, et les annonces publiées y avaient augmenté de manière spectaculaire. De l’autre côté, des villes comme Amsterdam, Barcelone, Berlin et Paris commençaient à prendre des mesures pour restreindre et encadrer les locations de type Airbnb pour protéger leur vie urbaine et contenir la hausse des loyers. Parmi les règles ainsi mises en place : l’instauration de permis obligatoires pour les locations Airbnb, une limitation du nombre de nuitées pour les locations, ou une obligation de partager les données.

Pour reprendre la main, au début de l’année 2015, Airbnb et d’autres entreprises similaires se sont tournées vers l’Union européenne. En grande partie du fait de ce lobbying d’Airbnb et de ses alliés, la Commission fait depuis lors pression sur les États membres sous deux aspects :

  • En faisant savoir aux États membres que les restrictions trop larges aux activités d’Airbnb et des autres plateformes peuvent contrevenir à la législation européenne, et en particulier à la directive Services.
  • En indiquant aux États membres qu’ils ne peuvent pas exiger qu’Airbnb leur transmette les données relatives à ses activités afin de les utiliser ensuite pour faire respecter les régulations locales. La directive e-Commerce empêcherait les villes de forcer Airbnb à les aider à lutter de façon systématique contre les utilisations illégales de ses services.

En décembre 2019, la Cour européenne de justice a tranché en faveur d’Airbnb en jugeant que l’entreprise était un « fournisseur de services numériques » plutôt qu’une agence de location immobilière, sapant ainsi la base légale de nombreuses mesures d’encadrement mises en place par les villes européennes. Mais bien qu’Airbnb ait obtenu des succès, ce combat continue. En 2020, de nouvelles propositions et de nouveaux recours pourraient venir réduire encore davantage les marges de manœuvre des villes pour réguler les activités des plateformes.