Droits humains et sujets tabous : l’ECSI peut-elle parler de tout ?

Introduction

Du côté de l’ECSI N° 25 – décembre 2018

« L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation » 
Averroes

2018 se termine avec la célébrations des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cet anniversaire aura été l’occasion d’interroger, tout au long de l’année, l’actualité des droits humains, et d’en faire le fil conducteur de nos lettres Du côté de l’ECSI. Avant d’accueillir 2019 et de nouveaux enjeux, nous avons choisi de mettre en lumière tous ces sujets qu’il nous reste à prendre à bras le corps pour avancer collectivement.

Si l’ECSI vise à la conscientisation et à la transformation sociale, y a t-il des sujets qu’elle ne peut pas aborder, peut-elle se trouver confrontée à des sujets tabous ? On aimerait répondre immédiatement "NON !". Mais ce serait oublier un peu vite l’autre ambition de l’éducation populaire, celle de la co-construction, de partir de l’expérience de chacun-e pour faire émerger la parole des 1er-es concerné-es.

Or, lorsqu’un sujet est jugé "tabou" par une personne, il y a souvent de bonnes raisons : qu’il soit intime, qu’il nous renvoie à des expériences difficiles, nous expose au dédain, au rejet, à l’agressivité... aborder ce sujet peut être réellement douloureux. En l’absence d’un cadre de parole sécurisé, l’expérience peut être traumatique, y compris pour les autres participant-es.

De manière plus collective, à l’échelle d’un groupe, d’une classe ou d’une société, un sujet peut être considéré "tabou" lorsque nous le pressentons dangereux pour la cohésion de ce collectif, sa bonne entente, son vivre-ensemble. Ne pas parler de ce qui fâche, de ce qui divise, de ce qui fait peur, des divergences de point de vue, des opinions politiques... mais aussi des différences entre membres d’un groupe, des inégalités de traitement, des hiérarchies informelles, des rapports de domination, d’oppression et d’exclusion serait un outil de préservation de la paix sociale...? Mais un groupe est-il plus soudé si on en cache les lignes de fracture ? Le dissensus est-il forcément porteur de division ?  

Derrière le sujet tabou, on peut enfin voir la peur de l’effet "boîte de Pandore" : libérer la parole sur un sujet sensible, c’est prendre le risque que s’expriment sans limite des opinions qu’on souhaiterait taire ou du moins, auxquelles on ne souhaite pas donner d’espace. Peut-on avoir un débat sur le racisme à l’école ? Accepte-t-on que dans un atelier d’éducation populaire certain.e.s expriment des opinions homophobes ? Cette question fait reculer aussi bien des équipes pédagogiques, des responsables d’établissements scolaires que des militant.e.s associatif.ve.s qui n’osent pas ou plus interpeller directement le public sur ces sujets, pourtant d’actualité.

Comment créer les conditions pour aborder sereinement le débat et la diversité des opinions dans le groupe, pour favoriser l’expression de chacun.e sans mettre en danger le groupe lui-même, et faire émerger des pistes d’actions et d’émancipation ?

Photo Geralt, 2018. CC0

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Lettre n° 25 - décembre 2018 - droits humains et sujets tabous, l’ECSI peut-elle parler de tout ?