Appel aux Communes. Le droit universel à l’eau à la dérive : négation, oubli et abandon

, par Pressenza , PETRELLA Riccardo

A la mémoire de Alvaro Arzivu, écologiste

et défenseur de l’eau, assassiné le 13 juin 2023

à Tlamanalco, au Mexique.

Pas de surprise

Ce 28 juillet 2023, il n’y aura pas de surprise. Aucun représentant, aucune institution du monde dominant occidentalisé ne fera référence au 28 juillet 2010, jour de la Déclaration de l’Assemblée Générale de l’ONU proclamant le droit universel à l’eau potable et à l’assainissement. Alors que, depuis 1993, ils célèbrent en grandes pompes et trompettes le 22 mars en tant que « Journée mondiale de l’eau » proposée en 1992 par la Banque Mondiale pour promouvoir et diffuser à travers le monde les principes, les objectifs et les modes utilitaires, marchands, financiarisés et technocratiques de la gestion des ressources hydriques à l’aune de la mondialisation de l’économie capitaliste [1].

L’eau. La vie
Paris, manifestation 4 novembre 2020. Photo Paola Breizh (CC BY 2.0)

Au fait, la majorité des 41 États qui se sont opposés à l’approbation de la résolution était composée par des États occidentaux et occidentalisés (États-Unis et Royaume-Uni en tête… et leurs alliés) parmi les plus riches et puissants au monde, la quasi-totalité des pays ayant voté en faveur (121) venant d’Afrique, de l‘Amérique centrale et du Sud, d’Asie [2]. Les opposants étaient contraires à toute idée de droit universel à l’eau sous prétexte que la résolution de l’ONU comportait pour les États des obligations sans limites non précisées et allait au-delà de la sauvegarde de leur souveraineté nationale sur « leur » eau, leur richesse naturelle[https://press.un.org/fr/2010/ag10967.doc.htm]].

Dès 1992, l’eau bien économique et le royaume des besoins

Or, en réalité, les groupes sociaux dominants de ces États avaient réussi, en 1992 à faire approuver au premier Sommet de la Terre de Rio de Janeiro le principe que l’eau devait être considérée essentiellement comme un bien économique, à gérer selon les règles de l’économie capitaliste de marché et, donc, soumis aux mécanismes de l’appropriation privée de la ressource, de la fixation d’un prix de marché, et de la rivalité (marchés compétitifs) dans l’accès et ses usages [3]. Selon la conception de l’eau en tant que bien économique, marchand, l’accès à l’eau est principalement un besoin vital, individuel et individualisable. Les besoins individuels varient à l’extrême, dans le temps et dans l’espace. Il n’y a pas de besoins universels. Il y a des besoins collectifs mais particuliers, propres à des sujets spécifiques tels qu’une communauté rurale ou de montagne, des agriculteurs de plaine, un village, une région, un quartier résidentiel de ménages riches, un centre de vacances, une communauté monastique dédiée à la production de la bière, une branche de l’industrie textile.

Selon l’approche axée sur les besoins, le problème clé est la gestion « locale », individuelle de la capacité/pouvoir d’accès à l’eau dans la quantité et la qualité nécessaires et souhaitées, en fonction des besoins et des moyens. Dans le monde des besoins, il n’y a pas de droits, ni universels, ni individuels, ni collectifs. D’où l’imposition du principe « l’eau finance l’eau », « le riz finance le riz », « la voiture finance la voiture », appliqué à tout bien économique marchand. Le financement des infrastructures et des activités nécessaires pour l’accès à l’eau doit être couvert par les consommateurs en payant un prix qui permette aux producteurs et aux prestataires des services d’avoir un retour financier le plus élevé possible (optimisation du profit).

Pas question, donc, d’accepter la reconnaissance du droit universel à l’eau approuvée par l’autorité internationale politique la plus importante en charge de la régulation des questions mondiales. Cette reconnaissance sonnait aux oreilles des dominants comme une hérésie et, surtout, comme une mise en question des principes et des règles devenus en vingt ans, depuis 1992, les quatre principaux piliers de la politique mondiale de l’eau à la sauce de l’économie capitaliste.

Les quatre piliers de la politique mondiale de l’eau à la sauce de l’économie capitaliste. . .

Primo. La préférence donnée à la gestion des ressources hydriques et des services « publics » de l’eau potable et de l’assainissement par des entreprises privées à capital privé et, même, cotées en Bourse. Juste pour information, voici les principales entreprises mondiales de l’industrie de l’eau cotées en Bourse : Coca Cola, Nestlé, Danone, BASF, Dow, Veolia Environnement, Suez Environnement, Kurita Water Industries, DuPont de Nemours, Xylem, 3 M, United Utilities Group, Unilever, Barilla… Rapidement, la gestion par les entreprises privées est devenue, sous des formes variées, la modalité privilégiée par les pouvoirs publics, la gestion publique devenant minoritaire voire même considérée l’exception. [4]

Secundo. La généralisation à l’échelle internationale de la gestion de l’eau fondée sur le prix de l’eau fixé selon le principe de la récupération totale des coûts de production, comprise la rémunération du capital investi (le profit). Ce principe a été formalisé et appliqué par le Ofwater (Office de l’eau) britannique lors de la privatisation de l’eau et des services hydriques par le gouvernement de Margaret Thatcher en 1989, et accepté depuis sans réserve par les autres pays occidentalisés membres de l’OCDE [5], en particulier, par l’UE. Il a été et reste le pilastre clé de la politique de l’eau de l’Union européenne selon la Directive Cadre Européenne de l’Eau de l’an 2000. [6]

Tertio. La soumission de la gestion de l’eau et des services hydriques aux règles du commerce international fixées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) créée en 1994. Cela a donné de facto le pouvoir régulateur au plan international dans le domaine de l’eau, comme aussi dans celui de la santé et de l’alimentation, aux forces économiques, financières et technologiques des groupes dominants des États occidentalisés [7].

Enfin, quarto. Le principe du partenariat public-privé (PPP) promu dès les années ’80 par la Banque mondiale. Son application au domaine de l’eau constitue l’un des objectifs principaux du Conseil Mondial de l’Eau, créé en 1995-6 par un groupe d’entreprises multinationales de l’eau, notamment françaises [8], avec le soutien politique et opérationnel de la Banque mondiale et de l’UNESCO. Le PPP est devenu l’un des instruments privilégiés de la privatisation « douce » de l’eau et des services « publics » hydriques, ainsi que de l’ensemble des biens et des services « publics » essentiels pour la vie (santé, transports collectifs, éducation, logement, connaissance…)

Au sein du Conseil Mondial de l’Eau, l’organisme en charge du PPP a été et reste le Partenariat Mondial de l’Eau – PME (mieux connu sous son sigle anglais GWP – Global Water Partnership). Son travail a été facilité par le deuxième organisme dont se dota le Conseil Mondial de l’eau, à savoir le Forum Mondial de l’Eau (FME), entré rapidement en pleine activité dès 1997 par sa première édition à Marrakech.

Hégémonie et normalisation idéologique et politique

Au fil des années, le Forum Mondial de l’Eau s’est révélé ce pour quoi il avait été créé, à savoir l’instrument par lequel les groupes dominants allaient imposer la Privatisation des Pouvoirs Publics dans le domaine de l’eau, l’assemblée mondiale la plus importante, par rapport même à l’ONU [9], de rencontres, échanges, débats et d’influence décisionnelle concernant la politique de l’eau dans le monde. Il a promu la « normalisation » idéologique et politique de la politique de l’eau, aux plans international, national et local, alignée sur les orientations fondamentales et les intérêts du monde du business et de la finance. Un monde « possédant » (via les brevets) et contrôlant (via les marchés financiers) aussi le puissant monde de la technoscience.

L’hégémonie idéologique croissante de la culture capitaliste marchande et financière au sein de l’ONU a été confirmée par la signature en 2000 du Pacte Global (Global Compact) entre l’ONU et les principales entreprises privées mondiales [10]. Ce Pacte formalise la participation et l’association actives du secteur économique privé aux activités et aux programmes de l’ONU sans pouvoir de vote. Ce dernier appartient uniquement aux États. De facto, cependant, par le Pacte, le secteur privé est entré dans la maison et peut y habiter avec tous ses pouvoirs d’influence, de pression et de maîtrise de la finance mondiale qui lui permettent de « jouer » en position de force. Un « petit » exemple. Conformément aux objectifs du Global Compact, l’ONU a approuvé en 2007 l’initiative CEO Water Mandate (Mandat sur l’eau aux PDG) [11], confiant à un groupe de PDG de grandes entreprises multinationales de l’industrie de l’eau la tâche de réfléchir et de proposer leurs visions pour la politique mondiale de l’eau. Cela, en accompagnement aux activités et aux projets en cours dans le cadre de la Deuxième Décennie Internationale de l’Eau de l’ONU 2005-2015 et de l’Agenda 2015 de l’ONU, « Les Objectifs du Développement du Millénaire » 2000-2015.

Inutile de souligner la haute valeur politique, notamment symbolique, de cette initiative. Heureusement, à mon avis, les entreprises ne sont pas parvenues à se mettre d’accord et l’affaire c’est terminée ainsi. Rien de grave pour les entreprises multinationales [12]. D’autant plus qu’en 2003, à l’occasion de la Conférence internationale de l’ONU à Monterrey (Mexique) sur « Le financement de l’eau » le monde des entreprises avait déjà obtenu que les principes fondateurs et les mécanismes du système financier en place, finance publique comprise, devaient guider les objectifs et les modalités de financement de l’eau au plan mondial [13] en cohérence avec les finalités de la « gouvernance économique mondiale » [14].

Un coup de tonnerre

C’est dans ce contexte que la résolution de l’ONU du 28 juillet, inattendue, est approuvée. Un véritable coup de tonnerre. L’initiative politique fut prise par le gouvernement progressiste de la Bolivie, du président Evo Morales. Malgré leur forte opposition, les dominants ne parvinrent pas à bloquer le soutien à la résolution de la part de 121 pays du Sud du monde, un soutien bien préparé avec intelligence et compétence par l’ambassadeur permanent aux Nations Unies de la Bolivie, Pablo Solon. Militant convaincu, connu, et profond connaisseur de la question, il réussit à obtenir en quelques semaines l’appui des mouvements sociaux et des gouvernements concernés de nombreux pays du Sud. Ces pays étaient conscients de l’importance et de l’urgence de gagner une bataille symbolique contre les ravages causés par le Nord aux droits universels humains, individuels et collectifs (des peuples) et, par ricochet, à l’univers des biens communs publics.

Le rétablissement de « l’ordre des choses ». Stratégies de l’oubli et de l’abandon/remplacement

Cette bataille gagnée ne pouvait pas, bien sûr, à elle seule modifier les rapports de force entre le Sud et le Nord. Ainsi, les pays occidentalisés ont adopté deux stratégies visant, à rétablir « l’ordre des choses ». La stratégie de l’oubli et la stratégie de l’abandon de la conception du droit universel à l’eau et son remplacement par la conception capitaliste marchande de l’accès à l’eau à prix abordable.

Dans la poursuite de la première stratégie, ils ont imposé le boycott de toute décision/document de l’ONU faisant référence à la résolution, sauf en cas de référence corrigée, falsifiée, du contenu de la résolution. Encore récemment, on a pu lire dans un document du secrétariat général de l’ONU :

« L’Assemblée a reconnu le droit de chaque être humain d’avoir accès à suffisamment d’eau pour ses usages personnels et domestiques, c’est-à-dire entre 50 et 100 litres d’eau par personne et par jour. Le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, soit inférieur à 3 pour cent du revenu du ménage. De plus, la source d’eau doit se trouver à moins de 1 000 mètres de la maison et le temps de collecte ne doit pas dépasser 30 minutes » [15].

Or, j’ai relu le texte officiel de la Résolution d’a à z. Il n’y a aucune trace des précisions mentionnées par le document cité [16]. Que celles-ci soient devenues, même avant la résolution, des éléments fondamentaux de la conception du droit à l’eau de la part aussi des agences spécialisées de l’ONU et de son secrétariat, c’est certain. Les rédacteurs du document, cependant, ne pouvaient pas faire croire qu’il s’agissait d’éléments contenus dans la Résolution de 2010. C’est un faux délibéré.

On revient ainsi à la deuxième stratégie, nous l’avons vu, elle a été proposée à partir de 1992 et s’est vite propagée à travers le monde, portée par une tendance apparemment irréversible. La résolution de l’ONU a conduit les dominants à intensifier et à accélérer le remplacement de ce qui restait de la conception sur le droit universel à l’eau par l’imposition avec force de la conception de l’accès à l’eau à l’eau potable et à l’assainissement, sur des bases équitables (l’équité n’est pas la même chose que la justice) à prix abordable. C’est-à- dire le contraire du droit universel à l’eau.

Leur rouleau compresseur ne s’est pas arrêté. Ils ont agi surtout au niveau européen, pour la simple et bonne raison que les grandes entreprises multinationales européennes occupent une position relativement prédominante au plan mondial dans le domaine de l’eau. Il suffit de citer la super puissance du groupe français Veolia-Suez, bien implanté dans le monde entier. A lui seul, il dépasse, selon La Tribune du 7 septembre 2020, le quotidien économique français, le chiffre d’affaires des 14 autres grandes entreprises de l’eau [17]. Et puis il y a Nestlé, Danone… qui n’ont rien à envier à Coca-Cola…

En 2012, par le Water Blueprint de la Commission européenne, ils n’ont laissé aucune porte ouverte à une vision différente. Bien au contraire, ils ont enfoncé le clou en clarifiant une fois pour toutes que les stakeholders étaient au centre du pouvoir de la « gouvernance » mondiale de l’eau. La souveraineté du/des peuple/s dans le domaine n’appartenait et n’était plus exercée par les citoyens et leurs représentants élus, mais par les porteurs d’intérêts, catégorie de sujets « politiques » fort nébuleuse et ambiguë [18]. La gestion par les collectivités locales, au niveau notamment des Communes, a été réduite à la fonction d’un terminal « périphérique » des grands réseaux mondiaux, laminant ainsi toute forme de ce qui fut un temps la fierté de l’autonomie communale.

Toujours en 2012, ils ont fait approuver au Troisième Sommet Mondial de la Terre le principe de la monétisation de la nature (donner une valeur économique à tous les éléments du monde naturel, l’eau en premier lieu [19].

Le moment culminant de la stratégie de l’abandon/remplacement est intervenu à peine cinq ans après la résolution, lors de l’approbation par l’ONU en 2015 de l’Agenda 2030, à savoir l’Agenda 2015-2030 « Les Objectifs du Développement Durable ». Le document ne mentionne même plus le droit à l’eau. L’ODD 6, sur les dix-sept ODD, concernant spécifiquement l’eau, stipule au & 61 « D’ici à 2030 assurer l’accès universel e équitable à l’eau potable à coût abordable. » [20]. D’ailleurs, il en va de même des autres biens communs essentiels à la vie (la santé, l’alimentation, l’éducation, le logement, les transports collectifs, la connaissance…) On peut se demander de quel Développement Durable les dominants parlent si les droits humains à la vie sont abandonnés et transformés en « accès aux biens à prix abordable » ?

Naturellement, la « remise en ordre » des choses ne s’est pas limitée au domaine des principes et de la régulation politique, économique et juridique. Ces questions ne sont pas l’objet de cet article, mais on ne peut pas passer sous silence les effets de la remise en ordre sur les comportements politiques et sociaux en termes de croissance de la violence et du déni de « citoyenneté » envers celles et ceux qui, depuis déjà de très nombreuses années, se battent pour le droit universel à l’eau et défendent l’eau bien commun public contre sa marchandisation, privatisation et financiarisation. Dans les pays occidentalisés la violence prend la forme de discrédit, de mise au ban et, surtout, de criminalisation de luttes citoyennes. Dernier cas, qui a suscité aussi des remous au plan international, la répression policière et judiciaire en France contre les manifestations d’opposition à la construction de mégabassines d’eau auxquelles ont participé plusieurs milliers de citoyens venant des quatre coins de la France. La construction de ces mégabassines est dépourvue de toute raison sauf celle de défendre, face à la sécheresse, les intérêts d’un groupe puissant d’entreprises agricoles privées pratiquant l’agriculture industrielle intensive pour des produits pour l’exportation [21]. Dans d’autres continents, notamment en Amérique latine et en Afrique, c’est encore pire : les paysans, les ouvriers, les militants, les indigènes autochtones qui osent lutter pour les droits et pour leurs terres, font l’objet de violence brutale, y compris l’assassinat. Parmi les derniers cas, mentionnons l’assassinat à Tlamanalco, au Mexique le 13 juin dernier de Alvaro Arvizu, militant écologiste et défenseur de l’eau bien connu au plan national et international [22].

Que faire ? Résistance, opposition et renversement du présent

La conscience des énormes difficultés auxquelles on doit faire face ne doit pas prévaloir sur la conscience que l’humanité a fait des progrès considérables dans tous les domaines surtout parce elle a lutté précisément contre ce qui semblait impossible : changer les systèmes en place, établir la paix, combattre et réduire les inégalités intolérables, promouvoir l’intérêt général (l’Etat du welfare y a réussi en partie, notamment dans les pays scandinaves jusqu’il y a vingt ans) !

Résistance. Récupérer l’autonomie de la mémoire

Le retour en force, dans le monde entier, et surtout dans les pays occidentalisés, des conceptions de l’extrême droite (suprématie de l’homme blanc, racisme, nazisme, xénophobie, méritocratie, mépris des appauvris, autoritarisme oligarchique, trumpisme…) est un signe évident de la faiblesse structurelle du système dominant, car incapable de résoudre les problèmes qu’il a créés. Ses classes dirigeantes savent surtout les aggraver car elles ne visent pas à changer le système. La tragédie mondiale est constituée par le fait que les dominants croient qu’ils survivront aux crises dévastatrices de la vie en cours et à venir, grâce à leur puissance et aux nouvelles technologies. Même en cas d’usage des armes nucléaires ! Le fait qu’ils parlent désormais du recours à l’arme atomique comme d’une possibilité réelle dans la guerre en Ukraine entre la Russie et les États-Unis/OTAN, prouve que l’option nucléaire fait partie pour eux du monde du possible, voire du nécessaire. Au mépris non seulement du Traité d’interdiction des armes nucléaires légalement en vigueur car ratifié par plus de 50 États, mais aussi des droits universels à la vie des autres milliards d’êtres humains. Quelle indécence ! Qu’on me permette de dire que je suis profondément choqué en voyant la faiblesse de la mobilisation populaire contre une telle situation au sein des pays occidentalisés qui, pourtant, se disent chrétiens, catholiques, laïcs, humanistes…,

Dans cet article, j’ai fait surtout, jusqu’ à présent, de la résistance en promouvant la mémoire de ce qui a conduit les groupes forts des pays occidentalisés à faire oublier le droit universel à l’eau et justifier ainsi son abandon.

La mémoire est de grande importance. Sans mémoire on est aveugle, on n’est plus capable de « voir » et donc de comprendre sa propre histoire. Ce qui signifie qu’on n’est pas en mesure d’identifier les options existantes et de choisir. Sans la mémoire (ou dépendant d’une mémoire construite par les autres) on perd la boussole. Pour cette raison, en tant qu’Agora des habitants de la terre nous avons pensé nécessaire de proposer de faire du 28 juillet le Jour du droit universel à l’eau. Pour contrecarrer l’oubli, pour maintenir la lumière sur le principe du droit à l’eau, pour consacrer la responsabilité collective, de tous, envers la protection et la promotion du droit à la vie, pour tous.

Opposition. Le gouvernement de l’eau, de la vie, appartient aux citoyens, aux peuples.

Si les citoyens, les peuples, maîtrisent la mémoire, il leur est possible de mener des actions importantes en opposition aux politiques dominantes de l’eau, sur deux fronts majeurs.

D’une part, celui de la finance globale en profonde transformation technologique défiant les limites du temps et de l’espace. Le but est de libérer l’eau, la vie de la Terre de l’œuvre de prédation systémique, encore plus destructrice que par le passé, poursuivie par le système financier capitaliste de plus en plus dissocié de l’économie réelle. L’entrée de l’eau en Bourse, par la Bourse de Chicago en décembre 2020) et la successive transformation en 2021 par la Bourse de New York (« Wall Street ») de l’ensemble des éléments du monde naturel en « capitaux naturels » et, donc, en avoirs financiers [23], ont créé une situation particulièrement dure de négation du droit universel à l’eau, en raison aussi du fait que les pouvoirs publics également sont ou ouvertement favorables à la financiarisation de l’eau te de la nature .En outre, dans le contexte actuel d’une technologisation des activités financières tous azimuts, l’idée d’une gestion démocratique de la politique financière est mise hors-jeu. On arrive au même résultat si l’on tient compte de la faible autonomie financière dans laquelle se trouvent plongées les Communes, partout.

D’autre part, celui de la violence individuelle et collective, souvent institutionnalisée. La violence est devenue la règle au niveau des relations sociales dans tous les domaines. La rivalité et la guerre dominent sur l’amitié et la paix. Contrairement aux propositions de notre Mémorandum aux Citoyens de 2021, « L’Autre Agenda », la culture du « je » continue de plus en plus à prévaloir sur : la culture du « nous ». Le monde est devenu une mega-scène globale de violences. Les guerres se donnent en spectacle quotidien. Rares sont les responsables politiques, économiques et technoscientifiques qui dénoncent et utilisent leur pouvoir pour les arrêter. La violence est la négation des droits. L’État des droits est au plus bas de sa force. Se battre pour les biens communs essentiels pour la vie de tous les habitants de la Terre met en exergue qu’il n’y a pas de devenir pour la justice et pour la paix en dehors de systèmes décisionnels fondés sur une vraie démocratie (aujourd’hui pratiquement absente)

Tel est aussi le sens de notre proposition symbolique. Ce n’est certainement pas garanti, mais les Communes restent des espaces potentiels de régénération des liens d’amitié, des identités communes et de coresponsabilité dans la gestion de la res publica. Et, partant, des droits à la vie.

Grâce, hélas, aussi aux destructions de la vie en cours, les peuples de la Terre sont en train de se mobiliser autour des biens communs publics dont l’existence est la première victime de la prédation. Pensons à la pénurie croissante de l’eau, en particulier de l’eau de qualité bonne pour la vie et dont les collectivités ont la responsabilité première.

Régénération. Ré-invention de la société, pacte d’association, fondé sur le couple indissociable droits /biens communs

Repenser la vie au quotidien dans une perspective mondiale à partir des, espaces significatifs de proximité et d’interdépendances, constitue un travail collectif majeur indispensable au service des objectifs de la régénération des droits. D’où le rôle fondamental à jouer par les biens (et services) communs publics essentiels pour la vie, dont l’eau en premier. Le retour, ne fût-ce que symbolique, du droit universel à l’eau dans l’histoire de nos sociétés par les agendas communaux mettrait en mouvement des nouveaux imaginaires locaux-globaux de la vie capables de générer des nouveaux principes « politiques » mondiaux pluralistes, aujourd’hui insoupçonnés. La célébration du « 28 juillet- Jour mondial du droit universel à l’eau », choisie par les citoyens, localement, est un acte de confiance et d’espoir, dans la vie, la justice et la paix. A chaque Commune d’identifier les actions concrètes qu’elle pense importantes à entreprendre. Le mouvement est bien lancé en Argentine, grâce au président de l’Agora des Habitants de la Terre-Argentine, Anibal Faccendini. Les conseils municipaux de quatre villes importantes du pays ont approuvé la proclamation du 28 Juillet – Jour mondial du droit universel à l’eau : Rosario (2 millions d’habitants, deuxième ville du pays après Buenos Aires), Bariloche (110 mille habitants, en Patagonie), Gualeguayachù (77 mille habitants dans la Province de Entre Rios) et San Lorenzo (47 mille habitants, dans la Province de Santa Fé).

Qui a dit que l’histoire est déjà écrite ?

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