L’eau, un patrimoine commun et un droit universel

Déclaration du Forum alternatif mondial de l’eau - Dakar, le 25 mars 2022

Le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) s’est tenu à Dakar du 21 au 25 mars 2022.
Son objectif est de créer une alternative concrète au Forum Mondial de l’Eau (FME), qui a eu lieu du 21 au 26 mars 2022, organisé par le Conseil Mondial de l’Eau, porte-parole des entreprises transnationales et de la Banque mondiale qui prétend diriger la gouvernance mondiale de l’eau.

Nous, représentants de mouvements paysans, de femmes, de jeunes, d’ONG, de travailleurs et de syndicats, de communautés religieuses et de peuples autochtones de tous les continents, qui œuvrons collectivement pour défendre nos droits à l’eau et à l’assainissement sommes réunis à Dakar du 21 au 25 mars 2022 pour le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME). Le FAME a réuni des centaines de participants de tous les continents, autour de panels, conférences, ateliers, expositions, visites de sites, projections de films documentaires, etc. Il s’est déroulé dans un contexte de stress hydrique à l’échelle planétaire, de crise climatique croissante, de pandémie de Covid, et de mondialisation économique néolibérale, néfaste pour les communautés du monde entier. Le thème du FAME est « l’accès à l’eau et à l’assainissement est une question de santé publique et un baromètre de la démocratie ».

Les réalités suivantes ont donné lieu à de riches échanges lors du forum :

  • L’eau douce qui ne représente que 2,8% des ressources en eau est en diminution. Seulement 1% est sous forme liquide et est utilisée comme suit : 70% par l’agriculture irriguée, notamment l’agro-industrie qui ne représente que 18% des terres cultivées dans le monde au détriment de l’agriculture paysanne, 20% par les industries, et 10% uniquement pour les besoins domestiques.
  • La pénurie d’eau touche près de 40% de la population mondiale ; les nappes phréatiques qui constituent 99% de l’eau douce sur terre, et qui sont largement invisibles, s’épuisent rapidement, entraînant une sécheresse généralisée.
  • Trois (3) personnes sur 10 n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre.
  • La charge de travail résultant du manque d’accès à l’eau retombe sur les épaules des femmes, des filles et des enfants, qui passent 200 millions d’heures à collecter cette eau, hypothéquant sûrement leur avenir.
  • Plus de deux milliards de personnes ne disposent pas d’installations d’hygiène et d’assainissement de base telles que des toilettes et des latrines.
  • Plus de 700 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour de maladies diarrhéiques dues à la consommation d’eau insalubre ou à un manque d’hygiène et d’assainissement.
  • Les inondations représentent 70% des causes de décès liées aux risques naturels.
  • Les militants pour la justice de l’eau et les autres défenseurs des droits humains font l’objet d’attaques soutenues de la part des États et des entreprises et sont de plus en plus victimes de violence et de répression.

Face à la gravité de cette situation, nous proclamons :

  • L’eau est à la base de la vie comme la terre et l’air. Ces ressources font partie de notre patrimoine commun. Leurs cycles naturels vitaux doivent être respectés pour la préservation de la biodiversité et des écosystèmes par l’agroécologie.
  • Pour que les populations puissent vivre dignement et en bonne santé, l’eau doit être gérée à tous les niveaux, de manière concertée, inclusive, équitable et participative, dans le respect des droits des communautés de base, des peuples autochtones, des équilibres écologiques, des savoirs autochtones locaux et traditionnels et des valeurs endogènes positives, ainsi que de leur liberté de faire valoir ces droits sans répression ni violence.
  • L’eau, en tant que ressource vitale, n’est ni une marchandise à échanger en bourse, ni un bien à privatiser au profit des riches et des multinationales. La privatisation des services de l’eau et la financiarisation de cette ressource enrichissent les multinationales au détriment des populations.
  • Toutes les personnes, quels que soient leur capacité de paiement et leur lieu de résidence, doivent avoir un accès garanti à l’eau et à l’assainissement.
  • Il est urgent de mettre en œuvre à tous les niveaux l’Objectif de Développement Durable n°6 (ODD6) visant à garantir l’accès de tous aux sources d’eau potable et à l’assainissement, mais aussi à assurer la gestion durable des ressources en eau d’ici 2030.
  • Les résolutions adoptées en 2010 par l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l’homme reconnaissent que l’accès à l’eau et à l’assainissement est un droit. Il doit être intégré dans le droit international et dans les constitutions de tous les pays, comme c’est déjà le cas en Uruguay, au Venezuela, en Bolivie, au Burkina Faso et au Sénégal, dont la constitution actuelle stipule : « les ressources naturelles appartiennent au peuple ».
  • Les dispositions de l’article 21 relatives au droit à l’eau de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales doivent être diffusées et appliquées dans tous les pays.
  • Les États doivent assurer la mise en œuvre intégrale et sans réserve de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) appelle à :

  • Une convergence des initiatives et des actions pour lutter pour le respect des droits à l’eau et à l’assainissement, à la terre et à l’environnement.
  • Une campagne internationale de sensibilisation, de renforcement des capacités des communautés rurales et urbaines et des peuples autochtones et de plaidoyer pour l’intégration effective du droit à l’eau et à l’assainissement dans les constitutions et les politiques publiques de tous les pays.
  • Des réunions plus régulières du réseau pour travailler vers ces objectifs, pour étendre la résistance mondiale au programme de l’eau des entreprises et pour réaliser la justice de l’eau pour tous alors que nous nous tournons vers le Forum mondial alternatif de l’eau 2024 à Bali, en Indonésie. Au-delà d’un Forum Alternatif, nous sommes en fait le Forum Mondial des Peuples sur l’Eau.
  • La création au sein du système des Nations Unies d’une Haute Autorité Indépendante de l’Eau.
  • La création d’une Conférence autochtone des Nations Unies sur l’eau.

Voir le site du FAME