Centrafrique : instabilité et territoires hors de contrôle

Puissances étrangères en République Centrafricaine

, par Forum Réfugiés

Les populations de Centrafrique ont peu de prise sur leur destin depuis plusieurs siècles. Elles ont subi la loi, tour à tour, des chasseurs d’esclaves, d’une métropole coloniale, puis des dictateurs autochtones et des groupes armés étrangers.

Sommaire de l’article : Les liens historiques avec la France / L’émergence de nouveaux partenariats

Les liens historiques avec la France

La mise en perspective du rôle prépondérant de la France en Centrafrique depuis de nombreuses décennies permet de voir à quels niveaux s’effectue cette mise sous tutelle.

La période coloniale a ouvert une emprise politique et militaire forte de la France en Centrafrique qui ne s’est pas effacée avec l’indépendance. La France a joué un rôle essentiel dans le destin de la RCA indépendante, du moins jusqu’à la fin de la Guerre froide. Si le pays présente peu d’intérêt économique pour Paris, sa situation centrale lui a conféré une extrême importance stratégique comme pivot de la présence militaire et des interventions de la France en Afrique [1].
Depuis l’indépendance tous les dirigeants centrafricains qui se sont succédé au pouvoir ont été « placés », destitués ou protégés par la France : le rapprochement entamé par Dacko avec les Chinois a poussé la France à le remplacer par Bokassa (1966). Suite à l’alliance entre Bokassa et la Libye, Paris a organisé sa destitution (opération barracuda, 1979) et mis Dacko au pouvoir. Paris a supporté le coup d’État du général Kolingba (1981). En 2003, avec le soutien de la France, Bozizé a renversé Patassé. Deux interventions militaires de la France sont venues au secours du président Patassé en novembre 2006 puis en mars 2007, lors de l’attaque de Birao par l’Union des Forces Démocratiques pour le rassemblement. La France est intervenue en positionnant un détachement opérationnel sur place et en faisant intervenir des soldats aux côtés des Forcées Armées Centrafricaines (FACA). Pour ce faire, la France s’est basée sur les accords de défense de 1960 stipulant une possibilité d’intervention en cas d’agression extérieure, mais son ingérence a semblé difficile à justifier dans le cas d’une rébellion endogène.
Si François Hollande a décliné la demande de soutien de François Bozizé en décembre 2012, l’intervention Sangaris en 2013 s’est inscrite dans le schéma français de lutte contre le terrorisme international.
Le 31 octobre 2016, le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian a annoncé la fin de l’opération militaire Sangaris. Après trois ans d’intervention, la RCA est toujours plongée dans une crise économique chronique sur fond de tensions ethnico-religieuses.

Par ailleurs, ce territoire riche en pierres précieuses, minerais, bois, uranium, pétrole… suscite l’intérêt des milieux d’affaires extérieurs au pays. La France et de nombreux Etats, des sociétés financières et des multinationales s’intéressent de plus en plus à la République centrafricaine et mettent en place des partenariats économiques avec ce pays.

Ingérence des puissances régionales et présence de groupes armés étrangers

Différentes unités de plusieurs armées de pays de la sous-région sont dispersées à travers le territoire de la RCA. Ainsi, le Tchad, le Soudan et l’Ouganda ont déployé des forces armées sur les territoires centrafricains.
Le coup d’État de F. Bozizé en 2003 a été préparé depuis le Tchad et avec le soutien des autorités tchadiennes. Bozizé disposait également de plusieurs éléments tchadiens dans sa garde présidentielle. Ensuite, Bozizé a accusé le Tchad d’avoir soutenu la rébellion Séleka.
La Libye s’est également impliquée dans les affaires centrafricaines, avant la mort de Khadafi, ce dernier étant intéressé par la position centrale et stratégique de la RCA et par ses ressources minières.
Les conflits du Darfour mais également ceux de la RDC ont participé encore à l’instabilité des régions frontalières éloignées du pouvoir centralisé à Bangui. L’absence de véritable contrôle des frontières a permis l’arrivée de factions armées rebelles en provenance du Tchad, du Soudan et de la RDC, utilisant des régions comme bases arrières militaires pour fomenter leurs coups. Bandits et trafiquants agissent sans contrôle et commettent de nombreuses exactions.

Des incidents répétés ont induit une rancune anti-tchadienne et par amalgame antimusulmane, cette dimension intercommunautaire et religieuse étant plus que jamais présente dans le conflit actuel depuis le coup d’Etat de la rébellion Séleka.
Parmi les acteurs du conflit en cours [2] :

Les groupes rebelles nationaux :

  • Ex-Séléka : la coalition de la Séléka (« alliance » en Sango) a été officiellement formée en décembre 2012 et dissoute en septembre 2013, elle réunit des membres des groupes rebelles opposés à François Bozizé venant de la CPJP-fondamentale, l’UFDR, l’UFR, et la CPSK. Ses membres sont essentiellement des hommes de confession musulmane venant du Nord du pays. Il y a également des combattants étrangers (principalement du Tchad et du Soudan) et des enfants soldats parmi ses rangs.
    La Séléka a été composée d’environ 25 000 combattants (5000 combattants historiques venant du Nord Est du pays, 5000 combattants étrangers principalement du Soudan et du Tchad et 15 000 personnes qui ont grossi les rangs de la Séléka lors de sa marche sur Bangui entre décembre 2012 et mars 2013).
    Après la dissolution de la Séleka en 2014, plusieurs factions rivales se sont formées : le MPC (mouvement patriotique pour la Centrafrique), la Séléka rénovée pour la paix et la Justice. Deux importantes factions armées de l’ex-Séléka s’affrontent : le FPRC : Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique de Noureddine Adam / l’UPC : Unité du peuple centrafricain de Ali Ndarass.
  • Les Anti-Balaka (anti-Balaka en sango signifie anti-machette et dérive de « ANTI BALLE AKA (Kalachnikov) ». Il s’agit de groupes d’auto-défense composés en majorité de jeunes hommes non musulmans venant pour la plupart de milieux ruraux ayant subi les attaques des combattants de la Séléka. Parmi les anti-balaka : la CLPC : coordination nationale des libérateurs du peuple centrafricain, la Mouvance patriotique pour l’avenir- I KWé

Groupes armés criminels [3] :

  • Les Zaraguinas ou coupeurs de route : bandits sur la frontière de la RCA du Tchad et du Cameroun.
  • Les Mbororos ou Peuls de brousse : ces éleveurs sont victimes de l’insécurité endémique venue du Tchad liée aux soldats désœuvrés et à la dissémination des armes légères mais aussi liée aux coups d’Etat successifs en RCA.
  • Transhumants peuls tchadiens (Mbarara) et arabe : le terme récent de Mbarara est utilisé pour les distinguer des Mbororos, et désigne les transhumants venant du Tchad.

Forces armées gouvernementales :

  • Les Forces Armées Centrafricaines (FACA) : les forces armées officielles, peu équipées et mal entraînées, ne comptaient en 2009 que 5000 personnes parmi lesquelles seulement 1500 étaient des soldats opérationnels. Plus de 75% des forces opérationnelles stationnent à Bangui.
  • La Garde Présidentielle.

Groupes armés non-étatiques internationaux :

  • Armée de Résistance du Seigneur (ARS ou LRA en anglais) : mouvement armé ougandais créé en 1987, présent dans le Sud Est et à l’Est de la RCA depuis 2008, responsable de nombreuses exactions contre les populations civiles,
  • Front Populaire pour le Redressement (FPR) : mouvement rebelle tchadien
    Forces internationales de maintien de la paix :
  • la France qui dispose depuis plusieurs années d’un contingent en RCA a lancé le 6 décembre 2013 l’opération Sangaris(désengagement en décembre 2016)
  • EUFOR : le 20 janvier 2014, les ministres des Affaires Etrangères de l’Union Européenne, dans le cadre de la Politique de Sécurité et de Défense Commune, ont approuvé la création de l’EUFOR pour la RCA, une mission conjointe de 600 hommes, déployée en février 2014 pour 6 mois sur Bangui et son aéroport. Elle est remplacée le 15 mars 2015 par une « Mission militaire européenne de conseil » en République centrafricaine.
  • Mission Internationale de Soutien à la Centre Afrique (MISCA), remplacée en 2014 par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA). La mission MINUSCA est toujours en mission et doit faire face à des combats très violents. En septembre 2017, elle s’efforce d’apporter un appui au gouvernement centrafricain pour restaurer sur tout le territoire l’autorité de l’Etat, la majeure partie du territoire national est encore sous le contrôle de groupes armés dont les activités empêchent le rétablissement de l’autorité de l’État.