Développement local et décentralisation au Togo : quels effets ?

Problématique de la gestion durable des phosphates au Togo

, par IRFODEL , AMOUZOUVI Emmanuel Komitsè

L’exploitation des ressources naturelles surtout minières en milieu rural entraîne inévitablement des changements mineurs ou majeurs dans la zone d’exploitation.
Ces changements sont davantage mis en exergue, si l’exploitation de ces ressources provoque une remise en cause des modes de pensée et d’action des populations riveraines. Ce résultat est souvent le fruit d’une gestion non concertée des dites ressources ayant pour conséquence des changements sociaux, économiques et surtout environnementaux.

Situé sur la côte occidentale de l’Afrique, le Togo, se trouve enserré par le Ghana à l’Ouest, la république du Bénin à l’Est et le Burkina-Faso au Nord. Il a la forme d’un couloir d’environ 700 km de long avec une ouverture de 50 km sur l’océan atlantique Sud. Le territoire togolais compte aujourd’hui plus de 6 millions d’habitants sur une superficie de 56.600 km2. Il regorge beaucoup de minerais dont les phosphates exploités actuellement par la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT).

La zone minière des phosphates est la zone littorale généralement confondue à la région maritime. Elle est la plus petite et la plus peuplée du Togo. Cette Région représente 11,2% de la superficie totale du pays soit 6395 km². Elle fait partie de l’ensemble des régions les moins arrosées du Golfe de Guinée. Sur le plan économique, elle est la région la plus industrialisée avec plus de 90% des unités industrielles du pays (North-South Environement : NSE, 2007).

Les phosphates, une ressource importante du Togo

Les phosphates sont une des ressources non des moindres pour l’économie togolaise.

Son extraction est d’une grande importance pour le pays, ce qui lui a valu le nom de « géant de l’économie nationale ». Cette importance du secteur a été plus notoire dans les années 1970-80 où la plupart des investissements en infrastructures surtout étaient réalisés sur ressources propres dont la majorité provenait des recettes du secteur phosphatier. Durant cette période ce secteur contribuait au produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 40-45% et la société des phosphates était la première de toutes les entreprises publiques et parapubliques (GIDEPPE, 1998).

La production des phosphates domine non seulement le secteur minier mais également les principales productions d’exportation à hauteur de 23% (KOKOU K., 2008) et participe pour environ 40% aux recettes d’exportation du pays. En outre, cette industrie contribue à la croissance économique du pays par la création des emplois et par sa contribution au budget de l’État à hauteur de 35%(GIDEPPE, 1998), bien qu’aujourd’hui ce secteur soit très fragilisé par une crise de mauvaise gestion.
Cependant, les contributions de ce secteur à l’économie nationale ne sont pas sans incidence sur les populations riveraines elles-mêmes, leurs activités socio-économiques d’une part et sur l’environnement direct et indirect d’autre part.

Une gestion non concertée des phosphates

La société des phosphates provoque de sérieuses dégradations de l’environnement. Ces dommages rendent de plus en plus difficiles les conditions de vie des populations locales. L’exploitation se faisant à ciel ouvert, elle entraîne la dégradation de milliers d’hectares de terres qui après exploitation, ne font l’objet d’aucun réaménagement. C’est ainsi que la zone d’exploitation qui jadis était une plaine est devenue une zone accidentée, souvent difficile d’accès, marquée par des collines, des plateaux et des vallées artificiels.

Cette nouvelle morphologie des terres, les rend impropres à l’agriculture, principale activité des populations riveraines. Ainsi, les rendements de maϊs et de manioc, cultures principales de la zone sont affectées à 52% par les poussières créant ainsi un déficit alimentaire dans le milieu (KOGBE Y., 2007). Pour combler ce déficit, les populations doivent importer les cultures vivrières d’autres régions du pays. De ce fait, l’autosuffisance alimentaire de la région est mise à mal. Ceci confirme pourquoi les populations consacrent 41,5% de leurs revenus à l’achat de nourritures (KOGBE Y., 2007).

En plus de l’occupation des terres cultivables, l’exploitation du minerai pollue l’environnement et affecte sérieusement la santé des populations. Ainsi, les populations sont victimes de maladies respiratoires et de troubles de la vision causées par les nuages de poussières, tant au niveau de l’usine de lavage du phosphate brut qu’au niveau des sites d’extraction.

L’usine de Kpémé menace l’environnement par le rejet dans la mer des déchets phosphatés. Il s’en suit une pollution du milieu marin qui s’étend au-delà des côtes togolaises. Cette pollution actuellement menace les côtes angolaises (NSE, (2007) et n’est pas sans conséquences sur les activités des populations locales dont une majeure partie vit essentiellement de la pêche. La production halieutique a baissé de 4% (KOGBE Y., 2007) et on note la disparition de certaines espèces de poissons. Ceci entraîne une dégradation de la biodiversité marine.

Privées de leurs activités essentielles, l’agriculture et la pêche, auxquelles s’ajoutent de sérieux problèmes de santé, les populations se retrouvent de plus confrontées au phénomène de pauvreté. Comme conséquence, la main d’œuvre constituée majoritairement de jeunes, se trouve contrainte à l’exode rural ralentissant ainsi les activités de subsistance du milieu. Ces bras valides, estimant avoir de meilleures conditions de vie dans la capitale, Lomé, principal pôle d’acceuil, se retrouvent plus vulnérables à la pauvreté faute de qualification professionnelle.

Recommandations pour une gestion équitable et durable des phosphates
Pour trouver une solution à ces problèmes provoqués par l’exploitation non contrôlée des phosphates, une gestion durable s’impose. Celle-ci prendra en compte les interactions existant entre les sphères économique, naturelle et socioculturelle de cette exploitation.

La gestion durable des phosphates passera par une internalisation des externalités négatives de production. L’application d’un des principes fondamentaux du développement durable, celui du pollueur/utilisateur-payeur est une nécessité. Selon ce principe, tout utilisateur de ressources environnementales devrait payer le juste prix pour l’utilisation et la conservation du capital naturel. Ceci pour rendre le développement plus humain et durable.

La création des richesses se faisant par l’Homme et pour l’Homme, il est important de considérer le volet social du développement comme une des priorités de l’exploitation des phosphates. La prise en compte de ce volet passera par la consacration d’une part des bénéfices à la régénérescence du milieu naturel après exploitation.
Une des clés du développement étant l’approche participative des projets, leurs conception et mise en œuvre devraient être réalisées de manière concertée avec les populations riveraines pour créer une dynamique locale en vue d’impulser un réel développement.

Conclusion

Les actions de développement doivent être menées de façon à réduire les effets pervers (les pollutions surtout) du développement qui résultent souvent d’une mauvaise gestion des ressources dont la nature nous a généreusement doté. En exploitant ces ressources, les problèmes de juste répartition des coûts et avantages entre les générations présentes et futures doivent être pris en compte. En outre, Les principes de précaution et de préservation sont à prendre en compte en vue d’inclure le développement impulsé par l’exploitation des ressources naturelles dans une logique de durabilité

Commentaires

Bibliographie :
 BIAOU G., (2005). Dimensions Economique et Sociale du Développement Durable, CIFRED/ UAC, Abomey-Calavi.
 GIDEPPE : Groupe International d’Edition et de Publication de Presse Economique (1998). Marchés Nouveaux, le guide économique des pays en expansion, No 2 : Togo Cap sur 2000.
 KOGBE Y. L., (2007). Diagnostic environnemental pour un suivi à long terme de la mine d’exploitation des phosphates de Hahotoé-Kpogamé au sud-est du Togo, - Mémoire de DESS/Faculté d’Agronomie/Université Abdou Moumouni de Niamey, pp.64-65.
 KOKOU K., (2008). Gestion des ressources naturelles et de l’environnement, au Togo Lomé, 74p.
 NSE : North-South Environement, (2007). Réduction des rejets des mines de phosphates du Togo dans le GCLME, Rapport Final, Lomé, 140p.