Deux idées reçues sur l’agriculture

, par Agenda de la Solidarité Internationale

« Le meilleur moyen de protéger la terre est de trouver les bonnes graines, celles qui permettent de se passer d’artifice, ce sont les variétés anciennes. »
Philippe Desbrosses, pionnier de l’agriculture biologique en France, fondateur d’intelligence verte.

Idée 1 : Le contrôle et le brevetage des semences au niveau international est nécessaire sur les plans économique et sanitaire

Les semences, sources de vie et de diversité, indispensables à notre alimentation mais aussi à l’équilibre de nos écosystèmes, ont été au fil des années standardisées, formatées et marchandisées par l’industrie agroalimentaire. Elles l’ont été à coup d’intrants chimiques (engrais, pesticides, fongicides, etc.) qui ont contribué à produire une alimentation sans goût ni qualité. De récentes études montrent que 75% des espèces comestibles ont disparu en moins d’un siècle1. La standardisation et la privatisation des semences et de la nature sont des manœuvres économiques ne profitant qu’aux sociétés détentrices des brevets d’exclusivité déposés sur notre patrimoine commun.

Quels avantages économiques y trouvent les communautés ne vivant que de l’agriculture, obligées d’acheter des semences façonnées loin de leur lieu de plantation, alors qu’elles pourraient simplement les reproduire sur place ? Aucun. Tandis que les semences traditionnelles sont essentielles pour préserver la biodiversité mondiale et permettent une meilleure résistance aux contaminations et aux aléas climatiques grâce à leur diversité.
Les soi-disant nécessités sanitaires, prônées par l’agriculture industrielle, imposent de remplacer des semences locales adaptées au terrain, au climat par des semences moins adaptées, plus fragiles qui nécessitent plus d’engrais et de pesticides. Pourtant, on ne peut pas considérer le brevetage comme une réelle solution quand on met en parallèle l’impact (connu et à découvrir) sur la santé des personnes en contact avec les intrants chimiques nécessités par ces nouvelles variétés et l’appauvrissement (ou la dégradation) dramatique des sols. 
La semence traditionnelle est le lien entre « la vision, le savoir, les pratiques et la culture des communautés » d’un côté et la souveraineté alimentaire et l’autonomie paysanne de l’autre. C’est cette autonomie que l’agroécologie cherche à redéployer en privilégiant les connaissances et pratiques paysannes. Il ne peut en effet y avoir d’agriculture pérenne, saine et respectueuse de l’environnement sans un travail de fond sur la réappropriation de ces savoirs paysans permettant de sauvegarder une « biodiversité cultivée » foisonnante.
Les variétés de semences anciennes, domestiquées, locales, sont le gage d’une alimentation saine et biologique et contribuent à la préservation de la biodiversité et des écosystèmes. Face aux menaces qui pèsent sur elles, il est urgent de se mobiliser pour préserver les semences traditionnelles.

Idée 2 : Avec l’augmentation de la population il va falloir produire beaucoup plus si on veut nourrir tout le monde.

Nous étions à peu près 7,3 milliards en 2015 et devrions être quasiment 10 milliards d’habitants en 20502. Cette augmentation va jouer un rôle sur la production de notre alimentation afin de nourrir correctement une population qui ne cesse de croître. Dans une logique productiviste, la sécurité alimentaire est avant tout une question de production. Or les questions d’accessibilité sont au moins aussi importantes. Nos manières de produire et de consommer génèrent énormément de gaspillage : standardisation de la production et mise à l’écart des produits ne respectant pas les normes, sur-stock, surproduction… Par exemple, en France, nous jetons en moyenne 21 % des aliments que nous achetons, 12 à 20 milliards d’euros au total chaque année. Selon la FAO, ce sont 1,3 milliard de tonnes d’aliments qui finissent à la poubelle chaque année sur la planète. Soit un tiers de la production mondiale.
Si au lieu de cela nous favorisions une consommation intelligente et en circuit court, cela permettrait de minimiser grandement ces pertes. Pour que tous les humains soient nourris correctement, il faut produire 200 kilos de céréales par habitant et par an, ou leur équivalent en féculents. Or justement, on produit aujourd’hui sur la planète l’équivalent de 330 kilos de céréales par an et par personne. Le problème c’est qu’une grande partie de cette production est destinée à l’alimentation du bétail afin de satisfaire notre appétit carnivore. Marc Dufumier rappelle ainsi qu’ « Au Brésil, un hectare de terre peut nourrir 50 végétariens, mais 2 carnivores3 ». Autre chiffre significatif : il faudrait manger 26 pêches d’aujourd’hui pour retrouver la valeur nutritionnelle d’une pêche de 19504. Certaines méthodes de production, comme l’agroécologie, apportent une bien meilleure valeur nutritive. Plus qu’un choix au quotidien, réfléchir à notre manière de consommer influencera la manière de produire et plus largement l’orientation de notre futur.

Que peut-on faire ?

 S’informer, se former à l’agroécologie
www.formationsbio.com
www.sikana.tv/fr/nature
www.colibris-lemouvement.org

 Devenir un gardien de semences, en reproduisant les semences anciennes
www.grainesdevie.net
www.grainesdetroc.fr
www.semencespaysannes.org
https://kokopelli-semences.fr

 Soutenir une organisation qui fait la promotion de l’agroécologie
www.intelligenceverte.org
www.sol-asso.fr
https://bluebees.fr