Tensions en Bolivie après la validation de la candidature d’Evo Morales par la Cour électorale

, par NACLA

La récente décision de la Cour électorale qui autorise Evo Morales à être candidat pour la quatrième fois d’affilée a renforcé la polarisation en Bolivie, avec des résultats électoraux aujourd’hui loin d’être certains.

Manifestations contre la candidature d’Evo Morales le 24 février 2018 "La Bolivie a dit NON à la 4e rééelection" @Duina Reyes (CC BY-NC-ND 2.0)

De nombreuses manifestations, blocages de routes, rassemblements et grèves (notamment grèves de la faim) ont accueilli cette nouvelle, culminant avec une manifestation étudiante de grande ampleur à Santa Cruz, dans une des régions les plus riches du pays, où le ressentiment contre Morales est le plus fort. S’appuyant sur le résultat d’un référendum populaire contre la candidature de Morales, que celui-ci a choisi d’ignorer, des opposant·es historiques et des ancien·nes militant·es déçu·es se rassemblent dans une plateforme citoyenne et contestataire, sans pour autant avoir de programme commun. Malgré cela, les soutiens au Président restent solides, notamment du fait des politiques redistributives et de la croissance économique qu’il semble garantir, ainsi que du symbole de l’indianité qu’il représente dans le contexte inquiétant de droitisation du continent sud-américain.

La diversité de l’opposition face à Morales rend difficile l’adhésion à une seule et même candidature alternative. Parmi les nombreux candidats, la menace la plus crédible est la candidature de Carlos Mesa. « Outsider » politique, il joue particulièrement sur son refus d’appartenance à un parti.

Une des difficultés rencontrées par l’opposition est la nouvelle loi, imposée par le MAS (Movimiento Al Socialismo, le parti de Morales), qui oblige les partis à organiser des élections primaires internes afin de désigner la candidature présidentielle, avec des délais très courts pour enregistrer les candidatures et seulement 25 % des votant·e·s effectivement inscrit·e·s sur ces listes. Les irrégularités et erreurs commises sont signalées de façon massive lors de l’organisation de ces primaires, et l’opposition en exige la suspension.

La réélection de Morales est loin d’être garantie. Il est probable qu’il ne soit pas élu dès le premier tour, comme lors des élections précédentes, et ses chances de perdre au second tour face à Mesa sont grandes, du fait d’une possible union de toutes les forces d’opposition. Les attaques (médiatiques, politiques et judiciaires) du gouvernement contre Mesa, et contre l’opposition en général, se font donc de plus en plus féroces.

2019 promet d’être une année d’intenses conflits politiques en Bolivie. Pour gagner au premier tour, Morales devra faire preuve de grande stratégie politique. Ironie de l’histoire, du fait de son mépris des résultats du référendum populaire contre sa quatrième candidature, c’est le secteur conservateur qui est apparu comme défenseur de la démocratie. Rediriger les forces de contestations vers une revitalisation du mouvement social indépendant du pouvoir reste le défi majeur pour l’avenir du pays.

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