L’engagement des jeunes, déconfiné ?

Jeunes et associations face au covid-19 : témoignages

Du côté de l’ECSI N° 32 – octobre 2020

, par ritimo

Maison du monde et des citoyens (MCM)

« La crise du covid-19 a largement remis en cause les projets des associations étudiantes de solidarité internationale que nous suivons à la MCM, pour cause, l’impossibilité de se déplacer hors de l’Europe pendant l’été.

Souvent organisées via des engagements bénévoles sur une année scolaire, les associations ont pour la plupart vu leur fonctionnement et organisation interne remis en cause. Certaines associations prévoient désormais de penser l’engagement sur deux ans, les projets locaux seraient au centre de la seconde année de participation des étudiant.e.s à l’association.

D’autres structures prévoient de mener deux projets à l’étranger de front cette année : celui annulé de l’année scolaire passée et celui qui aurait dû avoir lieu normalement. De notre côté, nous essayons de pousser ces associations jeunes à renforcer leurs activités d’ECSI au local, en « profitant » de ce contexte particulier. C’était notamment l’objet de la « formation asso » que nous avons menée fin septembre, et qui portait justement sur le fonctionnement associatif, l’articulation entre les projets locaux et internationaux et l’adaptation de leur organisation interne pour renforcer leurs actions ! »

Engagé·es et déterminé·es

« La crise du virus covid-19 a impacté le départ de plusieurs associations que nous accompagnions dans le cadre du dispositif « jeunesse et solidarité internationale » [1].

Notre réseau a entrepris différents chantiers pour renforcer le soutien qui leur était accordé. Une foire aux questions a été ouverte pour recueillir les inquiétudes des associations et leur apporter des solutions sur la gestion des relations partenariales, les suites à donner aux projets qui ont dû être mis en stand-by ainsi que les questions relatives au financement... Nous avons organisé un webinaire intitulé « comment gérer et adapter vos partenariats internationaux suite à la crise sanitaire ». Nous avons aussi communiqué une lettre aux universités et écoles afin d’apporter des conseils sur les mesures à entreprendre, sur le réagencement des activités de jeunes et informé sur les possibilités d’agir pour la solidarité internationale au niveau local.

Hormis la gestion de l’urgence des projets prévus à l’international par les jeunes, nous avons proposé un accompagnement pour l’action au local. Nous avons pour cela, rallongé la période de candidature au PIEED (le Prix des initiatives jeunes en Education à la citoyenneté et à la solidarité internationale) pour que les associations aient plus de temps pour penser à des projets d’ECSI de qualité et non des projets à mettre en place par défaut.
Nous avons notamment communiqué sur le dispositif « Initiative en faveur de la solidarité internationale » [2] qui représentait une belle aubaine pour soutenir l’engagement local des jeunes. Tout cela fut doublé d’une grande disponibilité à les aiguiller dans la réflexion autour des projets d’ECSI.

Cependant, le départ à l’étranger tenant une part importante dans les projets associatifs des jeunes, la fermeture des frontières a eu un impact considérable sur la motivation de plusieurs d’entre eux·elles qui n’arrivaient souvent pas à penser une action d’ECSI sans avoir au préalable vécu le projet de rencontre interculturelle. D’autres associations, à l’instar d’une lauréate du PIEED qui a dû malheureusement interrompre son projet à l’international et rentrer, ont perdu en bénévoles. Toutefois, cette situation a été l’opportunité de repenser le projet global de ces associations ainsi que leurs modèles de fonctionnement notamment sur les enjeux de passation.
Pour terminer sur une note positive, nous avons été contacté·es par quelques associations qui, à défaut de pouvoir partir, cherchaient à s’engager dans de la solidarité locale en prêtant mains fortes aux associations professionnelles qui agissent dans le soutien aux personnes réfugiées. »

Ingénieurs sans frontières

« Chaque année, Ingénieurs sans frontières (ISF) accompagne des groupes d’étudiant·es dans leurs projets de solidarité internationale, qui pour la plupart intègrent une période de mobilité. Cette année deux d’entre eux ont vu leurs projets stoppés net à cause de la pandémie. Après un temps de pause et de digestion de la situation, c’est avec enthousiasme et créativité qu’Adèle, Manon, Paul et Clément ont réussi à se réinventer pour poursuivre leur engagement.

Dans le cadre du projet GAIAA (Global Awareness Insight Across America), Adèle et Manon, deux étudiantes membres d’ISF Grenoble, ont pu parcourir, en début d’année 2020, une partie de l’Argentine et du Brésil afin de rencontrer différents collectifs et individus qui sensibilisent sur le réchauffement climatique. 14 entretiens ont pu être filmés entre Rio de Janeiro et Buenos Aires : actions communautaires dans les favelas, collectifs qui partagent savoir et information, associations de jeunes engagé·es pour le climat, ou encore des partis politiques... Après quelques aventures, elles ont été rapatriées en France au début de la période de confinement. Loin d’être démotivées par ce retour anticipé, Adèle et Manon ont continué leur enquête auprès des acteur·rices du changement en se rendant à Lyon et à Marseille, pour s’entretenir avec plusieurs personnalités du monde associatif membres de collectifs tels qu’Alternatiba, France Nature Environnement, A.I.R Climat ou encore Youth for Climate. Le projet se terminera avec la réalisation de plusieurs mini-documentaires vidéos, afin de partager les témoignages recueillis et d’établir une comparaison pour exprimer la multiplicité des actions à mener pour lutter contre le réchauffement climatique.

Si Paul et Clément, membres ISF grenoblois eux aussi, n’ont pas pu effectuer leur voyage en vélo en Europe de l’Est, ils n’ont pas pour autant abandonné leur projet « ALTERR : Aventure Low tech » en deux roues.
Ayant fabriqué leurs propres vélos à partir de matériaux de récupération, ils ont pu sillonner la France à la découverte de lieux de vie portant des projets alternatifs tous plus inventifs les uns que les autres. Partant de Grenoble, ils ont pu se rendre au "Hameau des buis" en Ardèche, où ils ont rencontré des personnes vivant dans des habitats bio-climatiques. Ils se sont ensuite rendus dans le Gard, à la rencontre de l’association "Feu Follet", puis ont continué leur route non loin de là, en direction de la "tribu vivace", où ils ont vécu un confinement ... pas comme les autres. Une fois les restrictions levées, ils se sont remis en route vers un éco-lieu, entre Nîmes et Montpellier, nommé "l’echo vert", dont l’objectif est d’expérimenter un mode de vie tendant vers l’autonomie. Après 3 mois et demi de voyage et 1200 km parcourus de Grenoble à Toulouse en passant par la Camargue et les Cévennes, ils sont rentrés dans leurs familles respectives toujours en vélo. Depuis la Bretagne et les Pyrénées, ils organisent aujourd’hui une formation sur les low tech pour l’hiver 2021 qui se déroulera à Grenoble, et pendant laquelle ils partageront leur expérience avec les autres membres de la fédération. »

Resia

« Le Resia accompagne des jeunes seuls ou en groupe ayant un projet de solidarité internationale. La plupart de ces jeunes costarmoricains entrent pour la première fois dans une dynamique de projet et c’est un véritable parcours initiatique qu’ils traversent : de la naissance de l’idée à l’accomplissement du projet, puis son évaluation et sa restitution. C’est un travail de patience, long et passionnant de les accompagner à travers toutes ces étapes. Selon les jeunes, ces projets sont des « leçons de vie ». Cette année ils ont été chamboulés : d’abord reportés, certains seront finalement annulés. La déception des jeunes et des professionnels qui les accompagnent est grande. D’autant plus que la perspective de réouverture des frontières s’éloigne. Les contacts avec les partenaires sont plus espacés...

Certains jeunes s’impliquent dans des actions de solidarité en France mais tous n’ont pas pu le faire et la plupart doivent se consacrer à leurs propres démarches (orientation scolaire, recherche d’emploi, de logement, etc...). Les jeunes ne sont pas satisfaits de cette situation mais sont résignés.

Nous espérons que les valeurs transmises à travers ces projets solidaires seront autant de graines prêtes à éclore un peu plus tard ! »

Notes

[1Le dispositif « JSI » est porté par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères et géré par le Fonjep pour soutenir la rencontre interculturelle et l’engagement des jeunes dans des projets de solidarité internationale.

[2L’Initiative en faveur de la solidarité internationale (ISI) est portée par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères en partenariat avec le Fonjep et qui a été initié dans le contexte de la crise pour soutenir les nouvelles manières d’agir pour la solidarité internationale.