Grève de la faim chez Telefónica

La dignité de ceux qui luttent

, par VIVAS Esther

L’article a été traduit de l’espagnol au français par Jeanne Vandewattyne, traductrice bénévole à Ritimo. Il a été publié, initialement, sur le site Público, le 13 novembre 2012.

Les 6 syndicalistes de Telefónica : 4 jours de grève de la faim
Groundpress : http://groundpress.org

La dignité qui a envahi, ces derniers jours, le local du comité d’entreprise de Telefónica à Barcelone, ne tient plus entre ses quatre murs. La dignité de ceux qui luttent, qui ne se résignent pas, qui croient en un « nous ». Une dignité qui éveille de nombreuses solidarités, faite d’engagement, de camaraderie et de soutien mutuel. Une dignité qu’on ne nous explique ni dans les livres d’école, ni dans les émissions de télévision, parce qu’on préfère nous maintenir dans l’ignorance et le manque d’affection ?

La dignité, c’est ce que nous enseignent, ces jours-ci, Marcos, Laurentino, Josep, Carles, Alberto et Garea, en grève de la faim contre les pratiques de l’une des principales multinationales espagnoles, Telefónica. C’est ce que nous enseignent tous ceux qui sont à leurs côtés. Parce que leur lutte est aussi la nôtre.

Neuf jours de grève de la faim (et ce n’est pas fini), afin d’exiger la réintégration de leur collègue Marcos, un des grévistes, licencié après un arrêt maladie justifié et alors que les tribunaux ont déjà rendu deux jugements qui ont annulé ce licenciement, le jugeant abusif. Une grève de la faim pour que Telefónica écoute ses salariés et respecte leurs droits.

Pourquoi lutter ? On lutte pour la dignité, la liberté et la justice. On lutte pour son voisin, sans rien attendre en échange. Lutter pour les autres, c’est lutter pour soi-même. Et que peuvent donc bien obtenir six salariés face à un géant comme Telefónica ? Du soutien, de la solidarité, un retentissement social, une mobilisation. Et ils sont en train de le prouver, en brisant en partie le blocus médiatique imposé par l’entreprise, en occupant les réseaux sociaux et en menant des actions de soutien qui rassemblent des centaines de personnes. D’ailleurs, le compte twitter ? #MovistarNosFunde s’est classé parmi les plus populaires le 9 novembre dernier (ce jeu de mots, basé sur l’offre « Movistar Fusión » de Telefónica, dénonce le sort réservé aux salariés tout en soulignant la solidarité qui les unit). Une publicité de Movistar disait « Quand on la partage, la vie vaut plus »... C’est plus que jamais le cas.

Ils nous prouvent qu’« un autre syndicalisme est possible ». Un syndicalisme qui sort dans la rue, loyal vis-à-vis des travailleurs, qui n’abandonne pas, ni ne cherche de compromis avec les dirigeants. Un syndicalisme qui a campé sur la Place de Catalogne avec les indignés, qui s’est joint au mouvement altermondialiste depuis déjà plusieurs années, et qui a toujours cherché des alliances au-delà de l’entreprise. Ce syndicalisme dont nous avons tant besoin, ces gens-là nous montrent qu’il existe. Le 14 novembre, lors de la grève générale, nous serons aux côtés des grévistes de Telefónica. S’il y avait plus de syndicalistes de leur trempe, ce ne serait pas une grève générale de 24 heures, mais bien plus.

Ce qui préoccupe le plus les entreprises multinationales, c’est leur image. Pour elles, il est très important de présenter une façade impeccable, pour qu’on ne voit pas que l’intérieur est sale. Telefónica doit posséder des milliards, et peut sans doute acheter qui il veut et ce qu’il veut. Mais toutes les publicités du monde ne suffiront pas à cacher la réalité. Celle d’une entreprise qui a engrangé en 2010 des bénéfices records de plus de dix milliards d’euros, la société espagnole ayant réalisé les bénéfices annuels les plus importants de l’histoire, et qui, un an plus tard, a annoncé qu’elle devait licencier 20 % de son personnel dans les trois années suivantes en raison de la crise. L’histoire de Telefónica illustre à la perfection la vaste escroquerie qu’est la crise, et l’arnaque que nous subissons.
 
Marcos, Laurentino, Josep, Carles, Alberto et Garea, ainsi que toute l’équipe de soutien à la grève de la faim chez Telefónica, nous donnent ces jours-ci une leçon de dignité. Une dignité que l’on ne peut pas acheter, car elle n’a pas de prix. La dignité de ceux qui savent que ce n’est qu’en luttant que nous pourrons conquérir un avenir meilleur.

Voir les photos de la grève de la faim ici sur Groundpress et ici sur FotoMovimiento