BP et le « sale petit secret » du Pentagone

Nick Turse

, par Tomdispatch.com

 

Ce texte, publié originellement en anglais par TomDispatch le 17 juin 2010, a été traduit par Diane Sibireff, du traductrice bénévole pour rinoceros.

 

Cela ne pourrait pas être pire, n’est-ce pas ? Dans le Golfe du Mexique, BP annonce maintenant être en train d’extraire 15 000 barils de pétrole par jour du puits endommagé à 5000 pieds [1500 mètres] sous l’eau. Cela représente 3 fois la quantité totale de pétrole s’échappant du puits annoncée il y a à peine quelques semaines. Une commission d’experts du gouvernement suggère maintenant que le chiffre réel pourrait être supérieur à 60 000 barils soit 2,5 millions de gallons [9,5 millions de litres] par jour, l’équivalent d’une marée noire comme celle de l’Exxon Valdez tous les quatre jours – et certains experts indépendants pensent que le chiffre serait en réalité plus proche de 100 000 barils par jour.

Pendant ce temps, nous avons appris par le Los Angeles Times que – allez comprendre – la « responsabilité principale de la sécurité et des inspections » de la plate-forme pétrolière qui a explosé dans le Golfe « revenait non pas au gouvernement américain mais à la République des îles Marshall », et que ces îles pauvres avaient sous-traité cette responsabilité à des entreprises privées. Allez BP ! Nous avons aussi appris que les puits de secours qui devaient endiguer le flot de pétrole d’ici au début du mois d’août pourrait prendre beaucoup plus longtemps, échouer ou même empirer les choses de manière significative ; que BP a cherché à réaliser toutes les économies de bouts de chandelles au moment de forer le puit ; ah oui, et qu’à l’évidence même les cieux sont furieux contre le géant du pétrole, étant donné que mardi la foudre a laissé son unique navire de forage et de récupération dans le Golfe hors d’usage pendant plusieurs heures, laissant tout le pétrole se déverser librement dans l’eau. Aussi mauvaise que soit la mauvaise nouvelle, chaque matin la situation semble pire, tout comme les « dommages co-latéraux », que ce soit sur les pélicans ou sur les plages et les marécages du Golfe.

Pendant ce temps, en Afghanistan, l’équivalent en guerre de la catastrophe touchant le Golfe à cause de BP, la situation se détériore également à un rythme saisissant, les nouvelles de là-bas devenant chaque jour de plus en plus sombres. L’offensive américaine modèle dans la ville méridionale de Marja, considérée comme un succès au début du mois de mai, a sérieusement marqué le pas, et a été baptisée par le Général Stanley McChrystal, commandant suprême en Afghanistan, « un ulcère sanglant » ; le « gouvernement clé en main » dont il annonçait que les États-Unis l’instaureraient facilement après que les troupes américaines et afghanes aient résolument écarté les Talibans, fait encore défaut, et les Talibans demeurent présents partout ; le président afghan Hamid Karzai déclare maintenant ouvertement qu’il pense que les Américains ne peuvent pas gagner dans son pays, et il s’organise en conséquence. La très controversée offensive américaine dans la deuxième plus grande ville d’Afghanistan, Kandahar, a une fois de plus été retardée ; la corruption s’accentue ; le taux de mortalité des soldats américains et de l’OTAN augmente chaque mois tandis que le soutien pour la guerre aux États-Unis chute ; les « dommages co-latéraux » ne cessent d’augmenter ; et cette semaine, dans un article du New York Times, on nous a appris que les choses allaient si mal qu’un repli important est considéré peu probable. Allez comprendre (encore une fois) !

Ah oui, et les cieux ne sont évidemment pas satisfaits de nos opérations en Afghanistan non plus, puisque le Général David Petraeus s’est évanoui pendant ce qu’un commentateur qualifia d’interrogatoire « serré » sur le calendrier de retrait des troupes américaines dans une salle d’audience du Sénat mardi.

Pour compliquer encore la situation, comme le souligne Nick Turse, pilier de TomDispatch et auteur de The Complex : How the Military Invades our Everyday Lives (« Le complexe : Comment le militaire envahit notre vie quotidienne »), les deux catastrophes à distance des États-Unis ne sont pas seulement hors de contrôle et apparemment impossibles à maîtriser, mais sont également plus intimement liées que ce qu’on pourrait imaginer. La catastrophe américaine en Afghanistan est, pour une part importante, liée au pétrole produit par BP, et les paiements versés par le gouvernement pour ce pétrole contribuent à aider BP à endurer son supplice actuel dans le Golfe.

En outre, de peur que le peuple américain n’apprenne le pire, BP, travaillant bien sûr main dans la main avec le gouvernement, s’est donné beaucoup de mal pour éviter les photos inutilement horribles, les articles potentiellement négatifs, et les informations indésirables en provenance du Golfe, en adoptant les méthodes de contrôle de l’information initiées par le Pentagone en Irak et Afghanistan. Celles-ci comprennent l’« incorporation » de journalistes dans des équipes gouvernementales travaillant sur des plages publiques, sur la mer et dans les airs. C’est même maintenant devenu la règle dans le Golfe pour les fonctionnaires de désigner les journalistes couvrant le sujet sous le nom de « médias incorporés ». Ainsi nos différentes catastrophes se confondent-elles entre les mains du gouvernement et des entreprises multinationales.

Botter les fesses ou acheter du pétrole ? Comment les contribuables subventionnent la catastrophe de BP à travers le Pentagone

Les habitants de Louisiane, Mississipi, Alabama et Floride sont furieux contre BP suite à l’écoulement massif et sans fin du pétrole dans le Golfe du Mexique – et Barack Obama pense qu’ils ont raison de l’être. Mais il y a un aspect de l’histoire de BP dont la plupart des résidents furieux de ces États ne sont pas conscients. Et le Président n’a pas dit un mot sur la question.

Alors même que les boulettes de pétrole arrivent sur les côtes du Golfe, les dollars qu’ils paient pour leurs impôts subventionnent BP. Jusqu’à présent, le Président Obama n’a pas montré le moindre signe qu’il comptait arrêter le flot de ces dollars dans les caisses de BP, malgré l’appel récent de Public Citizen, une organisation de défense des citoyens et des consommateurs, pour que le gouvernement mette fin à toutes ses relations d’affaires avec cette entreprise. En fait, le Ministère de la Défense, qui a avec BP une relation d’affaire de longue date se chiffrant en milliards de dollars, a déclaré à TomDispatch qu’il n’a pas l’intention de rompre ses liens commerciaux actuels ni d’exclure de futurs contrats avec le géant du pétrole.

Discours musclé

Ces dernières semaines, dans un contexte de pélicans baignés de pétrole à la une des médias, le Président Obama a parlé sans ménagement. « Nous avons ordonné à BP de payer les demandes d’indemnisation économique, et nous allons nous assurer qu’elle le fera. », annonçait-il le 1er juin. Quelques jours plus tard, il réprimandait le géant du pétrole qui envisageait de payer des dividendes importants à ses actionnaires et qui avait dépensé des dizaines de millions de dollars dans une campagne de publicité visant à restaurer l’image ternie de la société.

« Ce que je comprends, c’est que BP a signé un contrat de 50 millions de dollars d’annonces publicitaires pour gérer son image dans le contexte de cette catastrophe. », a dit le Président. « Maintenant, je n’ai aucun problème avec BP pour ce qui est de remplir ses obligations légales. Ce que je ne veux pas entendre, c’est qu’ils sont en train de dépenser tout cet argent pour leurs actionnaires et en annonces publicitaires, [mais] qu’ils rechignent à donner le moindre sou aux pêcheurs et aux petits entrepreneurs du Golfe, qui connaissent une situation difficile. »

Toujours dans le cadre de sa tentative continue de réfuter les nombreux critiques qui prétendent que sa réaction face à la catastrophe dans le Golfe du Mexique a été bien trop mesurée et que son administration a mal géré la catastrophe, Obama a dit à l’animateur du « Today Show » sur la NBC, Matt Lauer : « Je ne siège pas avec tous ces experts pour une conférence universitaire. Nous parlons à ces hommes parce qu’ils détiennent les meilleures réponses potentielles, pour que je sache quelles fesses botter. »

Alors que le Président était verbalement sur le pied de guerre, l’armée américaine — presque sans attirer l’attention – a maintenu ses importantes relations affaires avec BP, malgré le désastreux bilan environnemental de cette société.

Délinquants récidivistes

En tant qu’institution, le Pentagone tourne au pétrole. Ses avions de chasse, bombardiers, chars, humvees brûlent 75% du fuel utilisé par le Ministère de la Défense. Par exemple, les bombardiers B-52 consomment 47 000 gallons (180 000 litres) par mission, et lorsqu’un avion de chasse F-16 recourt à son dispositif de post-combustion, il brûle l’équivalent de 300 dollars de carburant par minute. En fait, selon un article tiré d’Energy Source d’avril 2010, le bulletin officiel du département responsable de l’achat de carburant au Pentagone, le Ministère de la Défense achète trois milliards de gallons (11 milliards de litres) de carburant pour avion par an.

Grâce aux guerres en Irak et en Afghanistan, le Ministère de la Défense a consommé d’importantes quantités de combustible. Selon les chiffres de 2008, par exemple, les bases militaires en Irak et Afghanistan employèrent la quantité stupéfiante de 90 millions de gallons (340 millions de litres) par mois. Vu le boom de la construction de bases qui a précédé la « surge » [montée en puissance] ordonnée par Obama en Afghanistan, les chiffres de 2010 devraient être considérablement supérieurs.

En 2009, selon le Defense Energy Support Center (DESC) du Pentagone, l’Armée a dépensé 3,8 milliards de dollars pour 31,1 millions de barils — environ 1,3 milliard de gallons (5 milliards de litres) — de pétrole pour les postes, camps et bases à l’étranger. De plus, la division du DESC, en charge des achats en gros de fuel qui achète du combustible pour avion et du carburant diesel naval, entre autres produits dérivés du pétrole, a distribué 2,2 milliards de dollars en contrats pour soutenir les opérations en Irak et en Afghanistan l’année dernière. D’après certaines informations, 974 millions de dollars supplémentaires furent distribués par la division en charge de l’achat de carburant diesel, d’essence et d’huile de chauffage pour les opérations terrestres, seulement pour la guerre en Afghanistan en 2009.

Les guerres extérieures du Pentagone l’ont rendu très lourdement dépendant de l’approvisionnement en carburant et en énergie, et donc des firmes pétrolières. Une analyse publiée par Foreign Policy in Focus a montré qu’en 2005, 145 de ces entreprises avaient passé des contrats avec le Pentagone. Cette année-là, le Ministère de la Défense a payé plus de 1,5 milliard de dollars rien qu’à BP, et un total de 8 milliards de dollars (en provenance des contribuables) à des entreprises énergétiques, sur ce qui est une liste non exhaustive de sociétés.

En 2009, selon le DESC, l’Armée a concédé 22,5 milliards de dollars en contrats d’énergie. Sur ce total, plus de 16 milliards de dollars furent consacrés à l’achat de combustible en gros. Une dizaine de fournisseurs majeurs de pétrole ont bénéficié de la part du lion, plus de 11,5 milliards de dollars. Parmi eux figurent des noms importants comme Shell, Exxon Mobil et Valero. Le plus gros bénéficiaire était cependant BP, qui reçut plus 2,2 milliards de dollars — presque 12% de la totalité des contrats liés au pétrole concédés par le Pentagone pour l’année.

Tandis qu’un Département extrêmement puissant du gouvernement fédéral versait ainsi, sans y penser deux fois, des sommes importantes d’argent à BP (et à d’autres géants du pétrole), BP était en conflit systématique avec les régulateurs du gouvernement américain de l’Administration de la Santé et de la Sécurité au Travail (Occupational Safety and Health Administration, OSHA). Selon le Centre for Public Integrity, « BP compte pour 97 % de toutes les violations flagrantes constatées dans l’industrie de raffinement du pétrole par les inspecteurs gouvernementaux de sécurité au cours des trois dernières années ». Selon les dossiers obtenus par le Centre montrent qu’entre juin 2007 et février 2010, BP a reçu un total de 862 citations, principalement pour de violations présumées de la « norme de gestion de la sécurité des procédés » de l’OSHA, un règlement général qui couvre presque tout depuis le stockage de liquides inflammables jusqu’aux systèmes de fermeture d’urgence. » De ces citations, 760 furent considérées comme « clairement délibérées », ce que l’OSHA définit comme une violation plus grave encore que celles commises par « simple indifférence » ou « témoignant d’une négligence intentionnelle envers la santé et la sécurité des salariés ». En conséquence, BP encourt 90 millions de dollars en pénalités, que la société conteste actuellement.

Durant ces mêmes années, BP a reçu environ 5,7 milliards de dollars en contrats fédéraux, selon les données officielles du gouvernement. En réalité, les 2,2 milliards de dollars que le Pentagone a payés au géant du pétrole en 2009 représentent approximativement 16% des presque 14 milliards de dollars de bénéfice annuel de la firme pétrolière.

Cette année fiscale, l’Armée américaine a déjà concédé à BP plus de 837 millions de dollars, le dernier accord avec BP ayant été signé en mars.

La Révolution Verte du Pentagone

Ces dernières années, le Pentagone, grand consommateur de pétrole, a initié d’importants efforts d’investissement dans le développement de technologies « vertes » - ou au moins a essayé de donner l’impression qu’il investissait dans ce domaine - avec, au mieux, des résultats mitigés. Comme l’a fait remarquer l’expert des technologies militairs Noah Shachtman, l’Armée se concentre maintenant sur l’élevage d’algues pour le biocarburant et sur la prochaine génération de panneaux solaires. Le principal centre d’entraînement de l’Armée, à Fort Irwin, Californie, accueille l’un des plus grands projets solaires du monde. Des milliards de dollars du ‘fonds de relance’ d’Obama furent dépensés pour les équipements écologiques de l’Armée. »

Mais, dans l’ensemble, durant les années Bush les efforts pour développer des véhicules écologiques ont stagné, échoué, ou ont à peine été mis en route. Sous l’administration Obama, des objectifs plus ambitieux ont été fixés, mais il manque toujours des résultats tangibles. L’année dernière, les contrats de l’Armée pour des combustibles renouvelables dérivés d’algues, selon la DESC, s’élevèrent à moins de 22 000 gallons.

Une des principales raisons à cela, écrit Shachtman, est que « les systèmes actuels de distribution d’énergie et de carburant aux zones en guerre sont sûrs, même s’ils sont inefficients et non viables ». « Les chefs militaires, ajoute-t-il, ne veulent pas compromettre les opérations en Afghanistan ou en Irak pour quelque chose perçu comme expérimental ou risqué. » Par conséquent, peu importent les panneaux solaires qu’il a installés, ou le carburant renouvelable pour avion qu’il a acheté, le Pentagone demeure dépendant de l’achat d’importants volumes de produits dérivés du pétrole à BP et à d’autres grandes entreprises énergétiques, et lorsqu’il s’agit de faire la guerre, aucune réduction appréciable de la dépendance au pétrole ne paraît possible à terme.

Néanmoins, le Département de la Défense a consacré d’importantes ressources pour promouvoir ses efforts écologiques. Le commandant en chef a même donné un coup de main. Le 31 mars, le Président Obama debout devant à un avion de chasse Hornet F-18 « écologique », conçu pour fonctionner en partie avec des biocarburants, a annoncé à la nation qu’il se proposait d’ouvrir de larges zones nouvelles au large du littoral atlantique, à l’Est du Golfe du Mexique et au Nord de la côte de l’Alaska au forage pétrolier ou gazier. Moins d’un mois plus tard, la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon explosait dans le Golfe du Mexique.

Dans les semaines qui suivirent, malgré le discours musclé d’Obama, sa colère et sa frustration signalées au public, et ses efforts pour identifier les bonnes « fesses à botter », aussi bien que l’initiative très accrocheuse d’énergie verte du Pentagone, l’Armée continue, comme le souligne Shachtman, à brûler « 22 gallons (83 litres) de diesel par soldat et par jour en Afghanistan, à un coût annuel de plus de 100 000 dollars par personne.

En d’autres termes, conséquence directe des guerres menées sur des terres éloignées, l’argent des contribuables, y compris de ceux de Floride, Alabama, Mississipi et de Louisiane, continuera à affluer dans les caisses de BP, alors même que la faune et la flore continuent à s’éteindre, que les plages continuent d’être souillées, et que les emplois continuent à se perdre dans le Golfe du Mexique.

Discours musclé et absence d’action

Dans un message email daté du 5 juin à ses partisans, payé par Organizing for America, un projet du Comité National Démocratique, le Président Obama a de nouveau admis la gravité de la catastrophe de BP et légitimé la colère que cette catastrophe avait déclenchée. « Cette marée noire, déclara-t-il, n’a pas seulement nui à l’emploi. Elle a mis sens dessus dessous des communautés entières. Et la colère que ressentent ces personnes n’est pas seulement liée à l’argent qu’elles ont perdu. C’est surtout la terrible constatation que cette fois leur vie pourrait ne jamais être comme avant. »

Il a continué ainsi : « Nous avons ordonné à BP de payer les demandes d’indemnisation économique pour dommages et cette semaine, le gouvernement fédéral a envoyé à BP une facture préliminaire de 69 millions de dollars pour rembourser les contribuables américains pour certains des premiers coûts de la réponse à la catastrophe occasionnés à ce jour. »

Deux jours plus tard, Tyson Slocum, le directeur du programme énergie de l’organisation de protection des consommateurs Public Citizen, envoya une lettre à Obama et au Secrétaire de la Défense Robert Gates leur demandant d’aller plus loin. Il leur préconisa de suspendre temporairement, et au bout du compte d’exclure, BP et ses filiales des contrats du Département de la Défense, d’annuler les six contrats actuels avec la société, et d’interdire à BP et ses filiales d’obtenir des contrats fédéraux pour les trois années à venir. Il écrit :

« Étant donnée la transgression volontaire des lois américaines dont s’est rendue coupable la société, on ne peut supposer plus longtemps que BP assumera ses responsabilités comme entrepreneur. Son mépris prouvé pour la loi est une bonne raison de douter que la société respectera ses obligations issues de ses contrats avec le Département de la Défense. En outre, la violation répétée par la société des lois relatives à l’environnement suggère une probabilité extrêmement élevée que BP violera ces lois en remplissant ses obligations contractuelles. Le passif cumulé de BP en termes d’infractions et de violations – y compris, mais pas seulement, la marée noire actuelle dans le Golfe du Mexique – démontre un manque d’honnêteté en affaires qui affecte sérieusement et directement sa capacité à remplir ses obligations contractuelles. »

Slocum a informé TomDispatch cette semaine que Public Citizen attend encore une réponse ou un signe que le Président ou le Secrétaire de la Défense ont lu la lettre.

« Je ne suis au courant, à l’heure actuelle, d’aucun projet pour réduire ou résilier des contrats du Département de la Défense. », a dit le porte-parole du Ministère de la Défense Cheryl Irwin à TomDispatch. Irwin a également déclaré qu’elle n’avait connaissance d’aucun projet pour empêcher la concession de futurs contrats à BP.

Le Président a gardé le silence sur ce sujet. Les demandes répétées de commentaires de TomDispatch au Conseil sur la qualité environnementale de la Maison Blanche sont restées sans réponse. Cependant, dans une déclaration à TomDispatch cette semaine, l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) a dit qu’ « elle surveillait de près les enquêtes sur les circonstances qui ont mené à l’explosion et à la marée noire dans les infrastructures du Deepwater Horizon. L’EPA pèsera ses différentes options dans le cadre de sa juridiction et mènera les actions appropriées. » Aucun délai, cependant, n’a été fixé pour aucun type de décision. « Il est vraiment prématuré de spéculer sur les actions de l’Agence. », a dit un employé de l’Agence, qui a demandé à ne pas être nommé, à TomDispatch. « Nous sommes en attente d’une enquête fédérale plus large. »

Hier, la Maison-Blanche et BP ont convenu que le géant du pétrole constituerait un compte de caution de 20 milliards de dollars pour couvrir les plaintes résultant de la marée noire dans le Golfe. « Cela devrait apporter un peu d’assurance aux petits entrepreneurs que BP remplira ses obligations . », a dit Obama suite à l’annonce.

Le message est clair. BP sera tenu responsable - mais seulement jusqu’à un certain point, et dans des termes pas suffisamment forts, et de loin, dit Slocum de Public Citizen. Le compte de caution est « une évidence », a-t-il dit à TomDispatch. « Mais il est juste lié aux obligations d’indemnisation que la société doit assumer pour un désordre qu’elle a créé. » a-t-il dit, comparant la situation à une infraction individuelle. « Si je commets un délit qui cause des dommages, je ne dois pas seulement payer l’indemnisation. Je paye une amende punitive ou je suis incarcéré. La question est : quel est l’équivalent de l’incarcération pour les entreprises ? »

Slocum voit dans le plaidoyer coupable de BP Products North America en 2007 pour une violation criminelle du Clean Air Act – suite à une explosion en 2005 d’une raffinerie de BP au Texas dans laquelle 15 travailleurs avaient trouvé la mort — la preuve qu’une sanction sérieuse est nécessaire. L’amende résultant de la catastrophe du Texas fut juste « une fausse note dans leur bilan comptable », dit-il.

« Vous devez envoyer un message clair aux actionnaires que commettre des crimes n’est pas toléré aux États-Unis. Et le moyen de le faire est d’édicter des sanctions permanentes. » Exclure l’entreprise des contrats avec le gouvernement, dit Slocum, serait un bon début.

Avec la colère débordante dans le Golfe, il n’y a pas apparemment de coupable plus flagrant ou personne méritant plus qu’on lui « botte les fesses » que BP. « Je ne connais pas d’autre société pétrolière en Amérique actuellement en sursis criminel. », dit Slocum. « Je ne connais pas d’autre société pétrolière en Amérique actuellement qui ait plaidé coupable pour aucun crime. Je ne connais pas d’autre société pétrolière en Amérique qui ait commis de nombreux actes de négligence ayant pour conséquence la plus grande catastrophe environnementale d’origine industrielle dans toute l’histoire de l’Amérique. BP est une aberration, et doit donc être traité comme tel. »

Quelqu’un devrait le dire au président. Ou lui redire.

 

Nick Turse est éditeur associé de TomDispatch. Journaliste primé, son travail est apparu dans le Los Angeles Times, The Nation, In These Times, et de manière régulière dans TomDispatch. Il est l’auteur de The Complex : How the Military Invades Our Everyday Lives (Metropolitan Books). Son site Web est NickTurse.com.

Copyright 2010 Nick Turse, reproduit avec autorisation