Vers la sortie de route ? Les transports face aux défis de l’énergie et du climat

Introduction

, par Global Chance

L’association Global Chance a pour vocation de faire émerger dans le domaine de l’énergie les solutions techniques et institutionnelles ouvrant la voie à une civilisation différente, plus respectueuse de l’homme et de son environnement. À ce titre, elle se devait d’aborder la question épineuse des transports : un enjeu économique, social et environnemental majeur, mais vis-à-vis duquel les solutions vraiment satisfaisantes peinent à émerger et plus encore à se constituer en politiques cohérentes.

Au Nord comme au Sud, à l’échelle locale, nationale et internationale, les tendances lourdes du secteur des transports sont à l’origine de préoccupations grandissantes. Qu’il s’agisse des déplacements individuels ou des transports de marchandises, la croissance effrénée des flux, des quantités, des distances, des vitesses,… se traduit en effet par l’augmentation continue des consommations de carburants et des émissions de gaz à effet de serre et polluants divers. Dans un contexte global caractérisé par des tensions de plus en plus fortes sur les ressources énergétiques fossiles (en premier lieu le pétrole) et une conscience désormais très largement partagée des menaces environnementales (en particulier le risque climatique), les transports font donc figure de défi numéro un pour réussir l’indispensable transition vers une société sobre sur le plan énergétique et soutenable sur le plan environnemental.

Toujours plus loin, toujours plus vite : étroitement liée à la logique d’ensemble du système énergétique et économique actuel, l’hypermobilité croissante des personnes et des biens est au cœur du « modèle de développement » occidental. Un modèle aux origines historiquement déterminées, mais qui n’en tend pas moins à dominer progressivement la planète entière dans le cadre de ce que l’on appelle la « globalisation », et ce alors même qu’il n’est pas, du point de vue énergétique et écologique, généralisable en l’état à l’ensemble de l’humanité… Reste qu’on voit mal de quel droit ceux qui ont été les premiers à en tirer profit iraient à présent en refuser l’accès à tous ceux qui, après en avoir été exclus, aspirent à entrer enfin dans la ronde. Sur ce point, le secteur des transports n’échappe pas à la règle qui préside au processus de négociation sur le climat depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992 et qui a inspiré le principe central des « responsabilités communes mais différenciées »…

Dans l’impossibilité morale de s’opposer ouvertement à ce légitime désir de « rattrapage », dans l’incapacité politique de remettre en question un modèle de développement intensif en transports, que reste-t-il comme option aux dirigeants des pays riches et à leurs homologues au sein des autres pays ? La réponse, si l’on en juge par les propositions les plus discutées actuellement, est des plus simple : entretenir l’espoir que les contradictions croissantes du “modèle” dominant pourront être surmontées par un « policy-mix » modéré : amélioration du rendement des moteurs et des véhicules, diversification énergétique progressive via un recours accru à des carburants de substitution, mesures de rééquilibrage modal pour amortir l’augmentation des trafics, etc., mais aussi - et surtout - pari collectif sur l’émergence très rapide de technologies de rupture qui permettraient de concilier définitivement la croissance des mobilités et les contraintes sur les ressources énergétiques et environnementales.

Mais en matière de transports comme pour les autres champs des politiques énergie-climat, il n’est de réponse efficace en dehors d’une action résolue sur la demande : même associées à des mesures de rééquilibrage modal, les politiques à dominantes technologiques (efficacité, carburants alternatifs, véhicules ‘propres’, etc…) ne sauraient être à la hauteur des enjeux, car elles ne ciblent pas les déterminants structurels de la hausse continue de la mobilité des marchandises et des personnes. C’est donc dans cette direction qu’il convient d’orienter en priorité l’action individuelle et collective, en s’interrogeant sur les dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles d’un mouvement de fond susceptible d’accentuer de façon décisive les tensions énergétiques et environnementales actuelles. Il s’agit en particulier de repenser l’aménagement des territoires et l’organisation socio-économique des activités, de revisiter les fonctionnements institutionnels et les processus de décision, mais aussi et surtout de questionner nos modes et modèles de vie ainsi que l’imaginaire véhiculé par les systèmes de transport : en bref, changer de paradigme pour sortir de l’impasse.

Pierre Cornut

Global Chance