Venezuela : des sites internet bloqués, des médias censurés, les tensions liées à la lutte pour le pouvoir s’intensifient

, par Global Voices

Alors que l’incertitude plane encore sur la situation politique au Venezuela, des groupes de défense des droits humains locaux et internationaux dénoncent des blocages intermittents sur différentes plateformes de médias sociaux (y compris Twitter et Instagram) ainsi que des cas de censure de la presse.

D’après eux, les blocages ont commencé le 21 janvier 2019 et se sont intensifiés à partir du 23 janvier, quand Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale du Venezuela, a invoqué des articles de la Constitution de 1999 pour destituer Nicolás Maduro, en poste depuis 2013. Les manifestations contre Maduro ont augmenté dramatiquement dans la capitale, Caracas, mais aussi dans d’autres parties du pays.

Les Vénézuéliens retiennent leur souffle, car une part importante de la communauté latino-américaine et plusieurs acteurs internationaux incontournables, dont les États-Unis, ont exprimé leur soutien à Guaidó comme président provisoire du Venezuela. Les pays qui ne partagent pas cette position sont le Mexique, l’Uruguay, la Bolivie et Cuba. Au niveau international, la Chine et la Russie ont exprimé leur soutien à Maduro.

Cette longue et douloureuse lutte pour le pouvoir au Vénézuéla, qui a entraîné de sérieuses difficultés économiques pour la majeure partie de la population, semble maintenant à la merci des négociations internes et des pressions internationales.

Des stratégies de blocage plus sophistiquées

En attendant, la surveillance exercée sur l’information et les moyens de communication, par des mesures qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, devient chaque jour plus agressive. Guaidó déclare avoir dû renoncer à plusieurs émissions à la télévision et à la radio après que la Commission nationale des télécommunications (Conetel) eut interdit aux médias de prononcer son nom.

L’organisation locale Internet Sin Filtro (internet sans filtres) rassemble des signalements et effectue des tests tout en partageant des informations pour contourner les blocages. Elle fait état d’obstructions répétées sur différents espaces de médias sociaux (comme Instagram et Twitter) depuis le 21 janvier dans plusieurs régions du pays.

Photo John Barkiple sur Unsplash cc by

Carlos Guerra, de Derechos Digitales (Droits numériques), a publié une étude qui analyse comment ces stratégies techniques contrôlent l’information et les moyens de communication à travers internet par des dispositifs toujours plus complexes. D’après Guerra, les stratégies de blocage sont non seulement plus complexes et sophistiquées, mais surtout plus difficiles à surmonter.

Grave préoccupation concernant le projet de loi sur la cybersécurité

Il est important de souligner que les blocages ne proviennent pas seulement de la crise politique mais qu’ils découlent aussi du contexte de grave préoccupation concernant un projet de loi sur la cybersécurité qui, selon un rapport d’Access Now, “mettrait en danger les droits numériques des Vénézuéliens – et de l’ensemble de l’internet dans le pays”.

D’autres organisations pour la défense des droits numériques, comme Derechos Digitales Amérique latine, ont dénoncé les possibles effets de la loi et se sont unis à une liste d’experts et de chercheurs pour se déclarer contre « Ce nouvel instrument législatif, qui étend et accroît les pouvoirs de l’Exécutif sur la surveillance d’internet, se convertirait en un nouvel outil de contrôle qui viendrait s’ajouter à plus d’une décennie de politiques publiques de restriction du flux d’information et de la liberté d’expression sur le web ».

Agressions de médias indépendants

Des rapports de moyens de communication en ligne indépendants ont signalé que certaines stations de radio dans tout le pays et la chaîne d’informations chilienne “Noticias 24 horas” ont été retirées de l’antenne et ont été sommées de ne plus donner d’informations sur les manifestations ou de ne plus se référer à Juan Guaidó comme président provisoire.

Le Syndicat national des travailleurs de la presse signale aussi qu’à Maracaibo, au nord-ouest du pays, la Direction générale du contre-espionnage militaire (DGCIM) a investi le siège de la chaîne de télévision régionale GlobalTV.
La SNTP signale aussi les différents ordres et avertissements émis par la Commission nationale de télécommunications (Conatel) : « Alerte SNTP Nicolas Maduro menace de retirer leurs autorisations à certaines radios. Ce 24 janvier, l’émission de César Miguel Rondón, Circuito Exitos, a été censurée, le privant de la possibilité de commenter les événements du 23 janvier, qui ont fait les manchettes dans le monde entier ».

Au même moment, on demandait à la station de radio communautaire Fe y Alegría (Foi et joie) de “revoir” sa programmation et d’en exclure certaines émissions, comme celle que dirige l’organisation des droits humains Provea. Rafael Uzcátegui, directeur de Provea, a diffusé la nouvelle sur Twitter : « Conatel ordonne à la radio Fe y Alegría de revoir toute sa programmation et d’exclure les émissions d’opinion indépendantes, ce sont des droits, de Provea ».

Alors que les manifestations continuaient et que Guaidó prononçait ses discours, la plupart des organes de presse poursuivaient leur programmation habituelle, comme le rapporte Efecto Cocuyo : « Les manifestations atteignaient leur paroxysme et sur Globovisión, à 11h30, ont parlait d’œuvres théâtrales. Au même moment, les chaînes de télévision Televen et Venevisión, sur Youtube, n’ont rien montré de ce qui se passait au Venezuela ce 23 janvier ».

Ces blocages et ces contrôles de l’information se produisent dans un écosystème médiatique déjà limité, qui oblige les Vénézuéliens à dépendre d’internet et des médias indépendants pour avoir accès aux informations cruciales. Pendant que la communauté internationale choisit son camp et que les tensions empirent, des contrôles plus nombreux devraient s’exercer sur les médias traditionnels et en ligne.

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