Mauritanie : un long chemin vers les libertés, l’égalité et la sécurité

Une précarité persistante malgré des richesses naturelles

, par Bioforce

Avec environ 4 millions d’habitant·es et une densité de 3,9 personnes au kilomètre carré en 2018, la Mauritanie est le quatrième pays le moins densément peuplé d’Afrique. Essentiellement désertique, le pays dispose de grandes étendues pastorales et de seulement 0,5 % de terres arables. La pluviométrie changeante est le principal problème rencontré par les agriculteur·rices. La Mauritanie a traversé une crise alimentaire en 2018 en raison de la sécheresse, alors que les populations vulnérables étaient encore en train de se remettre difficilement de précédentes crises.

Selon la Banque mondiale, la proportion des pauvres a notablement baissé, passant de 44,5 % de la population à 33 % entre 2008 et 2014. Malgré les énormes ressources (poisson, fer, pétrole, or, etc.) dont dispose le pays, plus de 16,6 % de la population vit en dessous du seuil d’extrême pauvreté. Les ressources forestières et pastorales du sud de la Mauritanie constituent les moyens de subsistance de base de la population rurale mais les changements climatiques, l’incohérence des politiques et la mauvaise gouvernance peuvent expliquer la persistance de cette extrême pauvreté.

Le pays a connu un « boom minier » entre 2008 et 2014. L’essentiel des revenus de l’État provient des exportations minières mais son économie reste très tributaire des cours des matières premières. La Société nationale industrielle et minière (SNIM) est l’un des premiers employeurs du pays et exploite trois mines à ciel ouvert (Kedietej Jill, Guelb El Rhein et M’Haouadat depuis 1994) dans la région de Fdêrik et de Zouerat, non loin de la frontière septentrionale.

L’extrême pauvreté se concentre surtout dans la capitale Nouakchott. Ville créée durant la colonisation française, elle a vu affluer une population nomade nombreuse, en raison de la sécheresse qui a accablé l’arrière-pays dans les années 1970. Elle concentre aujourd’hui près d’un tiers des Mauritanien·nes avec un million d’habitant·es. Seulement 55 % des enfants de 6 à 11 ans y sont scolarisé·es et un tiers des ménages vit dans des logements précaires.

L’électricité reste un privilège pour la majorité des Mauritanien·nes, avec un taux d’accès global atteignant 30 % et de fortes inégalités entre les zones urbaines (55 %) et rurales (5 %), mais seuls 38 % des foyers de Nouakchott disposent de l’électricité. Seulement 58 % de la population mauritanienne a accès à l’eau potable (48 % en milieu rural) et 14 % de la population rurale possède un réseau d’assainissement correct [1].

La découverte de pétrole au large des côtes mauritaniennes à Chinguetti (80 km au large de Nouakchott, par 800 m de fond) et son début d’exploitation en 2006 constituent l’un des plus importants espoirs du pays pour son développement économique et social. De nouveaux gisements sont découverts régulièrement, ayant permis de produire 1,73 millions de barils de pétrole en 2016.

Outre le pétrole, la Mauritanie a découvert en 2015, à la frontière maritime avec le Sénégal, son premier champ de gaz naturel appelé Grande Tortue Ahmeyim (GTA).
Le littoral mauritanien, qui couvre 724 km de côtes, est aussi une des zones économiques les plus importantes du pays. Le secteur de la pêche s’est développé depuis le début des années 1970, cette partie de la côte atlantique étant très poissonneuse, grâce au passage du courant froid des Canaries qui favorise la prolifération des algues et du plancton. Le risque de surpêche se fait cependant de plus en plus ressentir car la zone est non seulement exploitée par des pêcheur·ses mauritanien·nes (population imraguen) et par des Sénégalais·es mais également par des sociétés étrangères (japonaises, russes, sud-coréennes ou européennes), ainsi que par des sociétés mixtes créées avec des pays d’Afrique du Nord mais également par de plus en plus de bateaux non autorisés.

L’essor d’un nouvel eldorado

Depuis 2013, la soif de l’or se propage en Mauritanie et le secteur minier mauritanien connaît un développement spectaculaire. En 2021, le pays, ayant du mal à attirer des opérateurs miniers internationaux, compte sur environ 50 000 orpailleurs pour assurer une production artisanale annuelle d’environ 6 tonnes d’or. Sortie du désert en 2012 pour accueillir la ruée des chercheur·euses d’or, Chami, ville située au nord de la capitale Nouakchott, est devenue la capitale de l’or. Entre 2016 et 2020, la ville est passée de 5000 à 48 000 individus et accueille non seulement des Mauritanien·nes mais également des travailleur·euses émigré·es en provenance du Mali et du Soudan. Ce brassage de population entraîne des tensions inter-ethniques entre les nomades qui se sont sédentarisé·es, les Mauritanien·es venu·es d’autres régions et les orpailleur·euses perçu·es comme étranger·ères.

Bien que l’extraction d’or, secteurs formel et informel confondus, est une source de revenu non négligeable pour l’État mauritanien, environ 70 % de l’or sorti des mines est vendu hors des circuits gouvernementaux pour alimenter divers trafics, d’armes, de drogue, le terrorisme et la criminalité endémique au Sahel. En 2020, la Banque centrale de Mauritanie a pu récupérer la grande majorité des dividendes de la vente d’or l’épidémie, les orpailleur·euses ne pouvant vendre aux étranger·ères, le COVID-19 ayant entraîné la fermeture des frontières, empêchant ainsi le passage transfrontalier de l’or par contrebande.

Le manque de réglementation couplé à une mauvaise manipulation du mercure et du cyanure nécessaire à l’orpaillage est néfaste à l’écosystème mauritanien accentuant la pollution des sols, des cours d’eau et des nappes phréatiques, voire du parc naturel maritime du banc d’Arguin qui se situe à quelques kilomètres de Chami. La santé des orpailleur·euses est également mise en danger car ils·elles peuvent être exposé·es à une intoxication au mercure, entraînant des troubles neurologiques, rénaux et auto-immuns.