Le Nigéria : un pays créatif, inégalitaire et déchiré

Une littérature créative, engagée qui rayonne mondialement

, par CRIDEV, LA CASE

La richesse de la littérature orale nigériane puise dans les répertoires des traditions yoruba, ibo et haussa, basées sur la poésie, les proverbes...

La naissance du roman moderne nigérian est concomitante de la lutte pour l’indépendance. Les premiers romans, que ce soit celui de Chinua Achebe « Le monde s’effondre » (1958) ou celui d’Amos Tutuola « L’ivrogne dans la brousse » (1952), évoquent les effets du colonialisme sur les sociétés africaines.

Après l’indépendance, les romans nigérians portent sur un certain désenchantement et sur la critique des régimes militaires. Dans « Les termitières de la savane » (1987), Wole Soyinka, futur prix Nobel de littérature, dénonce clairement les militaires alors que Ben Okri, dans « La route de la faim » (1991), utilise un style appelé « le réalisme magique » pour souligner la violence de la situation politique.

La guerre civile du Biafra (1967-1970), véritable traumatisme, est sans cesse revisitée par les romancier·ères, qu’il s’agisse de Chinua Achebe avec « There was a country » (2012) ou de la jeune et talentueuse romancière Ngozi Adichie qui explore cette guerre à travers le miroir familial dans le magnifique « L’autre moitié du soleil » (2006).

Et dans « Bêtes sans patrie » (2005), Iweala fait parler un enfant soldat pour dire la brutalité de la guerre.
Les romancier·ères sont souvent engagé·es dans les luttes sociales et politiques. Chinua Achebe dénonce le comportement de la classe politique dans « The trouble with Nigeria » (1984) et Wole Soyinka, premier auteur noir lauréat du prix Nobel de littérature et emprisonné au Nigéria pour avoir soutenu le mouvement d’indépendance du Biafra, a même été condamné à mort et contraint à l’exil.

L’écrivain Ken Saro-Wiwa, auteur de « Sozaboy » (1985) et de « Si je suis en vie » (1995), s’est, à plusieurs reprises, érigé en porte-parole de son peuple – les Ogonis – en dénonçant l’exploitation pétrolière. Il a été pendu par les militaires en 1995. Un romancier de la jeune génération, Helon Habila, a mis en scène l’industrie pétrolière au Nigéria associée à la corruption, la violence et la pollution dans une nouvelle très corrosive, « Oil on water » (2010).

Une nouvelle génération, très prometteuse, s’interroge sur l’identité et la difficulté du vivre-ensemble dans le Nigéria contemporain. Ces écrivain·es, dont très peu vivent aujourd’hui au Nigéria, portent un regard distancié sur leur pays. Cette génération est notamment incarnée par Chimamanda Ngozi Adichie. Le succès commercial de son roman « Americanah » (2013) et de saconférence TED (Technology, Entertainment and Design) « Nous devrions toutes être féministes » (2013), regardée 8,5 millions de fois sur Youtube, l’ont propulsée comme une figure incontournable du féminisme mettant en avant une perspective du Sud global.

Au-delà de sa littérature, le Nigéria rayonne culturellement dans d’autres secteurs. Dans le domaine musical, l’influence du nouveau afrobeats nigérian est incarné par des chanteurs tels que Davido, Wizkid, Burna Boy, Rema, Tems, Yemi Alade ou encore Arya Starr, pour en citer quelques-un·es. Ces artistes, dont les chansons plus ou moins engagées, comptabilisent pour certains des milliards d’écoutes sur les plateformes , ont permis à l’afrobeats de s’exporter dans le monde. Dans le domaine cinématographique déjà très prolifique avec Nollywood, l’arrivée de plateformes de visionnage comme Netflix a permis d’élargir l’accès aux films nigérians à un public au-delà du continent africain. Enfin, le domaine de la mode n’est pas en reste avec l’émergence de talents nigérians dont les marques sont introduites dans la sphère de la haute couture (NKWO, Fruché, Orange Culture…).

Ressources bibliographiques sur la littérature nigériane

Cette sélection sur les auteur·rices nigérian·es n’est évidemment pas exhaustive. Elle n’est qu’un échantillon représentatif de la très riche littérature nigériane.

Achebe Chinua
• « Le monde s’effondre », Actes Sud, 2013 [1958]
• « Le démagogue », Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, 1984 [1966]
• « Les termitières de la savane », Belfond, 1990
• « Éducation d’un enfant protégé par la Couronne », Actes Sud, 2013

Adichie Chimamanda Ngozi
• « L’autre moitié du soleil », Gallimard, 2008
• « L’hisbiscus pourpre », Anne Carrière, 2004
• « Autour de ton cou », Gallimard, 2012
• « Americanah », Gallimard, 2015

Atta Seffi
• « Le meilleur reste à venir », Actes Sud, 2009
• « Nouvelles du pays », Actes Sud, 2012

Cole Teju
• « Open city », Denoël, 2012

Habila Helon
• « En attendant un ange », Actes Sud, 2004
• « La mesure du temps », Actes Sud, 2008

Iweala Uzodinma
• « Bêtes sans patrie », L’Olivier, 2008

Nwapa Flora
• « Efuru », L’Harmattan, 1988

Okri Ben
• « La route de la faim », Julliard, 1991

Oyeyemi Helen
• « Le blanc va aux sorcières », Galaade, 2011
• « Le petit icare », Plon, 2005

Saro-Wiwa Ken
• « Si je suis encore en vie », Stock, 1995
• « Soza boys », Actes Sud, 1985

Saro-Wiwwa Noo
• « Transwonderland : voyage au Nigéria », Hoebecke, 2013

Shoneyin Lola
• « Baba Segi, ses épouses, leurs secrets », Actes Sud, 2016

Soyinka Wole
• « Ibadan : les années pagailles », Actes Sud, 1997
• « Ake : les années d’enfance », Belfond, 1984
• « Il te faut partir à l’aube », Actes Sud, 2007
• « Une saison d’anomie », Belfond, 1987

Tutuola Amos
• « L’ivrogne dans la brousse », Gallimard, 2000 [1953]