Le Kosovo, un Etat sans Etat

Une indépendance contestée et incomplète, et une souveraineté limitée : un « État sans État »

, par Forum Réfugiés-Cosi

Une souveraineté limitée et une vie politique chaotique

La souveraineté du Kosovo est de fait incomplète, eu égard aux divers organes européens et internationaux qui sont présents sur son sol pour réguler les domaines régaliens : police et armée assurées par la force internationale de l’OTAN et des Nations unies (KFOR et MINUK), justice et police assurées par l’organe européen EULEX. Les autorités du Kosovo savent ainsi qu’elles n’ont pas les mains libres : les financements et les aides logistiques leur sont indispensables.

Des élections législatives ont été organisées en juin 2014. La LDK (Ligue démocratique du Kosovo), dans l’opposition depuis l’indépendance, s’était, pour l’occasion, alliée à des formations moins importantes, ce qui lui a permis de remporter une majorité de sièges par rapport au PDK (Parti démocratique du Kosovo), au pouvoir depuis l’indépendance. Mais un détail de la Constitution a plongé le pays dans une crise politique longue de 6 mois. Le Premier ministre devant être issu du parti vainqueur, et non d’une coalition de partis, de longues négociations ont été entamées afin de trouver un compromis, le PDK et son leader Hashim Taçi revendiquant la victoire. Cet épisode a plongé une nouvelle fois la population dans la désillusion : malgré un vote contre Hashim Taçi et son parti, la crise politique lui a permis de rester au premier plan. Il obtient en effet le poste de vice-Premier ministre, au côté d’Isa Mustafa (LDK), Premier ministre. Le gouvernement est ainsi dirigé par une « coalition des ennemis », maintenant, de fait, des élites susceptibles de faire l’objet de poursuites au Tribunal spécial sur les crimes de guerre, dont la création est demandée par l’Union européenne et les États-Unis [1].

Une société gangrenée par la corruption et la criminalité organisée

Ancien leader de l’UCK [2] , maintenant leader du PDK, Hashim Taçi fait l’objet de multiples accusations de corruption et de liens avec la criminalité organisée. Son nom apparaît notamment dans l’affaire de trafics d’organes de militants serbes suite au conflit de 1999. Il est ainsi la figure de la corruption qui gangrène le pays.

Les médias, la police, le système de santé, la justice, les forces de sécurité [3] : l’ensemble de la société est concerné par le phénomène. Dans une résolution de mars 2015, le Parlement européen se dit « préoccupé par l’absence de tout progrès notable dans la lutte contre la grande corruption et la criminalité organisée, ce qui représente un obstacle important au développement démocratique, social et économique du Kosovo » [4].

Cette criminalité organisée est intimement liée à l’histoire récente du pays. Dans les années 1990, les politiques répressives yougoslaves à l’égard des Albanais du Kosovo font fuir près de 350 000 personnes. Cette population en exil va faire face à de nombreuses difficultés d’adaptation et va, pour certains, fournir les rangs de la criminalité organisée albanophone, qui se développe depuis les années 1980 [5]. En 1997, l’UCK se dévoile au grand jour au Kosovo, en multipliant les attaques et attentats dans le but d’obtenir l’indépendance. Le financement de cette organisation pose question depuis plusieurs années : l’UCK aurait largement profité de l’argent des réseaux criminels albanais et ces réseaux auraient pu faciliter le trafic d’armes. D’ailleurs, 1997 est l’année de la grave crise économique et sécuritaire en Albanie, pendant laquelle des émeutes ont mené aux pillages des dépôts d’armes qui ont permis aux groupes criminels de s’enrichir en en faisant commerce au Kosovo où l’embargo régnait.

L’Union européenne fait pâle figure face à ce dossier. Elle continue à soutenir les gouvernements successifs, y compris Hashim Taci, mais ne cesse de rappeler à l’ordre l’État kosovar au sujet de l’inefficacité de la lutte contre la corruption et le crime organisé, elle-même ayant échoué largement : la mission Eulex, chargée de ce dossier, est aujourd’hui prise sous le feu de nombreuses accusations de corruption.