L’embrasement du pays, mi-avril 2018, est le résultat de frustrations et d’insatisfactions économiques, sociales et politiques accumulées au cours des douze dernières années.
L’annonce d’un projet de réforme du système de sécurité sociale et de retraites, décrété par le gouvernement d’Ortega et demandé par le FMI, déclenche un large mouvement de révolte. Il rencontre la colère des Nicaraguayen·nes face à l’incapacité – ou l’absence de volonté – des autorités à arrêter les feux de forêts qui, depuis les premières semaines du mois d’avril, ravagent la réserve naturelle IndioMaiz, au sud-est du pays. Une colère qui fait écho aux récentes protestations contre les velléités présidentielles de museler les réseaux sociaux.
Le gouvernement répond à cette insurrection populaire pacifique par une répression meurtrière, brutale et disproportionnée. Mi-avril, quarante étudiant·es sont abattu·es par les forces gouvernementales, ce qui met le feu aux poudres. Les étudiant·es sont rejoint·es par de nombreuses organisations de la société civile. En quelques semaines, des milliers de Nicaraguayen·nes descendent dans les rues, dressent des barricades, paralysent le pays, demandant l’arrêt de la répression, la démission du président considéré comme corrompu et l’avancement des élections prévues en 2021.
Ce mouvement est composite : des étudiant·es rejoint·es par des retraité·es, des jeunes des quartiers populaires, des paysan·nes, des journalistes, des mouvements de défense de l’environnement et des mouvements féministes, la hiérarchie de l’Église catholique, des sandinistes historiques, des entrepreneur·ses désirant un rapprochement avec les états-Unis ou encore celles et ceux qui dénoncent la corruption qui gangrène depuis longtemps le pays.
Au prix de violentes répressions, d’emprisonnement sans jugement préalable et d’atteintes aux droits fondamentaux dénoncés par les Nations unies et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), Ortega parvient, après plusieurs mois, à mettre au pas la contestation [1].
Plusieurs dizaines de milliers de Nicaraguayen·nes fuient le pays, se réfugiant principalement au Costa Rica voisin.
Dans les mois qui suivent, le gouvernement alterne fausses promesses et répression, emprisonnement puis libération d’opposant·es, intimidations et menaces. Daniel Ortega dénonce à l’Assemblée générale des Nations unies, en octobre 2018, l’ingérence des Etats-Unis et le terrorisme financé par les puissances impérialistes qui s’acharnent à déstabiliser « une nation modèle, chrétienne, socialiste et solidaire ».