La Bolivie : de la misère à l’espoir ?

Une évolution politique en accélération

, par CDTM 34

A partir de 2000, de nombreux mouvements ont agité la population. D’abord la "guerre de l’eau" dans la région de Cochabamba, où la population s’est élevée contre la privatisation de la distribution de l’eau confiée à une multinationale états-unienne. S’y sont ajoutées les protestations des paysans contre la non-application de la réforme agraire, malgré la loi de 1996 qui prévoyait la légalisation des titres de propriété sur plus de 100 millions d’hectares de terres rurales et la légalisation des terres traditionnelles indiennes… L’ensemble de la population s’insurgeait de voir accorder des centaines de milliers d’hectares de concessions aux transnationales pétrolières et forestières et favoriser la concentration des terres et les grandes exploitations de l’agrobusiness tournées vers l’exportation (une centaine de familles possèderaient 25 millions d’hectares, selon le PNUD).

Par ailleurs, la politique d’éradication des cultures de coca, menée par les Etats-Unis et les gouvernements boliviens des années 1990, a suscité de nombreux affrontements violents. Bien qu’une part non négligeable de la production de coca soit effectivement destinée au narcotrafic (production de cocaïne), la criminalisation de la feuille de coca (inoffensive) par la législation internationale et les politiques de répression servant de couverture à une militarisation de la région par les Etats-Unis ne sont pas acceptées par une population autochtone pauvre pour qui la culture et l’usage de la coca sont ancrés dans les pratiques locales ancestrales. Elle est ainsi utilisée comme plante médicinale, pour toutes sortes de maux, en particulier dans le traitement du diabète, et fait partie de la plupart des cérémonies andines.

C’est sur fond de mécontentement social qu’Evo Morales, ancien syndicaliste paysan, défenseur des cultivateurs de coca, puis organisateur du Mouvement vers le Socialisme (MAS), a bâti sa conquête du pouvoir. Il a élaboré un programme social et anti-libéral porté par les associations et syndicats du mouvement social : nationalisation des secteurs-clés de l’économie (hydrocarbures, transports, télécommunications), arrêt du paiement de la dette extérieure, défense de la coca, plante emblématique de la culture indienne, fin de l’intervention états-unienne et convocation d’une Assemblée constituante pour redéfinir la nature de l’Etat et l’adapter à la réalité pluriethnique de la nation.

Le gaz, une des richesses du pays, joue un rôle-clé dans ce programme. D’importantes réserves ont été découvertes dans les années 1990 ; les gouvernements de l’époque ont libéralisé à outrance et privatisé l’entreprise publique, ce qui a soulevé des débats, qu’il faut resituer dans une continuité de luttes sociales boliviennes, en particulier en ce qui concerne les exportations par le Chili. Des secteurs de plus en plus importants de la population étaient très conscients qu’une fois encore, le pays allait être livré au pillage et que l’exploitation et l’exportation du gaz ne lui apporterait aucun bénéfice. Il faut noter aussi que des projets d’infrastructures (gazoduc) ont été mis en oeuvre avec le Brésil, avec de graves conséquences sociales et environnementales. En 2003, ces projets ont entraîné une mobilisation sociale sans précédent, la "guerre du gaz", qui a poussé le président Sanchez de Losada à démissionner en octobre 2003 ; il a été remplacé par le vice-président Carlos Mesa qui, face à une situation sociale explosive, a démissionné, lui aussi, le 6 juin 2005. Eduardo Rodriguez a assuré l’intérim.