À partir de 2000, de nombreux mouvements ont agité la Bolivie. D’abord la "guerre de l’eau" dans la région de Cochabamba, où la population s’est élevée contre la privatisation de la distribution de l’eau confiée à une multinationale états-unienne. S’y sont ajoutées les protestations des paysan·nes pour l’application de la réforme agraire et contre la concession de centaines de milliers d’hectares aux transnationales pétrolières et forestières, favorisant la concentration des terres et les grandes exploitations de l’agrobusiness tournées vers l’exportation (une centaine de familles posséderait 25 millions d’hectares, selon le PNUD).
Au cours des dernières décennies, le gouvernement du MAS (Mouvement vers le socialisme) a condamné les latifundios et des réglementations ont été conçues pour empêcher les acquisitions foncières à grande échelle. La constitution de 2009 interdit les latifundios en tant que terres improductives et donc contraires à l’exigence selon laquelle les terres doivent servir une fonction sociale. En outre, la constitution fixe une superficie maximale autorisée de 5000 hectares (article 398).
Pourtant, l’agrobusiness international a trouvé le moyen de contourner ces normes et de mener ses activités au nom du développement régional. Dans l’Oriente, en particulier à Santa Cruz, des entreprises dites "trans-latines" (ETL) ont accaparé des terres pour la culture de soja et l’élevage du bétail.
Par ailleurs, la politique d’éradication des cultures de coca, menée par les États-Unis et les gouvernements boliviens des années 1990, a suscité de nombreux affrontements violents. Bien qu’une part non négligeable de la production de coca soit effectivement destinée au narcotrafic (production de cocaïne), la criminalisation de la feuille de coca par la législation internationale et les politiques de répression servant de couverture à une militarisation de la région par les États-Unis ne sont pas bien acceptées par une population andine pour qui la culture et l’usage de la coca sont ancrés dans les pratiques locales ancestrales. Elle est ainsi utilisée comme plante médicinale, pour toutes sortes de maux, en particulier dans le traitement du diabète et fait partie de la plupart des cérémonies andines.
C’est sur fond de ce mécontentement social lié aux politiques néolibérales imposées depuis les années 1980 qu’Evo Morales, syndicaliste paysan, défenseur des cultivateurs de coca, puis organisateur du Mouvement vers le Socialisme (MAS), a bâti sa conquête du pouvoir. Avec les associations et syndicats du mouvement social qui l’ont porté et maintenu au pouvoir, il a soutenu un programme social et anti-libéral : nationalisation des secteurs-clés de l’économie (hydrocarbures, transports, télécommunications), arrêt du paiement de la dette extérieure, défense de la feuille de coca, fin de l’intervention états-unienne et convocation d’une Assemblée constituante pour redéfinir la nature de l’État et l’adapter à la réalité pluriethnique de la nation.
Le gaz, une des richesses du pays, joue un rôle-clé dans ce programme. D’importantes réserves ont été découvertes dans les années 1990 ; les gouvernements de l’époque ont libéralisé à outrance et privatisé l’entreprise publique, ce qui a soulevé des débats, qu’il faut resituer dans une continuité de luttes sociales boliviennes, en particulier en ce qui concerne les exportations par le Chili [1]. Des secteurs de plus en plus importants de la population étaient très conscients qu’une fois encore le pays allait être livré au pillage et que l’exploitation et l’exportation du gaz ne lui apporteraient aucun bénéfice. Il faut noter aussi que des projets d’infrastructures (gazoduc) ont été mis en œuvre avec le Brésil, avec de graves conséquences sociales et environnementales. En 2003, ces projets ont entraîné une mobilisation sociale sans précédent, la "guerre du gaz", qui a poussé le président Sanchez de Losada à démissionner en octobre 2003 ; il a été remplacé par le vice-président Carlos Mesa qui, face à une situation sociale explosive, a démissionné, lui aussi, le 6 juin 2005. Eduardo Rodriguez a assuré l’intérim.
Sous la présidence d’Evo Morales (2006-2019), la Bolivie a nationalisé ses réserves de gaz naturel qui étaient jusque-là entre les mains de sociétés espagnoles, britanniques, brésiliennes et argentines. En 2023, la Bolivie est arrivée à épuisement de ses réserves de gaz naturel, sa principale source de revenus, en raison d’un manque d’investissement dans l’exploration de nouvelles réserves.