Tunisie : que reste-t-il de la révolution aujourd’hui ?

Une économie en panne et des inégalités persistantes

, par CDTM 34

L’absence d’amélioration de la situation économique

La décennie qui a suivi la chute du régime de Ben Ali n’a pas été florissante en matière économique. Les investisseurs, craignant l’instabilité sociale du climat post-révolutionnaire, n’ont pas soutenu la Tunisie. Le clientélisme autour du clan Ben Ali a changé de forme pour se reconstituer autour de celles et ceux qui ont repris le contrôle des activités, préservant la rente financière aux dépends d’initiatives d’investissement.
De plus, la vague d’attentat de 2015, puis la crise sanitaire du Covid ont freiné l’activité touristique pourvoyeuse de ressources et d’emplois. Les lois pour la décentralisation, considérée comme levier de développement des régions de l’intérieur, ont tardé à être élaborées.

Une situation sociale insatisfaisante qui dure

La crise du Covid a révélé la vétusté des établissements sanitaires ; elle a frappé l’économie de l’industrie textile quand les entreprises produisant pour l’exportation ont mis fin à leurs activités.
Avant la guerre russo-ukrainienne début 2022, les conditions de vie, qui ont prévalu à l’émergence du soulèvement populaire et à la révolution en 2011, étaient toujours d’actualité. Les données de l’Institut national des statistiques à l’échelle nationale, concernant l’accès à l’eau, aux infrastructures, à l’emploi, les moyens de subsistances, la situation des jeunes et des femmes, montrent une situation alarmante. Quant aux indices sociaux-économiques et environnementaux à l’échelle locale, ils sont en deçà de conditions de vie dignes, dans les zones rurales, les régions de l’intérieur et les quartiers périphériques des villes, le chômage frappant toujours davantage les jeunes et les femmes.

Quelle économie pour les Tunisien·nes ? Des visions divergentes

L’inflation, la baisse du taux de change du dinar, la notation des sociétés d’analyse financière pèsent sur les conditions de vie de la population. La Tunisie dépend aujourd’hui des fonds internationaux, notamment du FMI.
Si les partisans du libéralisme considèrent les mesures d’austérité et la libéralisation de l’économie souhaitée par le FMI comme nécessaires à une économie propice au développement de la Tunisie, d’autres, syndicalistes ou chercheur·ses, notamment pour le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) ou la fondation Heinrich Böll, parlent d’une autre voix : ils et elles dénoncent l’inefficacité et l’iniquité de ces mesures. Ils et elles plaident pour une économie adossée aux besoins sociaux et environnementaux, pour de nouveaux indicateurs de développement, une nouvelle fiscalité et un déploiement de l’économie sociale et solidaire, troisième pilier de l’économie tunisienne, après le secteur public et le secteur privé.

Moutons, Tunisie
Image d’Ahmed DRIDI par Pixabay

La sécurité alimentaire, un enjeu primordial

En 2020, le Groupe de travail pour la souveraineté alimentaire (GTSA), en Tunisie, alertait déjà sur la condition de l’agriculture tunisienne, tournée vers des monocultures d’exportations qui ne permettent pas de sécuriser l’alimentation des populations, portent atteinte à l’environnement et donc à l’ensemble du vivant.
En 2022, avec la guerre russo-ukrainienne, les prix des carburants et du blé s’envolent et les pénuries de produits alimentaires de base affectent l’accès à une alimentation saine et suffisante pour tou·tes.
En mars l’Institut arabe des chefs d’entreprise appelle le gouvernement à mettre en place une cellule de crise pour établir une diversification des sources d’approvisionnement en céréales.
La question de la mise en œuvre de politiques agricoles et de modèles économiques pouvant assurer la souveraineté et la sécurité alimentaire du pays est donc posée.