L’accaparement des terres, une nouvelle forme de colonisation ?

Un processus qui peut devenir catastrophique

, par CIIP

La destruction de la paysannerie

L’éviction des communautés paysannes des terres où elles vivaient les transforme en réfugiés démunis de leurs moyens de produire tant leur propre nourriture que les surplus vendus à leurs partenaires commerciaux. Les paysans sont ainsi dépossédés non seulement de leurs terres, mais aussi des ressources en eau et de tout le patrimoine vivant associé, souvent d’une très riche biodiversité. Ils deviennent ainsi des candidats à l’exode rural et à la survie dans les bidonvilles surpeuplés.

De plus, le développement des modes industriels de mise en valeur pour l’exportation par l’agrobusiness ne fournit qu’un petit nombre d’emplois salariés à quelques paysans, généralement très mal payés et sans protection sociale.
Ce prolétariat est généralement surexploité, ses droits sont bafoués et il est souvent victime de véritables violations des droits humains, notamment les femmes. Les problèmes sociaux et de santé publique qui en résultent sont sources de tensions et de conflits graves qui peuvent s’accompagner de violences et de meurtres de la part des forces de l’ordre ou de milices privées. La population se trouve dépossédée de ses moyens de subsistance et donc de son droit au développement.

Les migrations paysannes sous la forme de l’exode rural et de l’expansion démesurée des villes où se concentrent les investissements modernes se prolongent avec les flux migratoires transnationaux.
Finalement, ce processus pourrait aboutir à la quasi disparition des paysans d’où l’aggravation de la malnutrition et toute une série de problèmes sociaux et politiques. C’est déjà une réalité dans certains pays capitalistes où l’alimentation provenant des industries agro-alimentaires est très dégradée en qualité, parfois même porteuse de problèmes de santé.
En outre, la destruction de la paysannerie s’accompagnerait de la perte d’une richesse culturelle incomparable, un des socles des cultures populaires.

La destruction des écosystèmes

Les atteintes portées à l’environnement par ces accaparements conduisent à détruire les écosystèmes existants sur les territoires concernés pour les remplacer par des modes de mise en valeur de type industriel très agressifs pour les milieux naturels : déforestation et disparition de la biodiversité par l’extension des monocultures d’exportation sont des effets immédiats qui résultent de ces appropriations massives.

Certaines évolutions nous alertent sur ce danger : la pollution envahissante des rivières et des eaux souterraines, la perte de la fertilité biologique des sols et l’empoisonnement croissant de la biosphère par les pesticides et des milliers de produits chimiques, le nombre croissant d’espèces en voie de disparition, etc.
A terme, c’est la vie même de l’être humain qui est menacé.

Vers une crise globale du système ?

Les monocultures d’exportation créent une dépendance des pays par rapport au commerce mondial tandis que le recours croissant aux importations alimentaires pèse sur les prix des marchés intérieurs et accélère l’appauvrissement des paysans privés de débouchés. C’est la souveraineté alimentaire des pays concernés qui est menacée, et avec elle leurs possibilités de développement et même leur indépendance.

Les conséquences de cet accaparement des terres cultivables pourraient converger avec celles des autres déséquilibres économiques et sociaux générés par le capitalisme mondialisé. Les crises financières, l’aggravation des disparités de revenus, l’extension du chômage dans les économies développées et de la pauvreté dans nombre de pays du Sud, l’immense gaspillage des ressources consacrées aux arsenaux militaires et aux activités improductives soulèvent de légitimes inquiétudes et des tensions politiques déstabilisantes.

Qu’en serait-il si l’on chasse plus d’un milliard de paysans de leurs terres ?