Agrocarburants, les choix aventureux de l’agrobusiness

Un ensemble de « dégâts collatéraux »

, par CITIM

Dans un grand nombre de pays du Sud, l’extension de la production d’agrocarburants engendre divers dommages sur le plan écologique et sur le plan social ; il s’agit d’externalités qui ne sont pas prises en compte. Ainsi, la déforestation, qui correspond à la conversion des forêts primaires en plantations, perturbe les écosystèmes et en particulier le cycle de l’eau, entraînant aussi l’érosion des sols. Quelques exemples parmi de nombreux cas très documentés : le recours à la monoculture en Indonésie et en Malaisie induit une utilisation massive de phytosanitaires et de fertilisants, minéraux pour la plupart, qui contribuent à l’acidification des sols, rendant ceux-ci pour longtemps impropres à toute utilisation ultérieure ; les eaux de surface et souterraines sont par ailleurs polluées. Aux Etats-Unis, la monoculture de maïs génère plus d’érosion que toute autre culture ; la réduction de la nappe phréatique est signalée au Brésil et en Indonésie, comme conséquence de la monoculture de la palme à huile ou de la canne à sucre ; la déforestation sauvage du bassin du Congo amène une réduction de la pluviométrie qui a des conséquences dans des régions du globe très éloignées. Une autre atteinte à l’environnement est la culture sur brûlis pour produire de la palme à huile, avec pour conséquences une émission immédiate de CO2 et de suie, aggravant la pollution de l’air, la disparition de la faune et la perte générale de biodiversité, ainsi qu’une réduction de la fertilité pouvant aller jusqu’à la désertification. En Malaisie, la déforestation est due à 85 % à la culture du palmier à huile. En Indonésie, après les zones sèches, les plantations se sont déplacées vers les tourbières, qui, en séchant, libèrent encore plus de carbone dans l’atmosphère que les arbres.

Les effets sociaux de la production des agrocarburants sont également très graves. Dans les pays du Nord, où ils ont permis l’utilisation de terres en jachère, ils ont été plutôt bien accueillis. Mais certains constatent qu’ils créent une dépendance de plus en plus forte vis-à-vis des grandes entreprises qui contrôlent les prix et les mécanismes du marché. C’est cependant dans les pays du Sud que les effets sont les plus dramatiques car si la production doit se développer, c’est là qu’elle se fera, l’Union européenne notamment manquant de surfaces disponibles. Se pose alors l’épineux problème de la sécurité alimentaire, les espaces alloués aux agrocarburants risquant d’empiéter sur ceux consacrés aux cultures vivrières.

Cette situation est à l’origine d’expulsions et/ou d’expropriations de nombreux paysans, et notamment des populations autochtones ; leurs terres sont accaparées par de grandes entreprises, y compris françaises, comme les groupes Bolloré au Cameroun et Louis Dreyfus au Brésil.
Toute résistance se solde par la répression et parfois par mort d’hommes, oeuvre notamment de paramilitaires. La conséquence est l’exode massif vers les grands centres urbains, où les paysans vont grossir le nombre des chômeurs et des familles vivant dans une grande précarité. Ceux qui restent sur leur territoire doivent parfois aller travailler dans les plantations, dans des conditions dénoncées comme étant proches de l’esclavage, les femmes souffrant encore davantage de la discrimination.
Au Salvador, les hommes coupent à la main entre 5 et 12 tonnes de canne par jour, et au Brésil encore davantage.
En Malaisie, les femmes constituent 50 % de la main d’œuvre chargée de l’épandage des engrais et pesticides. Le travail est très dangereux et le contrôle médical à peu près inexistant.
Les syndicats sont le plus souvent interdits, aussi bien en Asie qu’en Amérique latine.
En Colombie, nombre de dirigeants syndicaux de ce secteur ont été assassinés ; en septembre 2008, 200 000 travailleurs de la canne à sucre se sont mis en grève dans la Valle del Cauca, afin d’obtenir des conditions de travail plus humaines et pour protester contre l’extension de la monoculture de la canne à sucre empiétant sur les zones de production de riz et la forêt tropicale.