Une croissance génératrice d’inégalités
La reprise et stabilisation de l’activité économique n’ont pas profité à tous et n’ont pas été génératrices d’emplois.
Le taux de chômage officiel a continué d’augmenter. De plus, le PIB par habitant révèle une forte polarisation Nord/Sud : il s’élève à 13 000 dollars dans les Etats frontaliers du Nord, contre 3 500 dollars dans les Etats du Sud. Quant à la capitale, Mexico, elle se détache nettement avec un PIB de 22 000 dollars par habitant (elle concentre à elle seule 50% de l’activité économique du pays).
L’ALENA, à qui profite l’ouverture des marchés ?
En 1992, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont signé un traité de libre échange, l’ALENA, pour faciliter les échanges commerciaux. Depuis son entrée en vigueur en 1994, le Mexique a connu une dynamique économique importante marquée notamment par une nette augmentation des exportations mexicaines vers les Etats-Unis. L’ouverture des marchés et des frontières a permis le développement de maquiladoras, à la frontière Mexique-Etats-Unis. Ce sont des usines d’assemblage de produits manufacturés, importés des Etats-Unis puis réexportés.
Cependant, cette libéralisation n’a pas été génératrice de suffisamment d’emplois et a renforcé la dépendance du Mexique vis-à-vis des Etats-Unis (environ 87 % des exportations sont à destination de ce pays). De plus, les entreprises des Etats-Unis se tournent vers des sous-traitants tels que la Chine qui emploient une main d’œuvre « meilleur marché » (cinq fois moins chère qu’au Mexique), et abandonnent les ateliers mexicains.
Le pouvoir des Etats a également été évincé au profit d’une logique économique et commerciale faisant le jeu des grandes entreprises. On peut regretter que les volets initiaux du traité sur les politiques de soutien au développement économique et la réglementation environnementale aient été mis de côté.
Vers la fin de la sécurité et de la souveraineté alimentaire
Face à l’arrivée massive de produits agricoles américains à très bas prix, une partie du secteur agricole mexicain, fragile et mal protégé (les subventions étant quasi inexistantes) n’a pas pu résister. L’écart entre l’agriculture commerciale destinée à l’exportation et l’agriculture traditionnelle de subsistance s’aggrave. De plus, un volet de l’ALENA instaure en 2008 une levée totale des barrières douanières sur des produits essentiels pour le Mexique (tels que le maïs et les haricots), rendant la situation encore plus préoccupante.
C’est un bouleversement qui a fortement marginalisé une majorité de petits paysans qui pratiquent une agriculture traditionnelle.
Le coût de la vie est renchéri par la perte du contrôle de l’Etat sur la régulation des prix - au profit de la régulation « naturelle » du marché. Les Mexicains ont ainsi dû faire face à l’augmentation importante des prix de produits de première nécessité comme le lait ou la tortilla (galette de maïs, équivalent du pain).
Il s’agit là d’une crise profonde qui entraîne un exode rural massif ou la soumission aux mafias pour la culture de marijuana ou du pavot.
3,2 millions de petits paysans ont ainsi cessé leur activité et la pauvreté et la malnutrition ont progressé dans tout le pays.
Face à cet appauvrissement, les Mexicains et Mexicaines sont de plus en plus nombreux chaque année à tenter leur chance en dehors de leur village. Les petits paysans migrent soit vers les Etats-Unis (migrations souvent temporaires), soit vers la capitale en venant gonfler le secteur informel.
Des chiffres impressionnants caractérisent ces bouleversements de l’économie : le secteur informel représente par exemple 40% de la population active et l’argent des transferts effectués par les émigrés aux Etats-Unis (« migradollars » ou « remesas ») constitue le deuxième rang des ressources du pays.
L’impact de la crise économique mondiale
La récession économique qui sévit aux Etats-Unis depuis la fin 2007 a affecté le Mexique : les « remesas » ont diminué depuis six ans et s’effondrent en 2013. 28 millions de personnes ont du mal à s’alimenter, dont 11,7 millions d’enfants.
Amnesty International qualifie d’ « inacceptable » cette pauvreté des enfants et adolescents surtout dans les communautés autochtones où un enfant sur sept n’a pas accès à la nourriture et aux soins de base.
A chaque président sa guerre. Alors que Calderon avait lancé une guerre contre les cartels de la drogue, le nouveau président Peña Nieto lance une « Croisade contre la faim » (février 2013) qui s’apparente à une politique de distribution (aliments et produits de base) dans des zones sélectionnées parmi les plus pauvres.