Burkina Faso : une jeune démocratie à l’épreuve du terrorisme islamiste

Stratégies de coopération et politique de décentralisation

, par MDH

Depuis le début des années 2000, une politique de décentralisation s’est mise en place avec la création de communes incluant chacune de nombreux villages et 13 régions. Cette décentralisation s’est faite avec peu de moyens et les collectivités locales nouvellement créées ont été clairement invitées à trouver des financements à l’extérieur du pays, en cherchant des partenariats de coopération avec des collectivités étrangères ayant les moyens de financer des projets.

L’aide extérieure qui représente 10 % du PIB sur les dernières années constitue un appui non négligeable à l’économie du pays et à l’amélioration des services de base pour la population.

L’implication des ONG étrangères, depuis les trente dernières années, s’est beaucoup accrue. Le Burkina Faso est le pays d’Afrique qui voit le plus grand nombre d’intervenants extérieurs si on le rapporte à la population. Les collectivités territoriales de divers pays sont également nombreuses à intervenir au Burkina Faso. La France, par exemple, indiquait en 2014 sur le site du ministère des Affaires étrangères que près de 200 collectivités se sont engagées dans un partenariat au cours des vingt dernières années.

Cependant la montée du terrorisme qui concerne désormais une grande partie du Burkina Faso constitue un frein au développement des échanges du fait des détériorations des conditions de sécurité surtout en ce qui concerne les déplacements des occidentaux. De fait, une nouvelle sorte de coopération se met en place avec l’arrivée d’ONG d’urgence qui étaient très peu présentes au Burkina. La coopération internationale va évoluer pour aider les déplacés internes (phénomène nouveau) et les personnes victimes des conflits qui induisent ou renforcent des problèmes existants (accès aux soins, perte des terres et donc de travail et de revenus pour des familles entières, etc.), tous ces sujets sont liés aux ONG d’urgence et non de développement. La coopération va se structurer comme elle l’a fait dans d’autres pays instables (Tchad, Nigeria, Mali, Centrafrique).

Parmi les points de vigilance, on peut signaler que la corruption demeure une pratique préoccupante : le rapport 2013 du REN-LAC [1] dénonçait déjà le fait qu’elle se serait considérablement développée avec la décentralisation. Le dernier rapport du REN-LAC publié en 2018 montre que la situation n’a pas beaucoup progressé et que la perception de la corruption des élus locaux par la population demeure forte.

Cette aide extérieure produit aussi des effets pervers sur l’organisation sociale du pays et le déplacement des centres de décision. De nouvelles organisations sont apparues pour capter ou accompagner les structures qui cherchent des financements auprès des bailleurs du Nord, entraînant une accélération de la privatisation des services publics. Dans certains cas de figure, on peut arriver à une situation où les bailleurs du Nord induisent des stratégies de développement en lieu et place des populations et des élus locaux à travers des modalités qui sont déterminées dans les appels à projets.

La crise financière de 2009 puis la montée des partis d’extrême droite en Europe ont contribué à pousser les pouvoirs publics à réduire leur politique de développement impliquant une réduction de l’aide extérieure pour le Burkina Faso sur les dernières années. Ainsi les indicateurs [2] de la Banque mondiale montrent une période de forte croissance de l’aide publique des pays du Nord qui est passée de moins de 200 milliards de dollars par an en l’an 2000 à environ 1000 milliards en 2009 avant de connaître une relative stagnation puis une diminution.

Par ailleurs, les pays du Nord et notamment la France conditionnent de plus en plus ces aides à des objectifs de contrôle des flux migratoires et de lutte contre le terrorisme sans prendre en compte suffisamment les attentes des pays concernés... L’impact de cette stratégie est mal perçu par l’opinion publique qui voit cette posture comme une ultime tentative de faire perdurer une relation sur le mode colonial. Elle pourrait se traduire à l’avenir par une prise de distances des dirigeants africains qui seront tentés d’aller voir ailleurs dans un monde de plus en plus ouvert et multipolaire.