Sommes-nous prêts pour le changement climatique ?

, par NARAIN Sunita

Lors d’un séjour rapide au Pakistan cette semaine, j’ai noté que les récentes inondations avaient laissé une impression profonde chez les hommes politiques du pays. Ils ont évoqué l’étendue des destructions et des souffrances humaines et le défi énorme de la réhabilitation. Point intéressant, ils ont également noté que, selon eux, les inondations avaient un lien avec le changement climatique.

Le monde peut structurer le débat sur le changement climatique de deux façons. Selon la première, il peut débattre sans fin de la vérité scientifique du lien entre le changement climatique induit par l’homme et les inondations au Pakistan. Il est difficile d’établir des tendances sur le long-terme car les données concernant le futur n’existent pas. Les tendances du passé ne peuvent plus servir de baromètre des changements météorologiques qui se produisent aujourd’hui. Ceux qui le souhaitent peuvent donc nier facilement l’impact du changement climatique. C’est pourquoi le changement climatique, avec sa science incertaine et ses conséquences encore plus incertaines, est un jeu fait pour les pollueurs. Il est difficile d’en distinguer les causes et les effets. Il est aisé de rejeter toute responsabilité.

Autre alternative : le monde peut s’accorder sur le fait que même si un seul événement, tel que les inondations au Pakistan qui ont submergé un cinquième du pays, ne peut pas être attribué au changement climatique, il ne fait aucun doute qu’un lien existe entre de tels événements et le changement climatique. La science explique clairement que ce dernier implique des épisodes météorologiques de plus en plus intenses et variables, allant des précipitations aux cyclones et des températures extrêmement basses à extrêmement chaudes.

Les données du département météorologique du Pakistan indiquent que le pays a reçu 200 à 700 % de précipitations supplémentaires par rapport à la moyenne. Ces précipitations ont pris la forme de pluies torrentielles dans un environnement montagneux écologiquement fragile et ont conduit à la destruction des barrages naturels et à des inondations en aval. Les pluies incessantes ont accru l’étendue des inondations et des dévastations.

Au Pakistan, alors que je lisais et écoutais les discussions relatives aux inondations, plusieurs questions tournaient dans ma tête. Je me suis demandée si le pays disposait d’un système de prévisions solides et permettant d’informer sa population des catastrophes à venir. Le pays a-t-il les compétences en matière de gouvernance pour atteindre les populations touchées par les inondations et les aider à faire face aux destructions ? Le pays a-t-il tiré les leçons de l’étendue des inondations pour changer ses stratégies de gestion de l’eau ? Je me suis demandée si le Pakistan, et tout autre pays, pouvait effectivement faire face ou s’adapter à des conditions climatiques en mutation.

Les discussions ont suggéré que le département météorologique du pays disposait de l’information sur l’éventualité de pluies torrentielles et qu’il en a informé les décideurs politiques. Mais le système pouvait-il prévoir l’étendue de la catastrophe ? Souvenons-nous qu’il n’existe aucun code écrit pour de tels événements en ces temps si incertains. L’autre question qui reste ouverte est de savoir si l’information météorologique que le département a produite, avec toutes ses incertitudes, pouvait être communiquée clairement aux populations soumises au risque des pluies, glissements de terrain et inondations. Mais qui peut dire si les habitants quitteraient effectivement leurs maisons et leurs biens si on leur disait d’évacuer ? Ce sont des communautés qui font face quotidiennement à l’adversité. Ils n’ont pas même la mémoire d’une catastrophe de cette ampleur. Ce n’était pas une inondation annuelle ; c’était un déluge.

Dans ces conditions, comment le Pakistan et d’autres pays affectés de la même manière, comme la majeure partie de l’Inde, devraient-ils développer un système solide de prévision météorologique et d’information sur les catastrophes ? Et le peuvent-ils ?

Comment le pays apportera-t-il une aide immédiate à des millions de personnes rendues sans-abris ? Chaque inondation et chaque sécheresse provoque une spirale de pauvreté et de déchéance. Chaque catastrophe détruit des années de développement.

Le Pakistan ne fait pas exception. Les médias du pays regorgent de reportages sur la manière dont le Gouvernement aidera la population. Le pays prévoit de verser 100.000 roupies pakistanaises, en deux fois, à sept millions de foyers pour les aider à reconstruire leurs vies. Il espère le faire grâce à une carte bancaire « intelligente » qui identifiera les personnes affectées et leur apportera les financements. Mais des enquêtes montrent que les bénéficiaires sont d’ores et déjà mal identifiés, que l’argent n’est pas suffisant et qu’il n’atteint pas la population. Cela n’est pas nouveau. Toutes les catastrophes sont des désastres de mauvaise gouvernance et d’incapacité à organiser des systèmes d’aide et de distribution.

La question est la suivante : comment repenser le système d’aide d’urgence dans un monde toujours plus vulnérable ? Peut-il fonctionner en des temps extraordinaires alors qu’il échoue à le faire en temps ordinaires ?

Enfin se pose la question d’une meilleure gestion des inondations. Comme je l’ai écrit dans le contexte de catastrophes similaires en Inde, nous devons réapprendre les stratégies de gestion de la terre et de l’eau. Le Pakistan, tout comme l’Inde, a beaucoup à apprendre : ne pas construire d’habitations dans des zones inondables, canaliser l’eau des rivières plutôt que contrôler les rivières avec des digues qui se brisent invariablement ou ne fonctionnent tout simplement pas. Mais en tirera-t-il les leçons et apprendra-t-il suffisamment vite dans un monde au climat changeant ?

Les réponses à ces questions seront déterminantes pour notre avenir.

Source : Down To Earth, 15 Nov. 2010