Sans issue : répression de la contestation ouvrière lors de la réforme des sociétés d’Etat en Chine

CLB, Droits et Démocratie

, par China Labour bulletin

En mars 2002, Yao Fuxin, un employé de l’usine
de ferro-alliage de Liaoyang, dans la
province de Lianoing au nord-est de la Chine, a rallié
plus de 10 000 collègues et ouvriers de toute la
ville lors de manifestations contre la corruption présumée
de dirigeants d’usine ayant tiré parti de la
privatisation et de la fermeture imposée de plusieurs
sociétés d’État locales. Avec son camarade Xiao
Yunliang, militant des droits des travailleurs, Yao a
été détenu par la police locale et accusé de « manifestation
et rassemblement illégaux ». Tous deux
ont ensuite été jugés coupables du crime nettement
plus grave de « subversion de l’État ». Yao a été
condamné à sept ans de réclusion, et Xiao à quatre
ans. Ce dernier a été libéré en février 2006, mais
Yao, en mauvaise santé, est encore détenu à la
prison no 2 de Lingyuan, qui est éloignée et difficile
d’accès, et où seule sa famille est autorisée à lui rendre
de rares visites.

Yao at Xiao comptent parmi les dizaines de millions
de travailleurs dont la vie a basculé, avec les conséquences
que cela implique pour leur famille, lors
de la thérapie de choc qu’a été la privatisation massive
de sociétés d’État en Chine à la fin des années
1990 et au début des années 2000. Le « programme
de restructuration des entreprises » (qiye
gaizhi) avait été conçu pour se débarrasser des
entreprises peu performantes, soit en les liquidant,
soit en les fusionnant avec les plus productives
grâce à une série de nouveaux mécanismes de propriété.
On espérait officiellement alors que ces
restructurations aboutiraient en l’espace de quelques
années, et que tout le monde, y compris les travailleurs,
bénéficierait sur le long terme de cette efficacité
accrue, de la croissance économique et des
nouvelles possibilités d’emplois et d’affaires. Mais
l’incapacité du gouvernement à mettre en oeuvre
des lignes directrices claires pour ce processus, le
manque de transparence, les évaluations erronées
des actifs des sociétés ainsi que la corruption largement
répandue des dirigeants ont privé d’emploi et
jeté sur le pavé des millions de travailleurs, avec à
peine de quoi subvenir aux besoins de leur famille.
Un grand nombre d’employés licenciés des sociétés
d’État ont cherché à faire valoir leurs droits en
s’adressant au service officiel des Plaintes et pétitions
(xin-fang), au tribunal du travail et au système
judiciaire, mais sans succès pour la plupart.

Finalement, il ne leur restait plus comme solution
que de manifester publiquement pour que les gouvernements
locaux entendent leurs doléances.
Cependant, de nombreux cadres locaux ont perçu
ces manifestations de travailleurs comme une menace
pour la « stabilité politique » ou pour leur propre
situation, et ont veillé à ce que les activités des
meneurs soient interdites ou réprimées arbitrairement.
Yao et Xiao, par exemple, ont été tous deux
jugés et condamnés pour leur participation au Parti
démocrate chinois, un mouvement interdit, accusation
qu’ils ont constamment niée.

* Lire le rapport Sans issue : répression de la contestation ouvrière lors de la réforme des sociétés d’Etat en Chine (Septembre 2008, 32 p., pdf)