Le système alimentaire actuel n’a pas d’avenir. Étant construit dans le cadre des paramètres capitalistes, face aux besoins et difficultés alimentaires croissantes de la population mondiale, celui-ci présente comme unique salut l’alimentation industrielle, basée sur agro-industrielle, les OGM et la fast-food. Cette voie fait passer les bénéfices économiques avant la santé publique, et quel qu’en soit le coût en terme de biodiversité et d’exploitation des autres êtres vivants. Elle n’est qu’une solution illusoire, dans le sens ou en réalité, elle nous rend de plus en plus dépendant-es des grands monopoles alimentaires et pharmaceutiques (auquel on a recourt du fait de la consommation d’aliments industriels).
Souvent, la nourriture qui arrive jusqu’à notre assiette représente l’exact opposé de ce à quoi nous rêvons, d’un monde plus juste pour tout le monde. Au contraire, elle nous rend égoïste, car la seule chose qui intéresse est de satisfaire des besoins qu’on croit nécessaire, sans prendre en compte tout le processus qui a conduit cet aliment jusqu’à nous (exploitation au travail, destruction environnementale, corruption, injustice, etc). Ainsi, notre consommation quotidienne finit par renforcer le système capitaliste.
Face a ce panorama, une alternative est de se tourner vers la diversité culturelle qui existe encore. De nombreuses cultures dans le monde ont établi une relation et un vivre-avec les différents êtres de la nature, et développé des savoirs adaptés à leur territoire qui leur ont permis de vivre et de s’alimenter de manière autonome. C’est ainsi que la cosmovision des peuples autochtones est profondément respectueuse de tous les êtres de la nature : car elle est fondée sur une vision écologique essentielle comme base civilisatoire, à l’opposé du mécanicisme du capitalisme moderne. C’est pour cela qu’il est si important de cesser de considérer les savoirs de nos peuples comme de simples folklores, et de se donner la possibilité de réapprendre, un petit peu, d’eux.
Dans les Andes, on trouve encore des savoirs et des pratiques millénaires qui ont su résister à cinq siècles de colonisation et de développement capitaliste – et qui n’ont pas complètement plié sous leur poids. Ces savoirs ne sont pas très visibles mais ils sont bien réels, de façon marginale mais présente, tant dans les zones rurales qu’urbaines. Nous pensons que le cas des Andes, en particulier de la région de Cusco et du Sud du Pérou (où nous travaillons avec différentes initiatives) peut servir d’exemple de ce qu’on trouve également sous d’autres latitudes.
Si l’alimentation est une préoccupation trois fois par jour, alors peut être que c’est un excellent point de départ pour commencer à nous libérer, ainsi que les autres êtres vivants. Il est possible de construire d’autres formes d’alimentation, alternatives et plus autonomes, qui nous permettent de résister dans la période de crise alimentaire, sanitaire et environnementale que l’on est en train de vivre. Dans le même temps, cela peut nous permettre également de prendre notre indépendance par rapport à l’industrie alimentaire qui affecte quotidiennement nos droits, et à réapprendre à vivre-avec la nature comme l’ont fait nos ancêtres : en consommant des aliments de façon équilibrée et en fonction des saisons.
Cette publication rassemble des savoirs et des initiatives d’agriculteur·rices, chercheur·ses, cuisinier·es et militant·es de la région de Cusco, qui ne considèrent pas l’alimentation comme uniquement une action individuelle, mais qui le comprennent comme un espace de résistance et de lutte, et s’inspirent des savoirs de nos ancêtres. Ces savoirs et initiatives pourraient être applicables dans différents contextes, ou inviter à explorer des situations et des expériences similaires là où se trouve chacun d’entre nous, et façon à contribuer à la souveraineté et à l’autonomie alimentaire.