Au Brésil, les systèmes de production agro-industriels les plus modernes coexistent avec des formes archaïques de surexploitation de la main d’œuvre et des régimes de travail similaires à l’esclavage. Des îlots de richesse et de sécurité formées par des condominiums et des centres commerciaux de luxe coexistent avec des océans de bidonvilles où travailleuses et travailleurs vivent dans des conditions précaires, sous la violence intense de l’appareil répressif de l’État.
Il est impossible de comprendre la réalité brésilienne sans aborder la question de la terre. Le territoire brésilien est marqué par une grande concentration de la propriété de la terre dans les mains de quelques-uns. Historiquement, cela a été — et reste — la source des inégalités sociales, ainsi qu’un élément moteur des rébellions au sein de la société. Dans les campagnes, ces dernières se manifestent par les luttes des populations des quilombos [1], autochtones, paysannes, sans terres et des travailleurs ruraux et urbains. Dans les villes, par les luttes des sans-abris pour l’occupation des terrains laissés à l’abandon et le soulèvement des communautés s’opposant aux interventions militaires.
La question de la terre au Brésil
Bien que la lutte pour la terre soit présente depuis la colonisation du Brésil et se soit exprimée dans des mouvements de révolte tels que le Quilombo dos Palmares (fin du XVIe, début du XVIIe siècle), la rébellion des Indiens de Guaratinica (1754-1756), les guerres de Canudos (1896- 1897) et du Contestado (1912-1916), parmi beaucoup d’autres, c’est dans les années 1960 et 1970 que la question de la réforme agraire prend son essor et acquiert une ampleur nationale. C’est durant cette période que les ligues paysannes se sont organisées, à partir des occupations de terres et la création de syndicats de travailleurs ruraux, pour mettre fin aux grands latinfundios (propriétés agricoles) et au monopole de la terre.
Avec le coup d’État militaire de 1964, ces luttes furent durement réprimées. La dictature a pris son essor à partir d’un processus d’expansion des frontières agricoles, attirant de grandes entreprises par le biais d’incitations et d’allègements fiscaux destinés au développement de grands projets agricoles, à l’exploitation forestière et minière, à la construction de centrales hydroélectriques et d’autoroutes dans le Centre-Ouest, le Nord et le Nord-Est. Ce processus favorise alors l’appropriation privée de grandes étendues de terres par des investisseurs capitalistes, mettant en œuvre un modèle agraire plus concentré et plus exclusif.
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