La prise de conscience du scandale de la faim dans le monde
L’approvisionnement en nourriture pour les femmes et les hommes, au cours des siècles et dans le monde, a souvent été problématique. La sous-alimentation et la famine ont été parmi les fléaux les plus meurtriers de l’histoire. La modernité agro-industrielle a apporté une augmentation des ressources alimentaires globales mais les progrès scientifiques et techniques ne profitent aux populations, notamment concernant l’accès à la nourriture, que lorsqu’ils s’accompagnent d’un réel progrès social et d’un partage équitable des richesses. C’est ce que montre l’histoire de ces soixante dernières années concernant le scandale de la faim dans le monde.
Années 40 : les espoirs déçus d’une véritable coopération internationale
Dès 1941, le président américain Roosevelt commence à mettre en place une organisation à l’échelle internationale qui allait devenir le système des Nations Unies. Cette organisation a pour but d’assurer la paix, la justice sociale et économique dans le monde et notamment, de supprimer les causes des famines et de l’insécurité alimentaire chronique. Il ne s’agit plus, comme dans les années 30, d’écouler les excédents alimentaires mais de s’attaquer au problème de la faim dans les pays sous-développés, pour des raisons humanitaires et pour la paix mondiale.
En 1943, Roosevelt lance la conférence de Hot Springs pour trouver les moyens « d’un mariage heureux de l’alimentation et de l’agriculture ». Le principal résultat fut la création en 1945, de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, communément appelée FAO (Food and Agriculture Organization).
L’objectif annoncé est de lutter contre la faiblesse du pouvoir d’achat et contre la faim, afin d’accroître les débouchés des produits agricoles. Le champ d’action de la FAO est essentiellement technique et ne couvre pas les politiques agricoles des pays producteurs ni l’organisation des marchés mondiaux. La crainte des grands pays de perdre leurs prérogatives sur leur politique agricole a pour conséquence d’accorder à l’agriculture, dans les négociations internationales, un statut à part.
Années 50 : l’aide alimentaire, une solution qui accroît la dépendance
Grâce aux efforts consentis après-guerre dans l’agriculture, la production alimentaire mondiale atteint le niveau qu’elle avait avant-guerre. Dès 1953, des excédents réapparaissent sur le marché mondial, notamment concernant les céréales. Toutefois des famines subsistent dans certains pays sous-développés. En 1954, l’aide alimentaire, comme solution au paradoxe excédents/famines, s’institutionnalise. La FAO recommande, partout où cela est possible, un accroissement de la production agricole. Les Etats-Unis de leur côté promulguent une loi sous le label « Food for Peace » qui vise à « accroître la consommation des produits agricoles des Etats-Unis dans les pays étrangers pour améliorer les relations étrangères des Etats-Unis (…). ». Sécurité alimentaire mondiale, exportations et politique extérieure américaines vont donc être étroitement liées. Détail important : seuls « les pays amis » pourront bénéficier de cette aide.
Cette loi résout aussi un problème intérieur : les céréaliers américains trouvent ainsi des débouchés pour leurs surplus, financés par les fonds d’aide de leur gouvernement.
Schématiquement cette aide fonctionne de la manière suivante : le gouvernement américain achète le blé aux producteurs au prix du marché, pour le revendre sous contrat et sous conditions aux pays de son choix. Le produit de ces ventes se transforme en fonds de « contreparties » destiné à financer, dans ces pays, des projets de développement agricole.
A la fin des années 50, les Etats-Unis écoulent pour 11 millions de tonnes de céréales par an, sous forme d’aide alimentaire. La FAO recommande alors de généraliser cette politique.
Années 60 : Les exportations commerciales remplacent l’aide. La révolution verte est lancée
Dans un contexte où la situation alimentaire mondiale s’améliore, l’aide alimentaire va créer une dynamique commerciale. Trois phénomènes importants font leur apparition :
– Changement des flux : Le sénateur américain, G. Mc Govern est explicite : « Grâce à Food for Peace, nous avons introduit nos denrées dans des pays qui deviendront un jour nos clients sur des bases commerciales normales » . La transformation des flux d’aide en flux commerciaux est un succès : de 65% des exportations agricoles entre 1961-1965, l’aide alimentaire en blé n’en représente plus que 8.5% en 1976.
– La révolution verte : Elle repose sur le triptyque semences sélectionnées, engrais chimiques et irrigation. Plus que la FAO, ce sont l’USAID (l’aide américaine) et la Banque Mondiale qui appuient massivement ces programmes. Cette révolution va surtout concerner l’Amérique latine et l’Asie.
– Lancement de la Politique Agricole Commune (PAC) dans la Communauté économique européenne : L’Europe souhaite assurer son autosuffisance alimentaire et jouer un rôle au niveau mondial dans l’agriculture. C’est sur la question agricole et sur la PAC que va, en grande partie, se construire l’Europe économique et politique.
Face à cette nouvelle concurrence, les Etats-Unis lancent des négociations dans le cadre du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) qui fixe des règles commerciales internationales. Trois points sont à souligner : l’hégémonie américaine dans la régulation du commerce des céréales est maintenant contestée, le GATT devient le cadre de négociations agricoles, enfin les pays sous développés, regroupés dans le Groupe des 77, revendiquent le droit à leur propre développement agricole.
Années 70 : De nouvelles crises alimentaires, la Conférence mondiale sur l’alimentation et la fin de « l’hégémonie bienfaitrice » des États-Unis
Deux mauvaises campagnes agricoles en 1972 et 1973 mettent fin à la régulation nord-américaine des marchés mondiaux. La plupart des régions du globe sont alors fortement importatrices de céréales. Des famines ont lieu au Bangladesh, en Éthiopie et dans le Sahel. En 1974, la production céréalière est de nouveau faible, les stocks mondiaux ont diminué de moitié, les prix s’envolent. Les Etats-Unis ne peuvent assurer le rôle de stabilisateur des marchés provoquant l’inquiétude des pays industrialisés et des pays pauvres.
Les Nations Unies convoquent une Conférence mondiale de l’alimentation en 1974, pour tenter de trouver les moyens de restaurer un certain niveau de sécurité alimentaire.
Cette Conférence qui réunit plus de 100 pays, constitue alors la plus importante initiative jamais prise sur la question alimentaire. Elle débouche sur une vingtaine de grandes mesures et adopte une Déclaration universelle sur l’éradication de la faim. Beaucoup des recommandations de la Conférence resteront lettre morte, les pays n’arrivant pas à s’accorder sur le financement et la gestion des stocks de sécurité alimentaire mondiaux. Une fois de plus, les priorités et les intérêts nationaux restent primordiaux. Le milieu des années 70 constitue une période charnière dans la régulation des marchés mondiaux.
C’est la fin de « l’hégémonie bienfaitrice » des États-Unis sur les marchés mondiaux des céréales et la crise alimentaire qu’ont traversé les pays en développement conduit ces derniers à modifier leur approche de la question alimentaire. Le Conseil Mondial de l’Alimentation tenu à Ottawa en 1979 adopte le concept de stratégie alimentaire. Ce concept va placer l’autosuffisance au centre des politiques alimentaires.
Années 80 : L’espoir suscité par les stratégies alimentaires et les conséquences sociales de l’ajustement structurel
Les stratégies alimentaires nationales tentent de recentrer les politiques de développement agricole sur l’alimentation. Cette approche reçoit un accueil favorable dans les pays en développement. L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) la fait sienne et l’appuie politiquement à travers le Plan de Lagos (avril 1980).
En 1981 à Cancun, vingt deux chefs d’État de pays en développement et développés soutiennent cette approche et affirment que « les pays en développement devraient définir et mettre en oeuvre, avec un appui international ample et efficace, des stratégies alimentaires nationales » comme première étape de l’élimination de la faim dans le monde. L’absence de volonté réelle et/ou l’incapacité des pays à aller au-delà des discours va limiter la traduction de ces objectifs en mesures concrètes. Mais surtout, la crise financière du début des années 80 conduit rapidement à la mise en place de programmes d’ajustement structurel (PAS) dans la plupart des pays en développement.
Ces programmes, impulsés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale vont largement rejeter l’approche stratégie alimentaire nationale. « Pour l’ajustement structurel, la filière alimentaire ne s’apprécie qu’en termes financiers (…) ». Il s’agit d’un changement radical de régulation : l’État qui jusque là tenait le rôle principal dans le développement agricole et la gestion de la sécurité alimentaire doit laisser la place au secteur privé. Les résultats de cette nouvelle politique restent plus que mitigés d’un point de vue économique alors qu’ils sont souvent dramatiques du point de vue social et alimentaire.
Années 90 : la libéralisation des échanges agricoles, le retour du spectre de la pénurie
Depuis les années 80, le marché mondial est structurellement excédentaire, avec une concurrence vive entre les États-Unis et l’Europe à l’origine d’une forte instabilité des prix. L’enjeu, pour les grands producteurs, est de réduire le coût de leurs politiques agricoles qui devient « budgétivore » . Les Etats-Unis défendent la libéralisation totale des échanges agricoles dans le cadre multilatéral d’un nouveau cycle de négociations du GATT qui débute en 1986 en Uruguay et s’achève à Marrakech en 1994.
Pour la première fois, l’agriculture entre dans les négociations du GATT. L’accord prévoit une libéralisation partielle des échanges mondiaux, avec une réduction des protections, du soutien interne et des subventions aux exportations, ainsi qu’un nouveau cadre pour les politiques agricoles qui substitue aux politiques de soutien des prix, des politiques d’aide directe au revenu du producteur.
Négociée dans un contexte d’excédents jugés structurels par beaucoup, la mise en oeuvre des accords du GATT intervient alors que des visions alarmistes de la sécurité alimentaire mondiale à long terme ressurgissent. On reparle (notamment parmi les producteurs du Nord) d’accroître la production agricole partout où cela est possible et d’approvisionner les PVD déficitaires, par des ventes sous conditions et par de l’aide alimentaire.
Le débat change de nature avec l’apparition de nouveaux enjeux : les citoyens contribuent davantage à l’élaboration des décisions publiques ; la question environnementale occupe un espace croissant dans les politiques agricoles et alimentaires ; les opérateurs privés sont plus impliqués dans la régulation des marchés. La privatisation des stocks mondiaux est un exemple significatif de cette tendance.
Le Sommet mondial de l’alimentation, réuni à Rome par la FAO en 1996, doit tenir compte de cette évolution des conditions du débat sur la sécurité alimentaire et évaluer le rôle que peuvent jouer les institutions internationales (FAO, OMC, FMI, Banque Mondiale …). Il établit un Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire (PSSA) dont l’objectif est d’éliminer la faim à l’horizon de 2015.
Années 2000 : émergence de nouveaux rapports de force
– L’actuelle décennie commence avec des éléments nouveaux liés à l’évolution des rapports de force dans les relations internationales Nord-Sud, du fait aussi bien d’un certain réveil politique à l’intérieur des PVD, que de l’influence croissante de la « société civile » mobilisée par les courants altermondialistes (Forum social mondial) . Cette évolution est sensible à l’intérieur des institutions - notamment de l’OMC (qui remplace le GATT depuis 1995).
L’effet ‘‘An 2000’’ rencontre la conscience du scandale de la faim. L’ONU lance la campagne OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), dont l’article premier concerne, précisément, la question alimentaire. Kofi A. Annan, Secrétaire Général des Nations Unies, déclare : « Dans les quelques années qui viennent, nous devrons faire mieux que doubler l’aide au développement dans le monde, sinon, il n’y aura pas moyen d’atteindre les objectifs ». L’OMD est en phase avec le PSSA, dont les projets concernent plus de cent pays. Selon la FAO : « Les initiatives du PSSA contribuent à améliorer la sécurité alimentaire de deux manières. D’une part, elles aident les gouvernements nationaux à exécuter des programmes nationaux pour la sécurité alimentaire, ciblés et soigneusement planifiés et, d’autre part, elles concourent à l’élaboration, en étroite collaboration avec les organisations économiques régionales, de programmes régionaux pour la sécurité alimentaire… Au fur et à mesure qu’il évolue, pour faire face à de nouveaux défis, le PSSA adopte des approches conformes à celles que préconise l’équipe sur la faim du projet Objectifs du Millénaire »
– La montée en puissance des pays du Sud se manifeste :
– par la création de Groupes de pays, dont le G 20 constitué en 2003 au sein de l’OMC, par les « pays émergents » (Brésil en tête), sorte de pendant symbolique du G 7/8. Le G20 a renforcé le poids de la Chine, du Brésil, de l’Inde dans les négociations, notamment sur le volet agricole.
– par des programmes de coordination régionale comme le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique), initiative africaine (oct. 2001), reconnue par le G 8.
2001 : Doha
Après la réunion du GATT à Marrakech, les pays s’étaient entendus pour reprendre les négociations sur certains points. Elles ont repris en janvier 2001, à l’OMC – Conférence de Doha - où les questions agricoles prennent une place importante dans les négociations. Les deux points clés sont l’accès aux marchés et la réduction des subventions à l’agriculture dans les pays riches. Le communiqué final aborde cette question (suppression des subventions à l’agriculture, notamment européennes), mais ne peut fixer de date butoir.
2003 : Cancun
En mars 2003, un projet d’accord, dit « propositions Harbinson » est discuté. Les Etats-Unis et l’Union Européenne font une proposition commune en vue de la Conférence de l’OMC qui se tient en septembre à Cancun. Cette Conférence marque un tournant par la mise en relief vigoureuse par les PVD des contradictions de l’OCDE (30 membres, à large dominante européenne) - par exemple les subventions accordées, par les pays riches, à leurs propres producteurs de coton- A la fin de la conférence, le G 20 rejette le projet de déclaration finale, considérant que les pays du Nord ont fait des propositions insuffisantes.
2005 : Hongkong
A Hongkong en décembre 2005, la question agricole est au centre des discussions de l’OMC : une place sans commune mesure avec la réalité des échanges (qui ne font que 9 % des échanges mondiaux) mais en relation avec le nombre considérable de paysans concernés et de leur poids culturel et politique. L’OMC arrache un accord des 148 pays présents, car les pays riches se sont enfin engagés à supprimer leurs exportations agricoles à l’horizon 2013 (pour voir venir ?) et sous réserve de cas particuliers…
Cet accord ne satisfait pas tout le monde, notamment en Afrique. En effet, il apparaît une fissure manifeste au Sud, depuis l’apparition du G 20, entre pays qui peuvent assurer leur sécurité alimentaire et se placer sur le marché mondial, et les autres (PMA), que la libéralisation absolue enfonce dans la misère et la dépendance.
Au delà des négociations au sein de l’OMC, nombreux sont les « pays les moins avancés » qui ne font plus valoir leurs droits à la protection tarifaire car le Fonds Monétaire International (FMI) leur a imposé l’élimination ou la réduction drastique des droits de douane, comme une des conditions du rééchelonnement de leur dette extérieure.
L’évolution ainsi décrite a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment en France, de la part de la Confédération paysanne et de nombreuses ONG, dont la Coordination Sud. Celle-ci, présente à Hongkong, souligne que le débat agricole est centré sur la question des parts de marché et du PIB et se tient « sans référence spécifique à la sécurité alimentaire », condamnant de ce fait des pans entiers de la petite paysannerie à la marginalisation et à la misère..
Quant à l’aide pure, évoquée par Kofi Annan, elle a déjà pris de nouvelles formes de contrainte politique. Pour le NEPAD, par exemple, l’aide est envisagée dans un marchandage à la bonne gouvernance. Stephen Smith estime d’autre part que « l’effet 11 septembre » a orienté ces dispositions vers la sélectivité de l’assistance extérieure, octroyée en fonction de critères géopolitiques, comme prime versée à des alliés … Il est à remarquer que ce niveau de négociation ne tient aucun compte ni des problèmes d’environnement : déboisement, destruction des sols, etc … ni de la question des OGM, contestés par certains mais dont les grands pays du Sud, Brésil en tête, sont partisans.
La crise alimentaire
La crise alimentaire n’est pas un phénomène soudain
La malnutrition chronique n’a jamais cessé d’exister. Mais depuis les années 1970, les rapports de la Fao (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) sont encourageants : les grandes famines régionales ont disparu et le nombre de personnes malnutries dans le monde ne cesse de baisser, passant de 31 % en 1965 à 12 % en 2001.
Or, à partir de 2001 des signes inquiétants apparaissent : pour la première fois depuis 1960 le nombre de personnes touchées par la malnutrition augmente.
Et, en 2006, les émeutes de la faim réapparaissent, dans des zones où on les croyait disparues à jamais.
Elles sont le fait de populations urbaines qui ne peuvent plus faire face à la montée des prix. Pour la première fois, la malnutrition chronique, confinée jusqu’alors au monde rural invisible, atteint les villes.
Trois explications majeures expliquent ces augmentations massives du prix des denrées alimentaires :
- Les agrocarburants
Le développement de cultures à des fins non alimentaires (soja, palmier à huile) ou le détournement de certains produits de la filière alimentaire (maïs), provoquent une hausse des prix. Les estimations du FMI indiquaient en 2008 que l’augmentation de la demande pour les biocarburants comptait pour 70% dans la hausse des prix du maïs et pour 40% dans celle du soja.
- La mondialisation des habitudes alimentaires
Celle-ci se base sur un régime alimentaire carné. La moyenne mondiale de consommation de viande de volaille est ainsi passée de 2 kilos par an et par habitant en 1960 à 10 kilos aujourd’hui, soit une croissance annuelle de 190 grammes sur la période. Les cultures végétales sont utilisées pour la production de viande au lieu de servir directement à l’alimentation.
– Un système mondial fondé sur les cultures d’exportations au détriment des cultures vivrières
Les pays du Sud ont développé les cultures d’exportation et délaissé les cultures vivrières, augmentant ainsi leur dépendance alimentaire par rapport aux pays du Nord.
Il faut ajouter à cela :
– des conditions climatiques peu propices dans les grandes régions de production céréalière,
– des stocks mondiaux "peu abondants"
La population mondiale consomme, par exemple, plus de riz qu’elle n’en produit. Les stocks mondiaux ne cessent de diminuer et atteignent des niveaux critiques.
En janvier 2007, près de 100 000 Mexicains défilent pour protester contre l’augmentation de plus de 40% des prix de la tortilla, base de l’alimentation des classes populaires urbaines. En septembre 2007, toujours à Mexico, ce sont des milliers de manifestants qui descendent dans les rues pour protester contre l’augmentation des produits alimentaires de base. C’est le début des émeutes de la faim.
Pour la seule année 2007, les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent une hausse de 80% pour les produits laitiers, de 42% pour les céréales.
Au Printemps 2008, de violentes émeutes ont éclaté dans des villes du Sud, telles que Douala, Port-au-Prince ou Dakar (en fait de nombreux pays sont concernés, notamment l’Egypte, le Maroc, l’Indonésie,les Philippines, Haïti, le Nigeria, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie, le Sénégal, le Burkina Faso... ).
Les émeutiers sont des personnes vivant en milieu urbain qui s’insurgent contre la hausse des denrées de base. Les prix agricoles mondiaux ont en effet atteint des plafonds historiques lors du second trimestre 2008.
Cette crise qui touche 600 millions de ruraux depuis 10 ans, est provoquée par une hausse des prix des produits importés. Les pays les plus touchés sont les plus dépendants des importations, comme le Sénégal, l’Egypte, le Maroc, Haïti.
Elle est le résultat des politiques de dérégulation des marchés agricoles menées au niveau mondial depuis une vingtaine d’années.
En 2009 : des réactions contradictoires des pays du Nord suite à la crise alimentaire
Le 2 avril, lors du Sommet du G20 à Londres, le président Barack Obama annonce qu’il doublera l’aide apportée à la sécurité alimentaire avec un budget d’un peu plus d’un milliard de dollars dans l’aide à l’agriculture en 2009.
La majeure partie de cette somme est assignée aux semences OGM, à l’irrigation et aux technologies de production agricole visant à augmenter la production alimentaire.
Du 8 au 10 juillet lors du Sommet du G8 en Italie, les pays membres du G8 et quelques pays du Sud signent une déclaration sur la sécurité alimentaire mondiale et prévoient de débloquer 20 milliards de dollars dans les trois prochaines années pour résoudre la crise alimentaire.
Cette décision rompt avec les évolutions de l’aide des deux dernières décennies.
Néanmoins, un mécanisme de suivi des engagements est nécessaire.
Le défi est dans le type d’aide et non dans son montant. L’Union européenne et les Etats-Unis doivent adopter une approche « triangulaire » afin de garantir la pertinence et l’efficacité de leur soutien. Cette approche, avancée par Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, préconise que les citoyens, en tant que détenteurs de droits, participent activement aux côtés de leurs gouvernements nationaux et des donateurs à la mise en place des politiques d’aide.
Le 22 juillet, les États membres de l’Union européenne offrent une enveloppe de 75 millions d’euros aux 13 pays les plus sévèrement touchés par la hausse des prix agricoles.
Mais cette générosité contraste avec les autres orientations de l’Union européenne, qui vont dans le sens d’une libéralisation accrue des échanges commerciaux (ouverture incontrôlée des frontières aux importations de produits agricoles pour les pays ACP, subventions au sein de l’UE des produits agricoles à l’exportation).
Du 16 au 18 novembre à Rome le sommet mondial sur la sécurité alimentaire accueilli par la FAO entérine la création d’un partenariat mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire.
Ce cadre devrait permettre d’assurer une plus grande cohérence des politiques internationales pour promouvoir l’agriculture vivrière et l’accès des plus pauvres à l’alimentation.
Fondamentalement, il associe enfin aux discussions les organisations de la société civile.
Ce sommet devait donc être une étape historique et décisive. Or, ni les objectifs, ni le calendrier, et encore moins le financement du nouveau « partenariat mondial » n’ont été fixés. Le Sommet s’est donc contenté de déclarations de principes.
Du 30 novembre au 2 décembre s’est déroulé la 7ème conférence ministérielle de l’OMC à Genève.
Cette rencontre est la première réunion ministérielle des Etats membres depuis 4 ans. Son objectif était de relancer l’OMC. Pourtant, les négociations commerciales sont restées bloquées. Il n’y a même pas eu de consensus sur le texte à partir duquel négocier.