RANA PLAZA, 5 ans après : l’heure du bilan

, par Collectif Ethique sur l'étiquette

Le 24 avril 2013 s’effondrait à Savar, dans la banlieue de Dacca, au Bangladesh, le Rana Plaza, un immeuble de 8 étages abritant 6 usines textiles, causant la mort de 1 138 ouvrier-e-s, en blessant plus de 2 000 parmi les 5 000 au moins qui y étaient employés. C’est à ce jour le plus grave accident survenu dans l’industrie mondialisée du textile. Ces ouvrier-e-s fabriquaient des vêtements pour des marques ou distributeurs occidentaux d’habillement. Près d’une trentaine ont été répertoriés, dont des acteurs à la puissance économique considérable : Auchan, Benetton, H&M, C&A, Primark, Mango – etc.

Ce bilan a été publié le 23 avril 2018 par le Collectif Éthique sur l’étiquette.

Dès les premières minutes qui suivent l’effondrement, les organisations syndicales et de défense des droits humains locales et internationales se sont mobilisées pour que les pouvoirs publics et les multinationales prennent leurs responsabilités sur deux points urgents : l’indemnisation des victimes et la sécurisation des usines de confection du pays. La mobilisation des organisations de défense des droits pour règlementer l’activité des multinationales et éviter que de tels drames ne se reproduisent en toute impunité n’a pas faibli depuis.

L’effondrement du Rana Plaza a agi comme une onde de choc au sein de l’industrie de l’habillement qui, après 20 années de mesures volontaires de « responsabilité sociale », avait fait reposer son modèle économique sur l’exploitation d’une main d’œuvre à bas coût et aux droits sociaux bafoués. Les jours suivant le drame et en réaction à l’émotion populaire internationale, marques, distributeurs, fabricants, gouvernements, ont multiplié les promesses qu’un tel drame ne se reproduirait pas. Dans les premiers mois, ces promesses ont semblé être davantage que des déclarations destinées à apaiser des consommateurs choqués. La révision de la loi du travail au Bangladesh, l’augmentation drastique du salaire minimum sectoriel, la signature de l’Accord pour la sécurité des usines, ont semblé des gages non négligeables. Pourtant, très rapidement à l’issue de la première année suivant l’effondrement, lorsqu’il s’est agi de reconsidérer un modèle de production aux impacts sociaux et environnementaux considérables, le pragmatisme économique, a repris le dessus. Business as usual.

Sur la pression de la société civile, relayée par les citoyens au niveau international, marques d’habillement, distributeurs, pouvoirs publics ont « plaidé » pour qu’évolue une industrie mondialisée devenue presqu’incontrôlable – et pour cause, elle n’est soumise à aucune règle contraignante. Si des mesures ont été prises ou annoncées par certaines multinationales dans les mois suivant le drame, visant surtout à mieux identifier leur chaîne d’approvisionnement et redorer une image écornée, force est de constater qu’aucune n’a fait évoluer son modèle économique. Un récent rapport1 indique que les pratiques de pression sur les coûts et les délais de production ont empiré. Les prix imposés aux fournisseurs sont ainsi encore plus bas qu’avant le Rana Plaza. La Fast fashion, mode jetable à bas prix et de surproduction, est responsable en grande partie de cette dégradation. Ce modèle se traduit par le maintien de violations massives des droits fondamentaux au travail des ouvrier-e-s, et contribue à la répression syndicale. Il montre que les engagements « éthiques » des marques demeurent une opération de communication destinée à rassurer leurs consommateurs, tandis que leurs pratiques irresponsables perdurent.

Ces éléments renforcent le constat de l’inefficacité de la seule soft law ou des seules initiatives volontaires pour responsabiliser l’activité de ces grands groupes à l’international et prévenir les drames sociaux ou environnementaux dans la mondialisation économique.

Du point de vue des consommateurs, l’événement a conduit une prise de conscience citoyenne indéniable, qui doit désormais se traduire dans les comportements économiques d’achat.

Au Bangladesh, après des amendements à la loi du travail quelques mois après le drame ayant conduit à un assouplissement des conditions de création et d’exercice des syndicats, et une augmentation conséquente du niveau de salaire alors le plus bas au monde, le combat pour le respect des droits basiques au travail demeure plus que jamais une douloureuse réalité. Les mesures d’assouplissement ont vite laissé la place à une reprise de la répression des mouvements sociaux, et les ouvrier-e-s, mobilisés au quotidien, demeurent parmi les moins bien payés au monde.

En France, le Collectif Ethique sur l’étiquette, allié avec plusieurs ONG et syndicats français, promouvait depuis 2012 la nécessité d’imposer aux multinationales une législation qui les rendrait redevables des atteintes sociales et environnementales causées par leur activité. Cette dernière s’est concrétisée le 21 février 2017, avec l’adoption historique de la loi sur le devoir de vigilance, premier brèche dans l’impunité des multinationales, qui doit désormais essaimer aux niveaux européen et international.

Pour rappel, la signature, à postériori, de l’Accord de sécurisation des usines, tout comme l’indemnisation des ouvrier-e-s blessé-e-s et des familles des ouvrier-e-s décédé-e-s, n’ont pas été chose facile : en l’absence de toute obligation de réparation incombant aux marques et distributeurs occidentaux, il a fallu à nos mouvements, au niveau international, 2 années de campagne pour contraindre des marques dont la présence au Rana Plaza était avérée, comme Benetton, de participer au fonds d’indemnisation pourtant volontaire et potentiellement anonyme, placé sous l’égide neutre de l’OIT. L’accès des victimes à la justice n’est pas une faveur, c’est un droit. Il ne peut reposer sur le bon vouloir des multinationales, motivé par leur stratégie d’image, ou sur la mobilisation citoyenne ; il doit être assuré par la loi.

C’est pourquoi à la lumière du Rana Plaza, mais aussi des multiples violations des droits humains et atteintes à l’environnement moins spectaculaires mais continues, causées par l’activité des multinationales, une loi sur le devoir de vigilance était une nécessité ; et qu’elle doit désormais se traduire par un cadre international qui rende redevable toutes les multinationales, partout dans le monde, de ces atteintes, comme le prévoit le Traité onusien sur la question.

L’émotion politique, médiatique, citoyenne qu’a suscité l’effondrement du Rana Plaza a agi comme catalyseur de l’action menée depuis 2012 par le Collectif Ethique sur l’étiquette et plusieurs organisations de défense des droits, membres du Forum citoyen pour la RSE, pour la mise en œuvre d’une législation qui rendrait juridiquement responsable une multinationale pour les atteintes aux droits humains ou à l’environnement causées par son activité, partout où elle opère.

Cette dernière s’est concrétisée le 21 février 2017, avec l’adoption en France de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneurs d’ordre, validée par le Conseil constitutionnel saisi par des députés et sénateurs les Républicains et plusieurs organisations patronales, le 27 mars 2017. Cette victoire historique ponctue cinq années de combat, dont deux de procédure législative, pour entamer l’impunité dont bénéficient les multinationales dans la mondialisation économique.
> www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/3/27/ECFX1509096L/jo/texte/fr

Le texte crée une obligation de vigilance pour les grandes multinationales françaises ou présentes en France (seuil de plus de 5000 salariés en France ou plus de 10 000 à l’international), en exigeant qu’elles publient et mettent en œuvre un plan de vigilance définissant les mesures visant à identifier et prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par les activités de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger. Un juge français pourra être saisi et enjoindre sous astreinte l’entreprise à se soumettre à son obligation. La responsabilité de l’entreprise pourra être engagée en cas de défaut de plan ou de manquement à sa mise en œuvre.

Le texte aurait pu être plus ambitieux. Le contre-lobbying constant mené par les organisations patronales n’a pas permis d’élargir les nombre d’entreprises concernées ou de renverser même partiellement la charge de la preuve, qui incombe toujours aux victimes.
Pour autant, cette loi constitue une première au niveau mondial, et une mesure historique pour entamer l’impunité dont bénéficient les acteurs les plus puissants de la mondialisation économique et pour la protection des droits et libertés fondamentaux et de l’environnement.
Son parcours et nos analyses, ici :
> www.ethique-sur-etiquette.org/Devoir-de-vigilance-une-loi-contre
>www.ethique-sur-etiquette.org/Devoir-de-vigilance-le-Conseil-Constitutionnel-valide-l-essentiel-de-la-loi

«  Permettre un véritable accès des victimes à la justice
Le lobbying exercé par les milieux économiques n’a pas permis que cette loi renforce à hauteur des enjeux l’accès des victimes à la justice, qui demeure limité. La charge de la preuve leur incombe toujours. Il leur reviendra toujours de prouver la faute de l’entreprise, et le lien de causalité. Or elles ne disposent généralement pas des outils et des moyens suffisants pour le faire, et le texte n’atténue pas l’asymétrie de pouvoirs entre les deux parties. La loi doit être renforcée pour répondre à cet objectif, tout comme une véritable législation, aux niveaux européen et international, doit voir le jour.
 »

En Europe, des initiatives pour des législations similaires. A l’ONU, des négociations pour un Traité international

En Europe, au niveau national
La loi sur le devoir de vigilance, en développement depuis 2013, et la mobilisation de la société civile et des parlementaires français ont eu un effet incitatif. A l’aune de cette loi pionnière dans le monde, plusieurs initiatives législatives poursuivant un objectif similaire se sont ainsi développées en Europe, à l’échelon national.
> Un aperçu non exhaustif des initiatives européennes sur le devoir de vigilance (octobre 2016)
http://ethique-sur-etiquette.org/IMG/pdf/initiatives_europe_ennes_.pdf

Au niveau des institutions européennes
Une initiative « Carton Vert » a été menée en 2016 par Danielle Auroi, alors députée du Puy de Dôme et présidente de la commission des Affaires européennes, visant à élaborer une obligation de vigilance pour les entreprises européennes au niveau européen. Le Carton Vert permet aux parlements nationaux de saisir la Commission Européenne pour l’élaboration de mesures législatives ou non législatives ou la modification de la législation existante. Réunis à Paris le 18 mai 2016, 8 parlements nationaux ont apporté leur soutien à l’initiative et saisi la Commission :
>www.ethique-sur-etiquette.org/Devoir-de-vigilance-8-parlements-europeens-lancent-l-initiative-Carton-vert

Cette dernière a apporté une réponse bien peu à la hauteur des attentes des parlements signataires, et surtout des enjeux, mais malheureusement conforme à son orientation politique. En refusant d’envisager une proposition législative, la Commission confirme qu’elle ne choisit de considérer, en matière de régulation de l’activité des multinationales, que les initiatives de soft law.
Le combat se poursuit pour amener l’Europe à adopter une législation sur la question.

Au niveau international
Pour pallier les limites des approches nationales, un cadre international doit voir le jour, qui permette de tenir responsable toute multinationale des atteintes aux droits fondamentaux et à l’environnement engendrées par son activité, et d’obtenir réparation pour les victimes.

C’est l’ambition des travaux pour l’élaboration d’un instrument contraignant sur les multinationales et les droits humains, engagés au niveau onusien. En juin 2014, malgré l’opposition de la majorité des pays occidentaux – dont la France – au vote de la résolution qui l’entérinait, le Conseil des droits de l’Homme, à l’initiative de l’Equateur et de l’Afrique du Sud, a permi la création d’un groupe de travail onusien pour l’élaboration d’un « Traité international sur le respect des droits humains par les multinationales ». La dernière session, qui s’est déroulée en octobre dernier à Genève, a discuté des éléments de contenu d’un tel Traité, en s’inspirant largement de la loi française sur le devoir de vigilance.

Plus de 900 organisations de la société civile à travers le monde, regroupées au sein de la Treaty Alliance, soutiennent ce processus. La prochaine session de négociation aura lieu en octobre 2018 à Genève.
> www.treatymovement.com

Le gouvernement français, désormais pourvu d’une loi pionnière sur la question, et qui a affirmé pendant tout le processus vouloir une législation internationale, doit soutenir et s’engager de manière ambitieuse dans ces négociations onusiennes. Il doit pousser l’Union européenne, qui a conduit plusieurs tentatives pour mettre un terme aux discussions, à y siéger de manière tout aussi constructive.
> www.ethique-sur-etiquette.org/Stop-a-l-impunite-des-multinationales

Au Bangladesh : Un combat pour le respect des droits humains au travail plus que jamais d’actualité : salaires de misère et répression syndicale

Le gouvernement bangladais avait été amené, sous la pression politique internationale, à amender en juillet 2013 sa législation du travail, à travers le Bangladesh Labour Law (Amendment) bill, permettant des avancées certaines quelques mois après le drame, qui ne se traduisent plus dans les faits aujourd’hui.

Les travailleurs du secteur textile-habillement du Bangladesh demeurent parmi les moins bien payés au monde. Le salaire mensuel sectoriel de 63 dollars demeure bien loin du minimum nécessaire à la satisfaction des droits fondamentaux. Malgré l’enregistrement de nombreux syndicats suite après le drame, le gouvernement a repris ses actions de répression des mouvements sociaux, et de travailleurs. Le harcèlement des militants syndicaux et les entraves à la liberté d’organisation et à la négociation collective demeurent des pratiques courantes au sein des usines bangladaises de confection.

La liberté syndicale toujours entravée et des travailleurs redevenus les moins chers au monde .
Les travailleurs avaient obtenu de haute lutte une augmentation conséquente du salaire minimum sectoriel de 70%, passant de 28 à 50 euros mensuels en juillet 2013. Quatre ans après, malgré une nouvelle augmentation à 60 euros mensuels, ils restent les travailleurs du textile les moins bien payés au monde, avec un salaire loin du minimum nécessaire à la satisfaction des droits fondamentaux (salaire vital).

L’abaissement du seuil du nombre d’ouvriers nécessaires à la création d’un syndicat, et la suppression du consentement préalable du patron de l’usine avaient permis la création de 400 syndicats dans les 5000 usines que compte le pays. Pour autant, la répression syndicale que continue d’exercer le gouvernement bangladais et les patrons d’usines témoigne d’un recul sévère des droits humains au travail. Les arrestations par les autorités bangladaises, les licenciements abusifs, les menaces et autres formes d’entraves à la liberté d’organisation, demeurent des pratiques courantes au sein des usines et limitent considérablement toutes velléités de revendications.

De décembre 2016 à avril 2017, des milliers de travailleurs qui avaient protesté pour une augmentation de salaires ainsi que les syndicats qui les défendent ont fait l’objet d’une sévère répression de la part des autorités bangladaises, alliées à la fédération patronale de l’habillement (BGMEA). En mesure de rétorsion, 59 usines ont été fermées, conduisant au licenciement de 1600 ouvriers, des plaintes non fondées ont été déposées par les autorités contre plusieurs centaines d’ouvriers, et au moins 34 travailleurs ou leaders syndicaux avaient été arrêtés et détenus pendant plusieurs semaines sans motif légal. Il a fallu des semaines d’actions de solidarité internationale pour les leaders soient libérés.

«  Avril 2018 : un front uni pour une augmentation du salaire minimum de 63 à 200 $
Prévue il y a 3 ans, n’ayant eu de cesse d’être repoussées depuis, des négociations salariales devrait enfin être organisées en 2018, sur la pression des syndicats et des partenaires internationaux du pays. Les syndicats lancent une mobilisation commune pour une augmentation du salaire minimum, dérisoirement faible, de 63 dollars, à 200 dollars (de 5 300 à 16 600 takas), somme minimum pour permettre aux travailleurs de vivre dignement du fruit de leur travail. Ce niveau de 200 dollars demeure encore inférieur au niveau de « salaire vital » défini pour le pays.
 »

Un accord UE/Bangladesh bafoué
Les événements de décembre 2016 avaient eu lieu quatre ans après la signature du « Sustainability Compact » par le Bangladesh. Conclu dans le cadre du Système Préférentiel Généralisé de l’Union Européenne, cet accord octroie au pays des avantages tarifaires spéciaux pour l’ensemble des produits (à l’exception des armes) exportés au sein du marché communautaire. En échange, le gouvernement bangladais s’est engagé à respecter les conventions fondamentales de l’OIT. Or les violations des droits humains au travail s’intensifient au Bangladesh ; le gouvernement bangladais ne tient pas ses engagements dans le cadre du « Sustainability compact », sans que l’Union Européenne ne réagisse.

Le Collectif Ethique sur l’étiquette et son réseau Clean Clothes Campaign demandent l’ouverture d’une enquête commerciale par l’Union européenne pouvant conduire à la prise des sanctions, nécessaires pour un respect effectif des droits humains au travail au Bangladesh.
>www.cleanclothes.org/resources/publications/european-union-and-the-bangladesh-garment-industry-the-case-for-a-trade-investigation/view

Au Bangladesh, l’Accord a permis de sécuriser une grande partie des usines de confection ; une priorité : signer sa prolongation

Au Bangladesh, c’est sur le plan de la sécurité que les progrès ont été les plus significatifs. En réponse aux enjeux chroniques d’insécurité des usines au Bangladesh, qui ont conduit à l’effondrement du Rana Plaza après de nombreux précédents (comme Tazreen, en décembre 2012, dans l’incendie de laquelle 112 ouvrières ont péri), le Collectif Ethique sur l’étiquette, la Clean Clothes Campaign et les syndicats bangladais ont proposé dès 2012 aux donneurs d’ordres internationaux la signature d’un accord contraignant visant à sécuriser les usines de confection dans le pays : L’Accord pour la sécurité incendie et la sécurité des usines (the Accord). Dédaigné par les marques et distributeurs internationaux de l’habillement dans les mois précédent le drame, l’effondrement du Rana Plaza les a conduit à répondre aux injonctions de la société civile et à le signer.
Sous la pression publique – 1 million de pétitionnaires au niveau international en une semaine – H&M, chantre de la fast fashion et plus grand acheteur d’habillement au Bangladesh, devient le 14 mai 2013 la première multinationale signataire de l’Accord. Elles sont 220 à l’avoir signé depuis.
> www.ethique-sur-etiquette.org/Bangladesh-31-marques-signent-l,283

Transparent, indépendant et juridiquement opposable, l’Accord, signé entre les multinationales et les syndicats bangladais et internationaux, contraint les multinationales signataires à financer un système indépendant d’inspection des usines de leurs fournisseurs, et organise la conduite des rénovations, tout en garantissant l’emploi et les salaires des ouvriers en cas de fermeture d’usine. Placé sous l’égide neutre de l’OIT, il couvre 1600 usines et concerne plus de 2 millions de travailleurs de l’industrie.

L’état d’avancée des inspections et des réparations, les rapports, les plans d’actions correctives sont publiés de manière régulière sur le site de l’Accord : http://bangladeshaccord.org/progress/
Durant les cinq années de sa mise en œuvre, l’Accord a amélioré la sécurité de 2 millions de travailleurs de la confection dans 1.631 usines. Les inspections ont identifié plus de 130 000 problèmes de sécurité. A ce jour, 84% ont été résolus. L’Accord a également traité 197 plaintes de travailleurs relatives à la sécurité dans leur usine.

«  L’Alliance une initiative concurrente non contraignante
27 multinationales majoritairement nord-américaines ayant refusé de signer l’Accord, jugé trop contraignant, ont créé un dispositif parallèle, l’Alliance : www.bangladeshworkersafety.org
L’Alliance affiche le même objectif de résoudre la question des risques structurels liés à la sécurité des usines au Bangladesh. Alors que l’Accord rassemble plusieurs parties prenantes avec une place importante accordée aux représentants des travailleurs et un haut degré de transparence, l’Alliance est un dispositif piloté par les entreprises pour les entreprises, non transparent et non contraignant. Aucune information détaillée n’est fournie sur les avancées des réparations et les ouvriers ne disposent d’aucun système de contrôle pour déterminer le niveau de risques auxquels ils sont exposés.
Cf notre publication sur les dysfonctionnements de l’Alliance :
>www.ethique-sur-etiquette.org/IMG/pdf/rapport_2016_-_alliance_accord_-_version_anglaise_.pdf
 »

Arrivant à échéance en mai 2018, l’Accord a permis des avancées incontournables. Il n’a pourtant pas rempli la totalité des objectifs qu’il était fixé en 5 ans : certaines réparation ont pris du retard et la concertation avec les travailleurs doit être renforcée. Dans le but de pérenniser les avancées, étendre son champ d’action et permettre une transition vers un système géré par les autorités du Bangladesh, le syndicats se sont mis d’accord pour l’élaboration d’un Accord n°2, pour une durée minimum de 3 ans.

L’Accord 2018 comporte des moyens renforcés pour la participation et la formation des travailleurs. Il vise à installer un comité de prévention et sécurité au travail dans chaque usine couverte. Il étend également son champ : les entreprises signataire peuvent ajouter leurs fournisseurs de textile (tissus, fabrication de linge de maison) aux coté des usines de confection.

L’Accord 2018 est un accord de transition. Il vise en effet à gérer la transition vers un régime public d’inspection du travail géré par les autorités du Bangladesh, comme prévu par le gouvernement au sein de son Plan d’action national (PAN), en coopération avec l’OIT.

140 entreprises ont déjà signé l’Accord 2018, parfois spontanément, dans la continuité de leur engagement précèdent, parfois après notre interpellation. De très nombreuses manquent encore à l’appel. Signer ce nouvel Accord est désormais une priorité.
>www.cleanclothes.org/safety/no-one-should-risk-their-life-at-work-which-companies-have-not-signed-the-2018-bangladesh-accord

Le Collectif Ethique sur l’étiquette appelle les marques et distributeurs n’ayant pas encore signé ce nouvel Accord, à le faire sans délai. Aucune entreprise ne peut se clamer responsable si les mesures de prévention des risques ne sont le fruit que de l’interpellation publique.
Ce dernier fait partie des mesures attendues de vigilance, dans le cadre de la loi française sur le devoir de vigilance.

Une indemnisation totale des victimes, mais un accès à la justice incomplet

La mobilisation internationale pour une indemnisation juste et complète des victimes avait permis la signature, en novembre 2013, d’un accord fondé sur la convention 121 de l’OIT, établissant un schéma d’indemnisation des victimes pour les pertes de revenus et les frais médicaux, the Arrangement. En janvier 2014, le fonds d’indemnisation associé à l’Arrangement, le Rana Plaza Donors Trust Fund, était lancé. Ouvert à tout contributeur – organisation, entreprise, Etat ou individu – qui souhaiterait soutenir l’effort d’indemnisation des victimes, il collectait les fonds issus de plusieurs sources.

En juin 2015, après 2 ans de mobilisation internationale, dont une campagne visant Benetton, acheteur central et refusant jusqu’alors de contribuer à l’effort d’indemnisation malgré sa responsabilité avérée, le Rana Plaza Donors Trust Fund atteignait les 30 millions de dollars nécessaires pour assurer une indemnisation complète des victimes.
> http://ethique-sur-etiquette.org/Victoire-pour-les-ouvriers-du-Rana-Plaza
> http://ethique-sur-etiquette.org/Rana-Plaza-2-il-y-a-des

Au total, le Fonds d’indemnisation a versé en direct 19 millions de dollars aux victimes et à leurs familles, soit près de 3000 personnes. Ces sommes sont à ajouter aux fonds initialement versés par le gouvernement bangladais et ceux versés par le distributeur Primark quelques semaines après le drame, pour un montant oscillant entre 6 et 14 millions de dollars selon les données disponibles. Le fonds d’indemnisation ne prévoit pas de versement de dommages et intérêts pour le préjudice subi, qu’il revient aux victimes de réclamer par le biais de procédures judiciaires.

Le Collectif Ethique sur l’étiquette avait fortement regretté qu’aucune obligation n’ait pu être imposé, au terme des négociations, aux multinationales dont la présence au Rana Plaza était avérée, quant à leur contribution au fonds d’indemnisation. La réparation fait partie intégrante de l’obligation de vigilance qui incombe aux acteurs économiques. La décorrélation entre la responsabilité du donneur d’ordre dans le drame et l’effort d’indemnisation, renforcée par la possibilité pour ces derniers de conserver l’anonymat comme de ne pas divulguer le montant versé, ne contribue pas à garantir un accès des victimes à la justice, ni à la mise en œuvre de mécanismes efficaces de prévention d’atteintes aux droits humains ou à l’environnement causées par l’activité des multinationales.

« Auchan – Une plainte pour pratiques trompeuses toujours en suspens
Un an après le drame, Le Collectif Ethique sur l’étiquette, Sherpa et ActionAid - peuples solidaires déposaient une plainte conjointe contre le distributeur, dont des étiquettes de sa marque propre « In Extenso » avaient été retrouvés dans les décombres du Rana Plaza, pour pratiques commerciales trompeuses, la communication d’Auchan sur ses engagements éthiques étant de nature à tromper le consommateur. 4 mois après le dépôt de cette plainte, soit 16 mois après le drame, Auchan annonçait enfin contribuer au fonds d’indemnisation des victimes, sans toutefois reconnaître sa responsabilité.
>http://ethique-sur-etiquette.org/Auchan-un-premier-pas-bienvenu

Classée sans suite en janvier 2015, nos organisations se sont constituées parties civiles lors d’une nouvelle plainte déposée au TGI de Lille le 10 juin 2015.
Cela fait bientôt 3 ans, et l’enquête stagne. Alors que le juge d’instruction a mandaté une commission rogatoire internationale, à ce jour, les autorités françaises demeurent silencieuses sur la suite donnée à cette demande, malgré nos interpellations et celles de notre avocat.
Nos organisations interpellent publiquement le ministère des Affaires Etrangères afin qu’il donne au juge et à nos organisations les informations relatives à la suite donnée à cette commission rogatoire internationale. >http://ethique-sur-etiquette.org/Plainte-Auchan-Les-associations-se»

Voir le site du collectif Éthique sur l’étiquette