Le Kosovo, un État sans État

Quels espoirs pour la société kosovare ?

, par Forum Réfugiés

En 2021, la Commission européenne constate que le Kosovo a réalisé des « progrès modestes » pour mettre en place un véritable État de droit. Le pays en est encore à la phase initiale de mise en place d’un système judiciaire efficace. L’administration générale de la justice reste lente, inefficace et vulnérable à une influence politique indue [1].

Selon le rapport 2022 de l’Ambassade suisse au Kosovo, le Kosovo est le pays le plus pauvre des Balkans et le troisième pays le plus pauvre d’Europe. Les ménages les plus vulnérables sont particulièrement affectés par l’inflation : l’indice des prix à la consommation, passé de 0,2 % en 2020 à 3,2 % en 2021, continue d’augmenter. Le chômage atteint près de 50 % chez les 15-24 ans [2].

La part importante de la criminalité et de la corruption constitue la principale entrave au développement économique du Kosovo. Sans réseaux, il est impossible de trouver un travail, la corruption étant largement répandue dans toutes les sphères de l’administration, de la justice à la santé. À cela s’ajoutent les infrastructures en très mauvais état et les ressources énergétiques insuffisantes [3].

Pourtant, le Kosovo ne manque pas de ressources : un territoire riche en ressources minières, notamment en lignite, et aux terres fertiles. Ces ressources sont largement sous-exploitées, ou mal exploitées. En 2009, un scandale éclate, lorsque le média Balkan Insight révèle qu’une des principales usines de production d’électricité importe en grande quantité du lignite, celui produit au Kosovo n’étant pas d’une qualité suffisante.

Le Kosovo est le pays le plus jeune d’Europe. Si une telle pyramide des âges est l’assurance d’un dynamisme économique, le marché de l’emploi est tellement saturé que les jeunes sont, au contraire, dans une situation de précarité extrême. Les dirigeant·es kosovar·es regrettent que leurs citoyen·es ne bénéficient pas d’une liberté de circulation plus large au sein de l’espace Schengen. Pendant de nombreuses décennies, l’émigration a été, en Yougoslavie, un moyen de contrer la précarité économique, grâce aux transferts d’argent et aux investissements de la diaspora. Cette pratique a été encouragée par les autorités yougoslaves et bénéficiait également aux pays occidentaux qui manquaient de main d’œuvre. Aujourd’hui, la jeunesse kosovare émigre, mais bien souvent pour se trouver en situation irrégulière dans les pays d’Europe occidentale. Une situation qui ne leur permet pas de faire profiter leur famille de leur émigration.

Ces dispositifs d’exception semblent cependant devoir perdurer. Le développement du Kosovo nécessite une véritable politique d’intégration au sein de l’espace européen : pour cela, la normalisation des relations avec la Serbie est essentielle et indispensable. La Serbie ne semble pourtant pas prête à reconnaître l’indépendance du Kosovo, et l’Union européenne continue de réclamer des avancées, notamment sociales et sociétales : des préoccupations perdurent, notamment dans le domaine de la lutte contre les discriminations à l’égard des minorités ethniques (Roms, Ashakali·es, Égyptien·nes) et sexuelles. Les discriminations envers les femmes sont encore également fréquentes et la violence domestique n’est pas suffisamment combattue. Si la capitale Pristina ressemble de plus en plus à n’importe quelle capitale européenne au niveau des mœurs, la campagne kosovare n’a pas suivi. Les femmes y sont souvent reléguées à un rôle inférieur aux hommes et les mariages forcés restent fréquents.

La Représentante spéciale du Kosovo au Conseil de sécurité de l’ONU l’a souligné le 20 avril 2022 : « le Kosovo est plus que jamais dépendant de l’état de son dialogue avec la Serbie » [4]. Malgré des dialogues et des efforts de stabilisation menés depuis plus de 10 ans, le pays reste empêtré dans de multiples conflits entre Kosovar·es et Serbes. Les affrontements de mai 2023 dans les régions du Nord font craindre une nouvelle escalade dans les violences.