Ce que la pensée décoloniale peut apporter à l’ECSI

Qu’entend-on par "pensée décoloniale" ?

Du côté de l’ECSI N° 31 – juin 2020

, par ritimo

La pensée décoloniale a émergé, depuis environ trente ans, à partir d’un collectif de pensée formé initialement en Amérique du Sud. Elle se différencie dans son approche de celle proposée par le postcolonialisme.

Elle dénonce une décolonisation incomplète dans laquelle les hiérarchies raciales, économiques, de genre persistent. Elle remet en cause l’eurocentrisme et dénonce une hégémonie économique et culturelle, prônant le recours à des savoirs pluriversels qui rendraient mieux compte de la diversité du monde et de l’hétérogénéité des connaissances.

Elle postule que, malgré l’obtention de l’indépendance pour de nombreux pays, des rapports de pouvoirs subsistent aujourd’hui encore entre les anciennes métropoles et anciennes colonies et que, dans le système de gouvernance mondial, les pays de la périphérie (le Sud global) sont maintenus en position de subordination (par le biais du FMI ou de la Banque mondiale, par exemple).

Partant du principe que le capitalisme n’est pas seulement un système économique, mais bien un réseau de pouvoir global, intégré par nos procédés économiques, politiques et culturels, elle adopte une approche très largement intersectionnelle : elle s’intéresse au croisement des oppressions, liées à la classe sociale, au genre, aux origines et elle vise à élargir les analyses.

Le collectif « Décoloniser les arts » s’est saisi de la question décoloniale dans la représentation de l’histoire commune (ce que les musées en disent), mais aussi dans la langue française.
En 2016, il propose un lexique pour « changer de vocabulaire ». Par exemple :
« Racisation : ensemble de discriminations et de persécutions reposant sur des critères raciaux. Les mots sont durs mais ce n’est pas parce que les races n’existent pas que le racisme ne sévit pas. Il s’agit de savoir le nommer pour pouvoir le combattre. »

De son côté, l’IRESMO (institut de recherche qui a pour objet d’étude, entre autres, l’éducation populaire et les mouvements sociaux) propose aussi une page de vocabulaire décolonial, pour mieux appréhender différents concepts. Les définitions de la « colonialité » du pouvoir, du savoir et du genre sont, par exemple, proposées :
« Colonialité du pouvoir (Quijano) : la colonialité du pouvoir désigne un régime de pouvoir apparu avec la modernité coloniale, mais qui n’a pas disparu avec la décolonisation. Ce régime de pouvoir s’appuie sur une racialisation du travail dans le système capitaliste et l’expansion de l’État-nation. »