Commerce équitable : une démarche durable

Producteurs et productrices, partenaires du mouvement

, par CDTM de Paris

Filières internationales

Dans les pays du Sud, à l’origine le mouvement du commerce équitable cherchait à améliorer les conditions de vie de très petits groupements de cultivateur·rices ou d’artisan·es très isolé·es et exclu·es (femmes seules, handicapé·es…) Petit à petit, le cahier des charges s’étoffant, sont arrivées des organisations plus importantes et organisées, quoique marginalisées et situées dans des régions éloignées des marchés. Les membres de ces organisations peuvent être des petit·es producteur·rices travaillant sur de petites surfaces agricoles ou des artisan·es. On compte aussi des travailleur·ses de grandes exploitations agricoles. C’est le cas, par exemple, des exploitations de thé en Inde ou au Sri Lanka et des exploitations de fruits au Brésil.

Commerce équitable origine France

Depuis 2014, la loi sur l’économie sociale et solidaire [1] permet d’adapter les principes du commerce équitable aux acteur·rices français·es. Même si le contexte est un peu différent, de nombreux·ses agriculteur·rices, en France, vivent des situations d’exclusion et de grande pauvreté. D’autres, par choix, veulent s’éloigner d’une agriculture intensive destructrice et produire à échelle humaine dans le respect de l’environnement. Très vite, de nombreux producteur·rices, coopératives, entreprises ont rejoint cette filière. Ils et elles sont signataires d’une charte de commerce équitable origine France [2] qui reprend les critères de la charte internationale mais adaptée aux réalités locales.
Producteur·rices du Sud ou producteur·rices du Nord, tou·tes ont en commun la volonté de vivre de leur travail. Ils et elles sont propriétaires, salarié·es, travailleur·ses saisonnier·ères, travailleur·ses immigré·es... Ils et elles travaillent en groupements (coopératives, unions, ONG…) et cette organisation collective et démocratique renforce l’efficacité de leurs actions et leur pouvoir de négociation.

De nombreux produits

Que ce soient les filières internationales ou les filières origine France, l’offre des produits équitables s’est élargie. Après le café, le chocolat et la banane, produits phares des débuts du commerce équitable, se sont ajoutés de nombreux produits alimentaires : thé, riz, sucre, quinoa, fruits exotiques, jus de fruit, miel, épices, alcools, noix de cajou, vanille… ainsi que des produits transformés (biscuits, confitures…) et également des produits non alimentaires comme des fleurs, des vêtements et linge de maison en coton équitable, des cosmétiques, de l’artisanat, des bijoux. On trouve aussi de l’or équitable labellisé par Fairtrade ou Fairmined. À cette liste, il faut ajouter le Fairphone fabriqué par une entreprise néerlandaise où certains composants sont certifiés équitables. Le tourisme équitable et solidaire est également un secteur d’activité du mouvement équitable.

La prime de développement

La prime de développement (« Faire Trade Premium ») prévue, pour les organisations productrices, par le cahier des charges du commerce équitable est destinée à l’amélioration des conditions de vie de la communauté, comme la création d’une école, d’un dispensaire, l’accès à l’eau ou l’amélioration des moyens de production ou de communication. Cette prime est gérée démocratiquement par les organisations. Elle est une aide efficace à l’amélioration des conditions de vie de la communauté. Le rapport de Fairtrade International [3] estime que, pour l’année 2018, cette prime s’élevait à 188,8 millions d’euros au niveau mondial.

L’appui des deux principales fédérations d’acteur·rices

Ces organisations productrices, pour une grande majorité d’entre elles, sont membres de l’une des deux grandes fédérations mondiales de commerce équitable qui les aident à trouver des débouchés sur les marchés, organisent la certification des produits et/ou des organisations engagées et participent aux actions d’éducation et de plaidoyer.

Fairtrade International est une organisation mondiale de commerce équitable. Elle compte 1 700 organisations productrices dans 73 pays, ce qui représente environ 1,7 million de producteur·rices qui font vivre plus de 10 millions de personnes. 35 000 produits labellisés Fairtrade/Max Havelaar sont vendus dans le monde (rapport Fairtrade International 2018-19). Fairtrade International labellise les produits pour une vente la plus large possible et accepte les ventes dans les circuits de grande distribution.

WFTO, World Fair Trade Organization regroupe 400 organisations dans 70 pays dont toutes les activités sont équitables, ce qui concerne près d’un million de personnes. WFTO labellise les organisations et/ou les produits. Elle privilégie la vente des produits dans les réseaux de distribution spécialisés. Cependant certains de ses membres acceptent la vente en grande distribution. WFTO travaille avec plusieurs associations d’artisan·es.

Au total, environ 2,5 millions de producteur·rices [4] collaborent à l’un de ces deux réseaux, très attentifs à la promotion des femmes et également à la place des jeunes afin qu’ils et elles assurent la relève. Les organisations mondiales de commerce équitable ne se limitent pas à trouver des débouchés et à labelliser les produits ou les organisations productrices. Elles cherchent à renforcer en compétences et en moyens (formations, techniques, accès à des financements…) les organisations productrices. Tout dernièrement, devant les risques climatiques de plus en plus fréquents, Fairtrade International a instauré une assurance spécifique pour les producteur·rices. L’organisation belge Trade for Development Centre accompagne les associations berbères cultivant l’argan, dans le Sud marocain, en marketing et gestion. Depuis 2016, le programme Équité, mené conjointement par Commerce Équitable France, l’Association Agriculteur·rices et Vétérinaires sans Frontières et Fairtrade Africa a pour objectif de renforcer les capacités des organisations de producteur·rices insérées dans des dynamiques de commerce équitable en Afrique de l’Ouest. Ce programme propose des innovations agroécologiques pour une adaptation au changement climatique et une amélioration des revenus. Après une expérience de trois années, il s’avère que des prix stables et rémunérateurs sont des facteurs d’accélération de la transition écologique. Les résultats sont suffisamment encourageants pour prolonger et élargir le projet.

Des producteur·rices partenaires du système équitable

Dans le commerce équitable, la relation commerciale est fondée sur un partenariat de longue durée. Les organisations productrices sont donc des partenaires et non des bénéficiaires d’un système. C’est pourquoi ces organisations du Sud participent, à parité, avec celles du Nord, aux instances décisionnelles de Fairtrade International. Quant à WFTO (World Fair Trade Organization), il regroupe plus de producteur·rices du Sud que d’acteur·rices du Nord.

Un prix juste et un revenu vital

Dans le marché conventionnel, les producteur·rices voient d’année en année leur revenu diminuer et leur part dans la chaîne de valeur se réduire. Les producteur·rices de cacao de Côte d’Ivoire recevaient 16 % de la chaîne de valeur dans les années 1980, ils et elles n’en reçoivent qu’à peine 6 % aujourd’hui. C’est identique pour d’innombrables petit·es producteur·rices de café, de thé… qui perçoivent un revenu bien souvent inférieur au coût de production et/ou au revenu vital. Résultats : les producteur·rices ne peuvent améliorer leurs pratiques, utilisent des produits chimiques, déforestent, font appel au travail des enfants, sont dans l’incapacité d’investir, dégradent leur l’environnement, polluent l’eau… Ce cycle infernal maintient les producteur·rices sous le seuil de pauvreté, voire détruit les filières au détriment des jeunes qui ne peuvent - ou ne veulent - reprendre l’exploitation.

Dans le commerce équitable, le « prix juste » est le critère le plus connu sur lequel s’est construit le mouvement. Lors des engagements entre l’organisation productrice et l’organisation acheteuse, ce prix est établi en concertation avec l’ensemble des participant·es à la production et basé sur un prix minimum. En général, il est au-dessus du cours mondial du produit et, si ce cours augmente, il est convenu alors de s’y référer. Son calcul est souvent basé sur les coûts de production auxquels on ajoute les coûts de vie, mais il peut aussi être en référence au revenu vital du secteur qui est, le plus souvent, au-dessus du revenu légal. Cette notion de prix juste ou de revenu vital est largement débattue au sein des organisations de commerce équitable et a donné lieu à de nombreuses études et recherches.

Les impacts pour les producteur·rices

Afin d’évaluer les impacts du commerce équitable sur les groupes de producteur·rices, des expertises sont régulièrement menées. Les résultats sont assez variables suivant le contexte régional, la taille et la structure des organisations. On constate, en règle générale, que les paysan·nes et artisan·es ont amélioré leur revenu et ont une meilleure sécurité financière, donc un avenir plus apaisé. La prime est un élément essentiel pour l’amélioration des conditions des producteur·rices qui peuvent vivre correctement de leur activité et ne sont pas tenté·es par une migration urbaine, voire un exode plus lointain. Ces groupes ont surtout réussi à améliorer leurs capacités organisationnelle, technique, sociale et politique, et participent localement au développement durable. Ils accèdent davantage à l’information et sont donc mieux armés face au marché. L’exigence d’un fonctionnement démocratique (gouvernance) profite notamment aux femmes qui ont acquis une place et des compétences reconnues par la communauté, même si la lutte contre les discriminations reste un combat permanent.

Cependant des limites et des critiques existent. Dans son évolution actuelle et vu la complexité du cahier des charges et des démarches pour la certification, les producteur·rices les plus pauvres n’ont plus accès à ce système exigeant qui, pourtant, leur était destiné au début du mouvement équitable. Les prix minimaux ont du mal à s’adapter suffisamment rapidement aux fluctuations du marché et parfois ne peuvent être appliqués. La concurrence sur un même produit labellisé équitable se fait au détriment des producteur·rices et une part de la production peut ne pas être achetée au prix convenu.