L’immigration en France : histoire, réalités et enseignements…

Problématiques interculturelles

, par ASIAD , M’BODJE Mamadou

Guide de survie pour répondre aux préjugés sur les migrations
Illustration de Claire Robert

Cette fiche tente de présenter, à partir des éléments abordés précédemment, à quel point il devient difficile de poser les conditions d’un projet d’accompagnement individuel ou collectif, en faveur de l’accès aux droits des étrangers.

Il est certes évident que l’accompagnement social ne peut satisfaire à toutes les exigences, même s’il tente, en ce qui concerne l’espace e.i.f.é (espace-information-formation-échanges) de l’ASIAD, de développer une atmosphère d’ouverture et de respect dans laquelle il soit possible d’évoquer les différences pour faciliter un travail interculturel avec le public.

Cette démarche de médiation interculturelle bute sur les choix politiques répressifs qui semblent s’installer durablement en France et en Europe.

En l’espace de quelques semaines, avec un point culminant dans les premiers jours suivant l’élection présidentielle de 2012, un concours fortuit d’évènements a mis (à nouveau) en évidence la question de l’immigration en France. Des démarches et des discussions sur les droits et sur les mesures et les projets, ont mis en évidence la notion d’intégration et la réalité des « limites » des textes et des dispositifs en sa faveur.

Cette réalité conduit à la nécessité de la négociation et du débat. Les points de vue de part et d’autre, étant divergents, ils convient d’en parler, de les verbaliser, pour faire apparaître ce que la raison du droit peut accepter. En l’occurrence, plusieurs catégories d’interlocuteurs sont concernés : les pouvoirs publics et les intéressés, immigrés ou réfugiés, société civile, l’ensemble des français eux-mêmes, à qui il faut fournir des explications ainsi que les immigrants potentiels, qu’il s’agit de dissuader de courir une aventure illusoire.

Qui dit négociation dit, en même temps, connaissance des faits et des problèmes. Or, actuellement comme on le constate, cette condition n’est pas bien remplie. Qu’il s’agisse de chiffres, de souvenirs historiques ou de projets d’avenir, les fantasmes tiennent lieu souvent de réalités, le manque de perspectives fausse les données et conduit à des impasses.

Un débat sérieux ne serait-il donc pas possible ? Il consisterait pour éviter les amalgames, à distinguer et à reconnaître les situations ou statuts divers des étrangers en France et en Europe. On y parlerait bien des besoins de main d’œuvre pour les entreprises françaises mais aussi des besoins des populations dans les pays d’origine. On aiderait les citoyens à faire des choix fondés et à prendre leur part à l’action, si modeste soit-elle. On s’apercevrait peut-être que la France est bien capable d’accueillir une partie notable de migrants.

Parmi les éléments apparus pêle-mêle dans les propos de ces derniers temps (qui nous permettront d’aborder plus loin la question des migrations internationales), il en est un qui revient périodiquement. Il vaudrait mieux, dit-on à droite ou à gauche, fixer la main d’œuvre dans les pays d’origine plutôt que de l’inciter à venir travailler ici. Dès lors, l’effort à entreprendre consisterait à apporter à ces pays une aide substantielle pour réaliser cette politique d’emploi sur place.
Paroles vaines et généreuses, mais dont la répétition n’équivaut pas à un débat de réalisation, si ce n’est la remise de certaines dettes qui, en elle-même n’est pas un programme novateur. A part la référence rituelle au plan Marshall, toujours rappelé comme un modèle d’assistance, les intentions des gouvernements ne sont guère explicites sur la réalité d’une aide aux pays pauvres, censé diminuer les flux migratoires.

Qui donc, en effet, parle du prix à payer pour cette véritable reconversion ? Les pays d’Europe sont-ils prêts à consacrer une part plus importante de leurs ressources aux pays du Sud ? Où et par qui s’exprime une telle volonté politique ? Qui expliquera aux peuples européens le sens d’un tel effort ? Soucieux de nos privilèges, de notre niveau et de notre mode de vie, qui, parmi nous, est prêt à y consentir ?

Pourtant l’histoire prévisible, le souci de notre sécurité, la crise actuelle et la nécessaire solidarité humaine sous l’effet de la crise (des citoyens européens émigrent vers certains pays du continent africain à la quête d’un emploi) nous commandent de rester ouverts plutôt que de transformer les limites de notre histoire et de notre géographie en murs d’indifférence.

Les migrations internationales

Contrairement aux apparences : les majorités des migrations s’effectuent entre pays du Sud. Ces flux de populations traduisent les inégalités économiques mondiales et les soubresauts politiques de la planète. Entre le Nord et le Sud, le fossé des niveaux de vie, des situations démographiques et démocratiques alimente en permanence les migrations …. au gré des filières de passage et de législations. Les obstacles juridiques et policiers imposent dans bien des cas des retours prématurés, transits forcés et rebonds imprévus.

Les fractures géopolitiques telles que celles provoquées par les guerres, les crises économiques et politiques jettent les populations sur les chemins de l’exil ou les conduisent à rechercher un avenir meilleur ailleurs. Séparant le monde pauvre et éruptif des zones prospères et stables, trois lignes de fractures déchirent le monde des migrations : le Rio Grande au Mexique, la Méditerranée et la mer de Chine. Barrières aquatiques, elles sont autant d’obstacles à franchir pour les candidats à l’émigration.

Les raisons et les moyens de fuir se multiplient, l’attrait des régions prospères se renforce. Le monde industrialisé, des États-Unis à l’Australie en passant par l’Europe, est marqué par l’accélération et la mondialisation des flux migratoires. L’évolution vers un marché unique planétaire pousse à la mondialisation des flux humains, au drainage des élites professionnelles et à l’organisation de migrations polarisées sur les mégapoles intégrées au système économique international.

Ces migrations encouragées par la globalisation de l’économie, se heurtent de plus en plus à la volonté des États de contrôler les entrées. Au libéralisme triomphant dans les échanges de marchandises et d’informations, s’oppose un protectionnisme visant la circulation des hommes, non seulement dans les pays riches mais aussi dans les pays pauvres, qui expulsent parfois sans ménagement les immigrés jugés indésirables…

Cette contradiction s’avère particulièrement incompréhensible pour les populations qui restent comme « assignées à résidence » alors que les pays nantis ouvrent entre eux des espaces de fluidité accrue et placent la « liberté d’aller et venir » parmi les droits de l’Homme qu’ils entendent exporter. La multiplication des migrations irrégulières est l’une des conséquences de cette situation.

La mondialisation ne peut qu’inciter à la migration, notamment clandestine, dans un contexte de frontières quasi closes : la déstabilisation des sociétés, causée par les restructurations économiques, poussera davantage de personnes hors de leurs pays d’origine et les incitera à trouver du travail à l’étranger. L’énormité du fossé explique les risques que beaucoup de personnes n’hésitent pas à prendre en migrant clandestinement, surmontant les obstacles juridiques et policiers destinés à empêcher leur venue et leur installation, parfois au péril de leur vie, comme en témoignent les drames que nous connaissons.

Tous les pays européens affichent des législations et des systèmes de répression féroces contre l’immigration illégale et le trafic des êtres humains. Ces dispositions soutenues par des discours musclés contrastent cependant avec la relative tolérance dont bénéficient, dans les faits, les employeurs recourant illégalement mais avantageusement à la main-d’œuvre étrangère.

Aujourd’hui, toutes les lois européennes adoptées, notamment à partir des années 2000 (le principe de Schengen est repris à l’échelle de tous les pays de l’UE à partir de 1999) en matière d’immigration et d’asile sont fondées sur une politique de lutte contre l’immigration. On voit alors l’augmentation phénoménale du budget de l’agence Frontex et le déploiement d’un processus qui répond à des intérêts qui dépassent largement la question migratoire pour devenir un marché lucratif pour tout ce qui concerne l’externalisation/délocalisation des contrôles.

A ce jour, à l’exception du Mali, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest qui n’ont aucune marge de manœuvre pour résister à la pression de l’UE, font le travail de garde-frontières, en acceptant de collaborer ainsi à sa politique migratoire délocalisée dans les pays d’origine des migrants, au mépris du droit. On voit ainsi s’amplifier les réflexes défensifs mettant en avant la peur de la perte de leur souveraineté que les défenseurs de ces politiques migratoires énoncent comme étant le moyen de lutte contre la menace et l’invasion qu’entraînerait un monde sans frontières.

De son côté, l’État français, dans son action de gestion des flux migratoires initiée dans les années 70 et qui perdure sous différentes formes, a trouvé le moyen de s’appuyer sur la contribution des migrants à l’essor de leurs pays d’origine pour y greffer la question de la réinsertion des étrangers dans leurs pays en particulier en mobilisant leur épargne et en renforçant ses effets sur le développement des pays ayant des liens migratoires avec la France.

Le rapport de septembre 2008 d’Eric Besson, alors Secrétaire d’État chargé de la prospective de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, s’intéresse aux transferts financiers des migrants à partir des flux financiers en direction de trois pays en particulier : le Maroc, le Mali et le Sénégal, pour soutenir l’aide à la réinstallation dans le pays d’origine.
L’élaboration du rapport intitulé « Les migrants, acteurs du développement solidaire. Soutenir les initiatives des migrants en faveur du développement de leur pays d’origine », a fait l’objet de plusieurs rencontres avec des responsables d’ONG, de Ministères, de Banques, comme : la Banque Africaine de Développement, la Maison de l’Afrique, le Crédit Coopératif, Planet Finance, Epargne sans frontières, le Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques (GRET), le Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (FORIM), Coordination Sud, Partenariat eurafricain, Migrations et Développement, Programme Solidarité Eau (PsEau), Cités Unies, etc.

Il vise, tout en s’appuyant sur le cadre des accords de réadmission de l’UE, à renforcer le cadre de la politique française de développement solidaire qui participe à une meilleure gestion des flux migratoires, avec le co-développement comme une des modalités.

Sans dire que les structures rencontrées soutiennent la démarche de gestion des flux migratoires, il faut simplement souligner ici, les incohérences de certains dispositifs qui s’adressent aux migrants porteurs de projets, comme le compte épargne co-développement créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, complété par le livret d’épargne pour le co-dévelopement créé par la loi sur l’immigration du 20 novembre 2007, dont l’objectif est de recevoir l’épargne de ressortissants de certains pays en développement, afin de financer des opérations concourant au développement de ces pays.

Dans ce cadre entre immigration - intégration, que vient faire l’aide à la réinstallation dans le pays d’origine et à la création d’entreprise pour le migrant qui a opté pour un retour définitif ? Si nous sommes dans le cadre d’étrangers expulsés, il devient étonnant de faire un lien entre l’intégration et des dispositifs qui visent finalement à répondre à une des missions de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) gestionnaire en partie, des dispositifs destinés à financer l’aide au retour des étrangers ayant fait l’objet d’un refus de séjour en France.

A aucun moment, le rapport ne s’attarde sur les difficultés que rencontrent les étrangers en France : logement, emploi, discrimination, etc. Comme si, l’alternative restait le retour dans le pays d’origine et que réussir l’intégration n’était qu’un slogan pour conclure un discours. En analysant ce rapport, on comprend l’effort porté sur les accords de réadmissions, la fermeture des frontières et l’externalisation des contrôles. On voit aussi comment la lutte contre l’immigration est devenue un marché lucratif et comment l’ensemble de ces dispositifs servent à contrer les défenseurs de la liberté de circulation, en pensant la politique de l’immigration uniquement sur la base de la fermeture des frontières.

Le renforcement des frontières européennes extérieures

C’est vers la fin des années 90 que la question des migrations a commencé à faire l’objet de politiques communes dans l’Union Européenne (UE) avec une politique migratoire qui tend de plus en plus à délocaliser les frontières extérieures de l’UE vers l’Est et vers le Sud, pour mieux repousser les migrants.

Les frontières physiques de l’Europe se sont progressivement déplacées pour permettre la libre circulation des personnes dans les États membres ; il s’agit d’un des principaux éléments du traité de Rome (1957). Cette décision de supprimer les contrôles à l’intérieur de l’espace Schengen en 1986 a été suivie depuis, d’une extension progressive de ce mécanisme qui concernera progressivement l’ensemble de l’UE, en-dehors de la Grande-Bretagne et de l’Irlande qui ont choisi d’en rester exclues.

Le renforcement de ses frontières extérieures est la contrepartie de cet espace sans frontières qui est devenu, depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, un axe majeur de la politique migratoire européenne, poussant le processus vers une nouvelle phase qui consiste à repousser ces frontières et à transférer les responsabilités de l’UE vers des pays tiers qui, bien souvent, ne sont pas en capacité politique ou économique de s’occuper correctement des migrants. L’ensemble de ce processus prend source dans les débuts de la mise en place de l’espace Schengen en 1990 et de l’initiative de la création d’un filtrage aux frontières par le biais d’une politique commune de visas, donnant au système Schengen, le pouvoir de fixer les modalités d’entrée dans son espace.

C’est ainsi que se met progressivement en place les contrôles en amont des frontières extérieures de l’UE. En 2004, il a été décidé la création d’un réseau d’officiers de liaison « immigration », constitué de fonctionnaires des États membres, détachés dans des pays tiers.
Ce réseau a pour objectif de lutter contre l’immigration illégale en procédant à des opérations de profilage, d’identification de faux documents, de repérage. Sa vocation première est de réduire la charge de contrôle à l’arrivée.

De la même façon, l’agence Frontex, dotée d’importants moyens financiers pour coordonner le contrôle aux frontières de l’UE, mène des opérations d’interception maritime en Méditerranée, mais aussi terrestre, notamment dans ce que l’on appelle la « frontière verte », une zone montagneuse située entre la Pologne et l’Ukraine.

Le principal instrument du déplacement des frontières, c’est l’externalisation des contrôles qui consiste à sous-traiter les opérations de blocage des migrants à des pays tiers qu’ils soient des pays de transit ou des pays de départ. Ce mécanisme est encadré par des accords de coopération, d’aide au développement ou de gestion concertée des flux migratoires. En 2002, au sommet de Séville, il a, en effet, été décidé, au nom de la lutte contre le terrorisme international, d’assortir tout accord commercial ou économique conclu par un État membre avec un pays tiers d’une classe migratoire qui prévoit un accord de réadmission.

L’objectif est d’inciter les pays de transit à arrêter les migrants en route pour l’UE. La clef de voûte de toutes les négociations menées depuis 2004, avec les voisins de l’Est et du Sud, relève de ce principe qui a aussi été intégré au Pacte d’asile et d’immigration de 2008. Les accords de réadmission bilatéraux vont souvent de pair avec l’octroi, par exemple, de visas pour les travailleurs provenant des pays concernés. C’est le cas notamment d’un accord entre l’Italie et la Tunisie.
L’Espagne pratique aussi cette politique avec son plan Afrique de 2006.

Cette politique a pour conséquence une augmentation de la tendance à entraver la mobilité des migrants dans leurs déplacements, quels qu’ils soient. Ainsi, certains pays, comme le Sénégal ou les pays du Maghreb, ont promulgué des lois visant à réprimer son seulement l’immigration illégale mais aussi l’émigration illégale au mépris des Droits de l’Homme.

Enfin, cette sous-traitance intervient dans des cadres politiques différents, qui dépasse des accords bilatéraux et de la politique de voisinage, ajoutant la dimension migratoire aux relations économiques et culturelles. Elle prend la forme d’une clause qui prévoit une participation au contrôle des flux migratoires et apparaît dans le dialogue euro-africain qui, pour son lancement en 2006 avait pour thématique : migrations et développement.

La problématique immigration - développement

Cette problématique a fini par sortir de l’ombre dans les années 90. Dans le contexte ambigu du débat politique sur la « maîtrise des flux migratoires », exacerbé par l’extrême droite, la question, désormais posée publiquement, s’en est trouvée retournée : « le développement peut-il freiner l’immigration ? ». D’où un risque de confusion et d’utilisation de l’espoir du développement comme alibi d’une politique musclée de reconduites à la frontière de sans-papiers. Il faut donc avoir le souci de distinguer deux problématiques complémentaires :

  • L’immigration au service du développement ? : Les migrations internationales suscitent et canalisent d’importants transferts financiers. Ces transferts financiers donnent-ils des signes de décollage économique ?
  • Le développement, frein à l’émigration ? : Peut-être sur le long terme, en fonction de la poursuite et de l’évolution de processus de développement.
  • L’argument du développement (et du co-développement) n’est pas recevable pour justifier des politiques restrictives. D’où la nécessité de clarifier (renforcer) les droits des migrants dans ce contexte de contrôle des flux et de fermeture des frontières, par des dispositions claires.
    Il faut sortir de l’image caricatural de l’immigrant qui, désirant s’approprier les avantages de la société du Nord, s’installe dans le pays d’accueil, prenant la place des autochtones.

Par ailleurs, l’insertion dans la nouvelle société n’est guère facile. Sur le plan économique, c’est souvent une situation d’exploitation qui prévaut vis à vis des heures de travail, du salaire, et de l’absence de couverture sociale pour les illégaux. Le logement et l’implantation se font dans des milieux marginaux, au sein des classes sociales subalternes.

Pour les femmes, il y a des problèmes spécifiques souvent liés aux secteurs économiques dans lesquels elles doivent s’inscrire, quand ce n’est pas la prostitution.
Pour les jeunes, se pose le problème de la scolarité, du manque de formation au travail. Du point de vue culturel, les difficultés linguistiques s’ajoutent aux problèmes économiques et sociaux. Enfin, politiquement parlant, l’absence de droits civiques est la règle, le phénomène étant plus grave encore pour les illégaux.

Deux grands types d’issues se dessinent pour réguler les flux migratoires, en fonction du bien-être des populations : d’une part, des solutions structurelles et de l’autre, conjoncturelles.

Sur le premier plan, c’est évidemment le développement local et auto-centré qui s’impose. Cela demande que les économies de la triade, centre du système capitaliste, mettent fin aux obstacles empêchant les économies de la périphérie de se déployer selon leurs normes propres et donc qu’elles cessent le pillage des sociétés périphériques. A cela devra s’ajouter un plan massif de coopération, permettant de corriger certains points faibles, notamment sur le plan des infrastructures.
Une régionalisation des économies de périphérie permettrait de placer ces dernières, au moins dans une période transitoire, dans un autre rapport de force face aux puissances économiques du centre.

À long terme, seule la définition d’un nouveau paradigme du développement permettra de sortir progressivement les sociétés périphériques de l’ornière, ce qui suppose l’adoption (par tous), d’une autre définition de l’économie, basée non sur la maximisation du profit, mais sur le bien-être collectif. Tout cela exige, en outre, l’approfondissement du caractère démocratique des pouvoirs politiques.
Enfin, une société régionale et un désarmement permettraient également de mettre fin à une hégémonie unipolaire, créant ainsi les conditions, non pas d’un arrêt des flux migratoires, mais leur régulation et leur humanisation.

D’un point de vue conjoncturel, on peut indiquer trois pistes. Tout d’abord la reconnaissance des droits civiques des migrants, en leur accordant le vote politique dans un délai raisonnable, c’est-à-dire court, ensuite celle des droits sociaux et notamment l’accès immédiat à la sécurité sociale, et enfin, celle des droits culturels, à l’encontre de toute attitude raciste. La charte de l’OIT, signée par un certain nombre de pays du Sud, établit une base solide à cet effet.

L’immigration n’est pas un phénomène nouveau sur la planète. Ce processus est, aujourd’hui, marqué du sceau de la mondialisation néolibérale. Il se conçoit soit comme une réponse aux besoins du marché, soit comme une tentative désespérée de fuir les effets négatifs produits par celui-ci. Dans le premier cas, il s’adresse à l’élite intellectuelle, économique ou sportive, tandis que dans le second cas de figure, il vise principalement les masses déshéritées en quête du pays de cocagne.

L’Afrique (subsaharienne) ne fait pas exception à cette dynamique mondiale. Nombreux sont, en effet, les Africains qui veulent partir de chez eux, quel qu’en soit le prix. On distingue une double immigration : intra-africaine et extra-africaine. Les causes sont essentiellement les mêmes dans l’un et l’autre cas. A l’échec des différents modèles de développement mis en place s’ajoutent différents facteurs dont les guerres civiles, les calamités naturelles et l’instabilité politique, économique ou sociale.

Si l’hémorragie humaine actuelle du continent s’explique par les nombreux déficits de l’Afrique, il faut aussi qu’elle y contribue largement dans la mesure où elle prive ce continent d’une part importante de ses forces productives. Sans constituer la quadrature du cercle, l’avenir de l’Afrique passe moins par la volonté de partir que par celle de bâtir et d’inverser le rapport des forces actuel dans lequel ce continent s’enlise.

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Références bibliographiques :
 WIEVIORKA (M.) : Une société fragmentée ? le multiculturalisme en débat, La Découverte, Paris, 1996.
 SELIM (A.) : L’identité culturelle, relations ethniques et problèmes d’acculturation, Anthropos, Paris, 1981.
 MEMMI (A.) : Les fluctuations de l’identité culturelle ; in la France identitaire, Esprit N° 1, Janv. 1997. 
 JOVELIN (E.) : Le travail social face à l’interculturalité. Comprendre la différence dans les pratiques d’accompagnement social, Ed. L’Harmattan, Paris, 2002.