Considérée comme l’une des langues les plus anciennes d’Afrique, voire du monde, la langue N|uu (du peuple san) est pourtant menacée. Elle n’est plus parlée aujourd’hui que par Katrina Esau – qui approche des 90 ans – et son frère. La barre dans « N|uu » représente un click, un son bien spécifique pour une langue complexe, aux 114 sonorités différentes et 45 clicks. Cette langue nous lie aux origines de l’humanité et risque de s’éteindre en même temps que Katrina et son frère. La disparition des langues autochtones n’affecte pas seulement leurs locuteur·rices : c’est toute une partie du patrimoine historique humain qui meurt avec chacune d’entre elle.

Consciente de l’urgence de transmettre ses connaissances, Katrina a commencé il y a une vingtaine d’années à enseigner aux plus jeunes membres de sa communauté. Les cours, basés sur des chants, des jeux et de la danse, avaient lieu dans une salle de classe construite chez elle, dans un township près de la ville d’Upington – province du Cap-du-Nord. Cette langue s’est transmise de générations et générations, depuis des milliers d’années, sans jamais s’écrire. Une équipe de linguistes a voulu participer au travail de Katrina pour protéger la langue N|uu. Un alphabet et des règles de grammaire ont été crées, permettant désormais de l’écrire. Cela a ouvert la voie à la publication du tout premier livre dans cette langue.
La Tortue et l’Autruche, qui est aussi une fable traditionnelle des San, a été réalisé avec l’appui de la fondation Puku – qui promeut une littérature pour enfants dans toutes les langues d’Afrique du Sud. L’ouvrage, publié en mai 2021, destiné aux 6-10 ans, a aussi été traduit en anglais et en afrikaans.
Ses efforts pour sauver sa langue ont valu a celle qu’on surnomme « Ouma » Katrina une reconnaissance nationale et internationale. Le plus bel honneur serait certainement que le N|uu continue de se transmettre.